On ne connaît pas, avec certitude, l'époque à laquelle les rois de Germanie, souverains de la Lotharingie, reconnurent les comtes du comté de Nivelles comme des officiers héréditaires et possesseurs en propre de ce canton. Les princes de la famille de Louvain, qui étaient déjà, en l'an 1003, avoués de l'abbaye de Sainte-Gertrude, paraissent en avoir été investis de temps immémorial.
Les comtes ou juges suprêmes des comtés avaient d'ordinaire des vicomtes pour suppléants. Peut-être est-ce à ce titre que les anciens chevaliers de Ronquières portaient le surnom de vice comtes ou vicomte? L'un d'eux, Henri, vassal du sire d'Enghien, Engelbert, se qualifie de cette manière dans plusieurs chartes, datées de l'année 1220.
Plus tard, nos ducs se firent représenter par un bailli, dont nous avons parlé, en indiquant l'étendue du territoire qui était soumis à son autorité (voyez plus haut, p. 29). Cet officier était à la fois chargé de faire parvenir dans les localités de son ressort les ordres du souverain , de les faire exécuter, de diriger les poursuites contre les malfaiteurs là où la haute justice appartenait au prince, de percevoir les amendes comminées contre les coupables et les compositions pécuniaires auxquelles on se soumettait parfois pour éviter des poursuites, et de rendre compte des sommes perçues de ce chef. Les archives du royaume possèdent quelques comptes en rouleaux des baillis, l'un, de l'année 1282 ; les autres, de la seconde moitié du XIVe siècle, et une série assez complète de comptes semblables, reliés en volumes (années 1403 à 1728, 1730 à 1733, 1761 à 1782, 1785 à 1789,1791 et 1793). Les plus anciens de ces documents sont remplis de détails intéressants. Mais, à partir de l'année 1460, ils ne contiennent plus, pour les amendes en matière civile, que celles reçues dans la « lieutenanderie » ou mairie de Nivelles. A partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, ces comptes deviennent insignifiants; presque toutes les localités comprises dans le bailliage étant engagées à des particuliers, les recettes et les dépenses s'y réduisent à peu de chose, parfois même à rien. Dans les derniers temps, certains baillis n'ont pas pris la peine de les formuler.
Le produit du bailliage s'éleva : en 1282, à 286 livres 2 sous; en 1403-1404, à 24 livres 10 sous 7 deniers; de 1467 à 1477, en moyenne, à 16 livres 7 sous 3 deniers , en sus des gages ou tiers, qui était abandonné au bailli, et des frais de justice; de 1490 à 1500, en moyenne, de 9 livres; en l'an 1560-1561, à 53 livres Les frais de justice en constituaient la principale charge. Le bailli avait pour appointements: en 1459, 100 royaux ou 90 livres de 40 gros de Brabant; plus tard, on lui assigna le tiers du produit. Ce produit même s'étant insensiblement réduit à peu de chose, tandis que les charges des baillis s'accroissaient dans des proportions effrayantes, l'usage s'introduisit d'indemniser ces officiers au moyen de gratifications payées par les différentes mairies de leur ressort. Des plaintes s'étant élevées à ce sujet, on se détermina enfin à allouer au bailli un traitement convenable. En 1735, il recevait 2,600 florins de la généralité du Brabant wallon et 400 fl. de la mairie de Nivelles; ces sommes étaient payées, non par le gouvernement ou par les Etats de Brabant, mais par les juridictions précitées, sur lesquelles elles étaient réparties, conformément à un mandement en date du 19 juin 1726.
La Justice du bailli, comme on l'appelle dans un document de l'année 1575, se trouvait à proximité du chemin dit de Bruxelles, mais nous ne savons précisément en quel endroit. Jadis il y avait deux piloris sur la route de Bruxelles : le premier au tournant, vis-à-vis de la maison Matton, à environ 150 mètres des remparts ; le second à l'entrée du chemin du Petit-Baulers, à environ 850 m. des remparts. Ils ont été vus l'un et l'autre par des personnes âgées encore existantes, entre autres par M. Froment, ancien sacristain de la collégiale, qui a connu aussi la potence voisine de la grande fontaine, sur le Marché. Une pierre du premier de ces piloris se trouve aujourd'hui dans la fontaine de la Rochelle, au bord de la Thines, au faubourg de Soignies.
La liste des baillis du Brabant wallon n'ayant jamais été publiée que d'une manière très incomplète, nous la donnerons ici avec tous les détails que nous avons pu réunir.
Henri de Bierbais, cité en 1429 comme lieutenant du duc Godefroid Ier à Nivelles (secundas ejus parles am-ministrante Nivigellensibus).
Henri de Huleu, chevalier, bailli du duc Henri Ier (1219).
Arnoul, cité en 1224; peut-être Arnoul de Limai, qui vivait à cette époque ; peut-être le suivant.
Arnoul de Saint-Paul, dit Longe-Avaine, « baillius « postius el Sart de Nivelle et de Genape de par le « duc de Brabant » (1232, 1236).
Henri de Beaurieu (1244,1246, 1255).
Jean de la Ramée (1282, 1285).
Wery Lovial (1286).
Othon de Walhain (1290).
René de Gramtbais (1304, 1307).
Jean de Sombreffe, chevalier (1315).
Jean de Grambais (1322).
Jean de Hannut (1329).
Costin de Boudial, baillis de Nivelle et du Roman pays de Brabant (1330).
Daniel de Stade (1334).
Gillion ou Gilles Le Clerc d'Ittre (1334, 1348, et de nouveau, en 1356, par nomination du comte de Flandre Louis de Maie, devenu maître du Brabant).
Pierre Coutrel de Nederysche ou Neeryssche (1359, 1360).
Godefroid Délie Haye (1361).
Libert de Liroul (1364-1367).
Roland de Bourgneval ou Bornival (1376).
Jean Cluetinc (1380).
Gérard de Huldenberghe (1403-1406).
Jean de la Neuve-Rue, chevalier (1407-1409).
Arnoul de Jodoigne (1409-1444).
Evrard Boet, sire de Crainhem et d'Ophain, chevalier (1414-1445).
Jean de Bossut, chevalier (1416-1418).
Evrard, sire de la Haye à Gouy (sur le Piéton), chevalier (1418-1419).
Jean de Tilly, sire d'Opprebais (1420-142*).
Baudouin de Glymes (1424-1426).
Jean de Tilly, de nouveau (1426-1431).
Gilles de Bouler ou Bonlez, seigneur de Roux-Miroir (1434).
Jean de Tilly, une troisième fois (1434-1432).
Gilles de Bouler, de nouveau (1432-1433).
Baudouin de Glymes, sire de Bierbais, de Chaumont de Melin (1433-1434).
Henri de la Tour (1434-1435).
Baudouin de Glymes, de nouveau (1435-1443).
Jean, seigneur de Longchamps et de Sart (1443-1444).
Arnoul de Jodoigne, sire d'Orbais (1444-1446).
Baudouin de Glymes, une troisième fois (1446-1447).
Le sire de Longchamps, chevalier, de nouveau (1447-1456).
Louis, sire de Dongelberg et de Seraing-le-Château (1459-1470).
Jacques de Glymes, chevalier, seigneur de Han-sur-Lesse et de Wastine (1470-1498. sauf que Baudouin Henri remplit provisoirement ses fonctions du 27 juillet 1474 à la Noël 1475).
Bernard d'Orley, seigneur de Seneffe, Tubise etc. (1498-1501).
Paul Ooge, seigneur de Facuwez, conseiller de Brabant (1501-1503).
D'Orley, de nouveau (1503-1505).
Philippe de Bierges, seigneur de Bierges et de Limal (1505-1507).
Jean de Villers (1507-1509).
Philippe d'Orley, seigneur de Seneffe, Tubise etc. (1509).
Ooge, de nouveau (1509-1512).
Gaspar Scamp (1512-1514).
D'Orley, de nouveau (1514-1554, sauf que ses fonctions furent confiées: de 1517 à 1519, à son lieutenant Scamp et, de 1519 à 1520, à Jean, baron de Trazegnies et de Silly, chevalier de l'ordre de la Toison d'or. Le sire de Bièvre (1554-1560). Louis de Stradio, sire de Malève (1560-1566).
Jacques de Glymes, chevalier, sire de Franquenies (1567-1606).
Philippe-Philibert de Spangen, chevalier, gentilhomme de bouche des archiducs Albert et Isabelle (1006-1643).
Pierre-Ignace Verreycken, baron de Bonlez et de Gesves, vicomte de Breucq (1649-1678).
Philippe-Adrien, comte de Dongelberg, baron de la ferre franche du Fay (1678-1694). Léopold-Ignace-Ferdinand de Rifflart, marquis d'Ittre (1694-1728).
Le comte de Mastaing (1730-1735).
Le prince de Gavre, en 1735.
Charles-Bonaventure, comte Vandernoot, en 1739.
Le baron de Bonlez, en 1759.
Philippe-Roger-.Joseph de Varick, comte de Sart, baron de Bonlez (1761-1782).
Le chevalier Colyns de Ham (nommé le 6 juin 1785).
Tous ces gentilshommes appartenaient, on le voit, aux premières maisons du Brabant. Ceux d'entre eux dont la naissance était moins relevée, n'occupèrent cette charge que temporairement et à raison de leur titre de lieutenant-bailli ou maire ; on les choisissait de préférence, afin qu'il fût plus facile au titulaire de reprendre ses fonctions lorsqu'une maladie, le service du prince ou d'autres motifs impérieux l'en éloignaient momentanément. Les intérêts du domaine du duc étaient surveillés, à Nivelles, par un rentier ou receveur (receptor), dont le plus ancien connu est Jean de Habbeche, qui vivait en 1312. Il avait pour subordonnés des rentiers particuliers, qui siégeaient à Genappe, Braine-l’Alleu, La Hulpe, Grez et Mont-Saint-Guibert ; mais, en 1414, la recette particulière de La Hulpe fut séparée de celle de Nivelles et réunie à la recette de Hoeylaert, qui fut ensuite annexée à celle de Vilvorde et Tervueren. On trouve aux Archives du royaume les comptes du domaine de Nivelles, depuis 1403 jusqu'en 1794.
L'ancien revenu domanial fut considérablement accru par les anciens ducs, qui acquirent successivement en 1225 et 1290, une moitié des grands bois voisins de la ville et appartenant au chapitre, les domaines qui devinrent plus tard la seigneurie de Franc-Etau et le fief de Rognon. En 1482, la recette entière produisit 370 livres 42 sous 7 deniers de gros, chiffre dans lequel figurèrent :
et, en outre, une rente annuelle de 200 couronnes que la ville avait levée pour le souverain en 1474. II resta un boni de 167 livres 18 sous 5 deniers de gros. Du temps du gouvernement de Marguerite d'Autriche, ce boni montait à 750 livres. En 1624, la recette totale de Nivelles s'éleva à la somme énorme de 59,305 livres 46 sous 10 deniers d'Artois ; en 1740-1741, elle n'était que de 5,969 florins, et la dépense ne fut que de 1,356 florins.
Hors des seigneuries de Franc-Etau et de Rognon, dans la recette particulière de Nivelles, nos ducs n'étaient en aucun endroit seigneurs fonciers, sinon à Odomont, sur Rêves, et sauf que, vers l'an 1400, ils furent reconnus en cette qualité dans le hameau de Besonrieux, sur Seneffe. En 1405 la chambre des comptes réclama, comme un droit ducal, « la succession aux biens délaissés par un bâtard ou une bâtarde, s'ils n'ont hoir de leur corps de loyal mariage; et quand un des conjoints meurt, monseigneur doit avoir tout l'héritage du mort et partir à moitié les meubles avec le survivant ». Ce droit odieux ne se prélevait qu'avec répugnance dans les communes et à Nivelles il était aussi revendiqué par l'abbesse. Dans le compte du domaine pour l'année 1405-1406, sous l'influence naissante de la maison de Bourgogne et de ses avides comptables, apparaît très nettement une tentative pour proclamer la renaissance du servage, si glorieusement, si complètement aboli par les princes de la maison de Louvain: « Des gens de serve condition, y est-il dit, tout leur avoir est à monseigneur; quant ils sont allé de vie à trespassement, meubles et héritaige ; sest assavoir que tous chiauls qui naissent et yssent d'une femme qui est serve sont et demeurent serf a tous jours tant qu'il viveront »; et plus loin : « dou meileur chattel de gens de serve condition, comme dit est, et de ce affranequis et par especiaul de la mortemain, par paiant le meilleur chattel ». Aucun de ces deux postes ne produisit rien alors, mais, en 1415-1416, on confisqua « une maison et tenure à Hault-Yttre en Henau, parti venue à monseigneur par le trépas et succession de Goussiaul le sierf de Haulttyttre, chargié de 7 vies gros par an de rente héritable », et que Gossellet, fils de ce serf, prit à ferme pour douze ans, moyennant un gros par an.
Les winages ou péages de Nivelles, deux foresteries: l'une, celle du fief de Rognon, annexée à la prison en ville, l'autre, dite de la Chapelle (ou de la seigneurie de Franc-Etau) ; le greffe de la cour ou échevinage de Rognon, constituèrent longtemps des sources de revenus pour le prince; les jeux de quilles, « boulens » et brelanz étaient jadis donnés en location, mais ces amusements avaient perdu toute vogue en 1562, car personne ne voulait plus les affermer à cette époque.
En 1403, le receveur de Nivelles n'avait que 25 sous de vieux gros de gages, et le domaine payait 48 sous pour les draps (ou habillements) des rentiers sous Nivelles (c'est-à-dire des receveurs en sous-ordre), du clerc ou greffier du receveur et des sergents.
Sous le rapport des aides, Nivelles ressortit de bonne heure au quartier de Bruxelles. Déjà, en l'année 1421, nous voyons que cette ville fit percevoir, à son change, les cotes payées par ses propres habitants, par ceux de l'ammanie, et, en outre, par ceux des mairies de Nivelles, de Genappe et de la Hulpe. Plus tard, le quartier de Bruxelles comprit aussi la mairie de Mont-Saint-Guibert.
Anciennement Nivelles même était fractionnée, pour le paiement des aides et subsides, en trois parties: Nivelles, Grambais et la Chapelle près de Nivelles, qui se confondirent, à ce qu'il paraît, dans le courant du XVe siècle. Le bois de Nivelles, avec d'autres bois, formait une juridiction particulière, complètement exempte d'impôts.
Un règlement du 19 mai 1773 mentionne, comme existant a Nivelles, cinq seigneuries haut-justicières: Rognon, Nivelles, Ardenelle, Neuve-Rue et Grambais; et trois seigneuries foncières: les Tenables, le Temple, Heriamont. Cette liste n'est pas précisément complète ; il serait plus exact de porter à sept ou du moins a six le nombre des terres à haute justice:
Nivelles, où la juridiction était partagée entre le souverain, l'abbesse et le chapitre et les magistrats de la commune ;
Le Franc-Etau, qui se confondit au XVIIe siècle avec la suivante ;
Rognon, seigneurie domaniale; Les Bois de Nivelles, seigneurie appartenant par indivis au souverain et au chapitre ;
Grambais, seigneurie particulière ;
Ardenelle , au prévôt de Nivelles ;
Et Neuve-Rue, seigneurie particulière.
A Nivelles même, les amendes se partageaient de la manière suivante: le souverain en percevait un tiers (quelques documents disent un sixième) et les abbesses en prenaient les deux tiers restants, sauf un tiers, qui était adjugé au prévôt du chapitre. Les amendes « de « la boucherie, de la poissonnerie, de la draperie, du pain, de la mulquinerie, de la tannerie et de la corbiserie » se répartissaient de la même manière, bien que l'abbesse eût exclusivement le droit de nommer des ruaux (rewards ou syndics) pour la boucherie, la poissonnerie, la boulangerie, la vente du houblon et des cuirs. La part du souverain dans les amendes civiles et criminelles fut donnée en engagère, le 7 février 1560-1561, à Philippe du Chesne, pour la somme de 96 livres, passa ensuite à l'abbesse de Nivelles, revint au souverain et fut enfin comprise dans l'engagère du fief de Rognon, dont elle suivit depuis les destinées. Nous rejetterons plus loin ce qui nous reste à dire de la juridiction appelée particulièrement Nivelles, et avant de nous occuper des autres juridictions, nous dirons que la domination française les supprima toutes et dota la ville d'un tribunal de première instance. Ce nouveau siège de judicature occupe actuellement, ainsi que la justice de paix, une partie de la maison communale (ou ancienne maison abbatiale), et l'ancien couvent des Carmes sert de maison de sûreté ou prison.
Nous avons dit plus haut que dès la fin du XIIIe siècle, les ducs de Brabant avaient eu hors de la porte de Namur, à l'endroit appelé la Chapelle près de Nivelles ou le Franc-Etau, une juridiction particulière avec des juges spéciaux, des privilèges, une prison. On ne sait comment ce domaine devint la propriété de nos ducs. Cela arriva-t-il à la suite des acquisitions faites par Henri Ier, de Walter de Rêves et par Henri II de Béatrix de Rêves? Nous ne pouvons l'affirmer. Selon le Guide Fidèle on qualifiait de fief de Francquestaulx, une redevance annuelle de 36 muids d'avoine dont le domaine de Nivelles était redevable à la famille de Trazegnies. Cette rente, qui se relevait en fief du duché et qui n'a été liquidée que sous le gouvernement hollandais, appartenait anciennement à Helewide de Warfusée. Un duc la racheta de cette dame, moyennant 120 livres de Louvain, et, par lettres en date du dimanche avant la fête des saints Simon et Jude, en 1256, la donna à sire Bastion ou Sébastien de Trazegnies et à ses hoirs, pour la posséder comme rente irrédimible. Walter d’Espengnies ou Heppignies, puis Jeanne de Heppengnies, dame de Trazegnies (par son mariage avec sire Othon de Trazegnies), en furent successivement propriétaires et transmirent la rente à la famille dans laquelle elle resta jusqu'à ce siècle. Cette rente, selon toute probabilité, représentait la valeur du domaine de Franc-Etau lors de son acquisition par les ducs.
Comme nous l'avons vu, les habitants de cette juridiction ne payaient au duc de Brabant que l'impôt qu'ils avaient voté. Après Jean III, Wenceslas de Luxembourg leur reconnut ce privilège, à la suite delà guerre qu'il soutint contre le comte de Flandre, son parent (lettres datées de Bruxelles, le 6 juillet 1337). Vers le même temps, la commune de Nivelles ayant voulu leur imposer le paiement des assises, ce prince lui écrivit pour qu'elle les laissât jouir de leurs anciennes immunités, et cita les deux parties à comparaître devant lui, à Bruxelles, le samedi, huitième jour après le 28 mars, en 13...?. Une aide ou taille ayant été accordée à la duchesse Jeanne pour l'entretien de « gens à glaives qui dévoient garder le pays », un des percepteurs, Jean Kerstemin, en réclama une part aux habitants des « Franc-Staus de la ville de la Cappelle de les Nyvelle », part qu'il répartit de l'avis d'autres personnes habitant la localité, mais n'en ayant pas la franchise. Sur les instances de la population lésée, qui produisit alors ses chartes, la duchesse ordonna que la somme imposée à tort aux francs habitants de la Chapelle fût prélevée sur ceux qui les avaient injustement taxés (21 août 1397).
Une enquête de cette époque établit que la population de la Chapelle ne reconnaissait en aucune façon l’autorité des officiers du voisinage. Quoique bourgeois de Nivelles, certains habitants du lieu, tels que Jean Lorais, Adam le Meunier etc., ne contribuèrent pas dans les tailles ou aides générales. D'autres: Me Jean le Couteillier, Jean Viellart, Jean Lorart, Bertrand Copin etc., furent arrêtés à Nivelles par le maire, puis furent remis en liberté et reconnus justiciables seulement « des gens des Frans-Staux », du temps que cette juridiction obéissait encore aux sires de Trazegnies. Les hôtes ou tenanciers jurés du Franc-Staulx jugeaient même les crimes qui se commettaient à la Chappelle-lez-Nyvelles; ainsi le déclara, le 2 novembre 1494, le receveur du domaine à Nivelles. D'après les anciens comptes des baillis de Nivelles, toutes les amendes et forfaitures étaient jugées « à la Chappelle dehors Nivelles», par la coutume de la loi de Genappe.
Le domaine affermait en cet endroit, en l'année 1363, une chambre et brassine ou brasserie, que le locataire payait 20 sous par an; c'était là apparemment que se trouvait la prison, dont il est déjà fait mention en 1290, et qui ne consistait plus, en 1533-1538, qu'en une maison de terre, où, pour cette raison, c'est-à-dire, à cause du peu de sécurité qu'elle présentait, il fallait toujours une garde. La foresterie ou sergenterie de la juridiction s'affermait aussi : en 1401, on l'adjugea, pour trois ans, moyennant 20 livres de cire par an ; en 1406-1407, moyennant 23 livres. Lors de la grande engagère des domaines de Brabant du temps de Philippe II, on céda à Philippe Du Chesne, moyennant 468 livres de 10 gros, la seigneurie de Francq-Estaulx, avec haute, moyenne et basse justice, un cens de 10 sous 5 deniers oboles de Louvain, 4 vieux, gros et 22 2/3 chapons, droit de congé etc., et, moyennant 97 livres d'Artois, la haute, moyenne et basse justice et autres droits appartenant au souverain sur treize maisons et hôpitaux, situés hors de Nivelles (sur Nivelles, Baulers et Monstreux. (Voyez BAULERS), et qui étaient considérés comme des fiefs de Lolhier (onder Lothringe). La veuve de Philippe, Béatrix Vandervoert, qui épousa en secondes noces Joseph Herdinck, posséda, en vertu du testament de son premier mari, celle juridiction (relief du 9 octobre 1565), qui, après elle, devint la propriété de son fils, Louis Du Chesne, dit Malihan, seigneur de Bourdeaux à Bousval, et si connu dans l'histoire du seizième siècle pour avoir été échevin et colonel à Bruxelles.
A ce guerrier rebelle appartenait aussi « une belle maison adjacente au refuge de Villers, dans la rue allant du Marché aux Cordeliers ou Récollets»; un grand terrain communal voisin de la Censé de Stoisy et qui, d'abord werissay ou terrain vague, fut converti en prés et en pâturages, et une rente annuelle de 50 livres que l'abbesse de Nivelles payait sur le fief de Rognon, qu'elle avait achetée de Philippe Du Chesne. En 1580, le patrimoine de Maliban fut confisqué et resta sous séquestre jusqu'au 8 avril 1003, que les archiducs Albert et Isabelle accordèrent mainlevée de la saisie, mais en maintenant la réunion au domaine de la seigneurie de Francstaulx et de la rente de 50 livres précitée. Bien que le contraire soit soutenu dans un rapport à la chambre des comptes, en date du 17 novembre 1783, la seigneurie de Franc-Estaux fut comprise dans l'engagère au baron de Bornival des domaines de Nivelles, Elle s'étendait sur environ 60 bonniers, qui étaient enclavés dans le fief de Rognon.
On connaissait jadis, sous le nom de Fief de Rognon, un territoire qui ne comprenait pas moins de 1,100 ou 2,000 bonniers sur Nivelles, Baulers etc. Cette juridiction, qui est déjà mentionnée dans une charte de l'an 1210 environ, appartenait de temps immémorial à la famille de Trazegnies. Egide ou Gilles, Othon et Jean, sires de Trazegnies, en firent successivement le relief des ducs de Brabant, à qui sire Jean de Trazegnies le vendit en l'année 1321.
Le 2 mars 1558-1559, le domaine engagea, moyennant 2,035 livres de 40 gros, à messire Philippe Du Chesne, chevalier, seigneur de Malhyan ou Malihan, pour être tenu en fief du duché, le fief de Rognon, avec haute, moyenne et basse justice, droit de congé, des lais vestis, un cens de 4 livres 15 sous 7 deniers oboles de Louvain, 12 vieux tournois, 2 pains, 123 3/4 chapons, 3 poules, 3 vaisseaux de blé et 1 rasière d'avoine etc. Philippe en fit ensuite don à son fils Adolphe (relief du 10 juin 1562), qui restitua immédiatement le fief à son père (r. du 30 septembre suivant). En vertu d'une autorisation du conseil des finances, celui-ci vendit ses droits à l'abbesse de Nivelles, qui saisit avec empressement cette occasion d'éteindre les conflits continuels de juridiction qui s'élevaient entre elle et le chapitre, d'une part, et le domaine, d'autre part, et qui dut prendre également en engagera, pour 787 livres 8 sous d'Artois, les cens et rentes foncières que le roi possédait à Nivelles et qui consistaient en 13 livres 16 sous 10 deniers de Louvain, 4 chapons et 2 poulets (lettres patentes en date du 15 décembre 1564). Béatrix Vandervoert, veuve de Philippe, avait fait le relief du fief le 15 septembre 1563, et n'avait renoncé à ses droits, pour elle et ses enfants, qu'après une assez longue contestation (r. du 10 septembre 1564). Néanmoins son fils Louis releva encore la même seigneurie, le 8 juin 1573.
En 1604, les archiducs Albert et Isabelle ordonnèrent de rembourser l'engagère du fief, engagera qui toutefois ne fut payée à l'abbesse que le 22 juin 1611, par le bailli du Brabant wallon; cet officier avança les fonds nécessaires pour cette opération, et, en retour, fut mis en possession temporaire de la chasse, de la pêche et des autres menus droits de la seigneurie. Un demi-siècle plus tard, le gouvernement espagnol aliéna la terre de Rognon une seconde fois en faveur de don Fernand d'Yvan, seigneur de Bornival, moyennant 10,100 florins (27 juillet 1068). D'après un dénombrement de l'année 1684, les cens consistaient alors en : 60 florins 11 sous, 131 3/4 chapons, 4 1,2 poules, une rasière d'avoine, 3 vaisseaux de blé et un vaisseau d'escourgeon, outre 81 h. 12 c. pour redevances de lais vestis dues par l'hôpital du Sépulcre, et 64 fl. 9 s. pour redevances semblables dues par la maison de la Charité. Le fief, séquestré pour dettes de même que la seigneurie de Bornival, fut vendu avec cette terre au marquis de Roben en l'année 1769, et y resta uni jusqu’à la suppression de l'ancien régime.
Les ducs de Brabant avaient dans cette juridiction un maire et des échevins, et en confiaient l'administration à leur receveur du domaine à Nivelles. En 1406-1407, ce receveur payait aux échevins: 1°, pour leurs draps, c'est-à-dire pour leurs habits de cérémonie, 10 patars ou 33 sous 4 deniers de gros, et 2°, en récompense de ce qu'ils jugeaient les contestations relatives aux cens domaniaux, 6 geltes de vin de 8 gros de Flandre ou 4 sous de gros. Le premier de ces paiements fut alors rayé comme n'étant pas légitimé par l'usage; mais, par lettre en date du 24 février 1416-1417, le duc Jean IV enjoignit au receveur de Nivelles de compter « aux échevins de son fief de Rognon et aux autres personnes de son échevinage, qui sont en tous jusqu'au nombre de dix», (les sept échevins, le maire, le greffier, les sergents), les dix patars d'or, qui leur étaient alloués du temps de son père et de ses autres prédécesseurs. Ils n'avaient rien reçu depuis huit ans, lorsque, le 1er mars 1444-1445, Philippe de Bourgogne assigna pour traitement à l'échevinage le cinquième du produit des exploits de la juridiction; mais cette concession n'eut pas de suite. Les échevins n'avaient, pour émoluments, qu'un souper donné tous les ans par le receveur, et, tous les deux ans, une somme globale de 28 à 32 livres d'Artois pour leurs robes. Sur leurs réclamations, la chambre des comptes leur accorda, le 18 août 1511, 25 livres de gros de Flandre, à la condition de se faire confectionner une robe de parure selon l'ancienne coutume, sous peine d'une amende d'un noble d'or. D'après la remontrance que les échevins adressèrent alors à la chambre, ils avaient la connaissance de tout ce qui concernait le domaine et la justice, tant dans l'étendue du fief que dans plusieurs villages voisins, dont les échevins allaient à eux à chef de sens, et à la Chapelle-lez-Nivelle; ils devaient être présents pour la recette des fiefs trois fois l'an, à la Madelaine à Nivelles, et à la Chapelle; c'étaient encore eux qui procédaient aux ventes de meubles, qui siégeaient dans les plaids convoqués par le receveur et le maire, qui faisaient la visite des rives, chemins etc., à une lieue hors de la ville, et notamment des rives de la Thines, depuis le moulin de Beraulx jusqu'au moulin de Bornival. En appel, les échevins de Rognon jugeaient des sentences des échevins de Mellet, de Luttre, d'Orival (sur Nivelles), et de sept différentes cours qui existaient à Seneffe: Seneffe dit Enghien, Tyberchamps, Scailmont et Bois, Buisseret, Piéton, Vaillampont et Sainte-Gertrude. La coutume de Rognon parait avoir été identique à celle de Nivelles.
Les prérogatives du fief donnèrent fréquemment lieu à des contestations. En 1537-1538, Stassin de Nalinne, sergent de Rognon, ayant arrêté un «cabareteur », en sa maison sur le marché de Nivelles, l'abbesse, le prévôt du chapitre et les rentiers de la ville ordonnèrent au maire d'incarcérer trois sergents de bois qui avaient aidé Stassin, et les firent garder en prison, pendant trois jours. L'arrestation d'un nommé Herman DeHaze provoqua un autre différend entre le bailli du Brabant wallon et le receveur du domaine, qui prétendaient l'un et l'autre faire juger ce délinquant. Ce conflit, porté par-devant la chambre des comptes, fut décidé le 20 juin 1539, de l'avis de l'avocat fiscal et procureur général en Brabant, au préjudice du receveur Nicolas de Beaufort. Le bailli reçut ordre de calenger Herman, c'est-à-dire de le mettre à l'amende, et les échevins de Rognon furent chargés de le juger.
En 1557-1558, un prisonnier, après 314 jours de captivité et après avoir été torturé deux fois, fut condamné à mort par les échevins de Rognon et brûlé vif; cette exécution occasionna une dépense de 12 livres 11 sous 6 deniers, que la chambre des comptes sanctionna parce qu'elle constituait un titre en faveur du droit de haute justice attribué au fief, mais en invitant le receveur à ne plus en faire de pareilles. Le baron de Bornival, seigneur engagiste de Rognon, ayant fait dresser un échafaud vis-à-vis des bailles du Blanc Lévrier, pour la fustigation d'un délinquant, l'abbesse, de l'avis du chapitre, protesta contre ce prétendu empiétement (6 août 1685).
On mentionne l'existence à Nivelles: en 1433, de tolniers du duc; au 1er décembre 1455, des nouveaux tolniers appartenant au duc, et en 1497, d'une chambre de tonlieu. Cette cour fut depuis réunie à celle de Rognon. Le 2 mai 1550, les échevins du fief de l'empereur à Nivelles, en présence du receveur de l'empereur, maître des chemins en ce quartier, fixèrent à 40 pieds la largeur du grand chemin entre Nivelles et Namur, à proximité du vivier et du moulin de Huisseret (ou Buchet, sur Sart-Dame-Aveline), chemin qui n'avait que 10 à 12 pieds en cet endroit, par suite des empiétements des propriétaires riverains.
Le seigneur du fief avait la chasse et la volerie, et il y réclamait le droit de pèche, ce qui provoqua entre le domaine et le chapitre un procès, du temps du receveur De Vos. Les cens y étaient considérables, et comprenaient notamment un denier de Louvain par bonnier, payable en deux termes, à la Saint-Jean et à la Saint-Rémi, outre d'autres cens, consistant en chapons, sous et deniers, payables à la Noël. Les archives du royaume possèdent plusieurs Livres censaux de Rognon, et, entre autres, deux registres de ce genre qui furent renouvelés, l'un en 1452, l'autre en 1460. Une somme assez forte était produite par les lais vestis que les hôpitaux et gens d'église constituaient pour chaque pièce de terre, et à la mort desquels on donnait l'équivalent de ce qui se payait en cas de vente. L'usage de ces lais vestis par-devant la cour de Rognon fut réglé par une ordonnance de la duchesse Jeanne, qui porte la date du 16 novembre 1382.
Au siècle dernier, en 1761, le revenu de la seigneurie s'élevait à 691 florins. Le receveur en prélevait le vingtième pour ses émoluments; le maire ne percevait à son profit que les amendes qui n'excédaient pas 6 florins, et le sergent ne recevait qu'une capote ou habit tous les trois ans. La seigneurie était alors séquestrée par le gouvernement: le maire et le greffier étaient établis par la chambre des comptes, et les échevins par les députés des états du Brabant. Afin d'assurer la juridiction du souverain à Nivelles, le conseil des finances ordonna au receveur du domaine de Nivelles, le 7 juillet 1543, d'acheter la maison située au marché, vis-à-vis de l'entrée de la collégiale, pour y tenir les plaids de la cour de Rognon et y établir une prison. C'est alors que fut acquis, à côté de l'hôtel actuel de la Couronne, sur un terrain dépendant du fief, les deux habitations formant la propriété dite le Blancq Leverier (27 mars 1543-1544), et depuis la Maison judicielle du fief de Rognon. Pierre Van Wynhoven, architecte renommé du temps, fit les plans pour la construction de la prison, en 1547. Par acte du 4 septembre 1618, la maison judicielle fut cédée à l'huissier de la cour de Rognon pour lui servir d'habitation, à la condition de fournir des locaux convenables pour les réunions de l'échevinage, et d'abandonner au domaine le produit de la location des greniers. Vers l'année 1760, cette demeure se louait moyennant 55 florins par an, à l'administration communale, qui l'abandonna lors de la seconde entrée des Français, parce qu'elle ne lui suffisait plus pour le placement de ses bureaux.
Sous la dénomination de Bois de Nivelles ou, plus anciennement, sous celle de forêt de Groot Heyst, Grand Hez, on désignait de vastes espaces boisés situés à quelque distance de la ville et qui formaient une juridiction particulière appartenant par indivis au souverain et au chapitre. En vertu d'accords conclus, pour la plupart de ces bois, en 1225, et pour celui dit spécialement le Bois de Nivelles, en 1200, les ducs de Brabant avaient été admis à partager les prérogatives dont les chanoines et les chanoinesses de Sainte-Gertrude y étaient en possession de temps immémorial. Après l'aliénation des bois de Genappe et de Forest, qui furent cédés à l'abbaye d'Afflighem et presque immédiatement défrichés, ce domaine continua à comprendre: sur Nivelles, le Bois de Nivelles, qui contenait 376 bonniers 349 verges ; sur Loupoigne, le Bois du Hazoy, de 84 b. 23 v ; sur Baisy, le Bois de Hez, de 279 b. 240 v. ; et celui de Bossut, de 74 b. 333 v. ; au total 815 b. 245 v., de 20 pieds la verge. Les bois que la commanderie de Vaillampont eut à Thines constituaient aussi un ancien démembrement des bois de Nivelles.
Dans les bois de Nivelles et du Hazoy, le duc de Brabant et le chapitre se partageaient les revenus par moitié; dans ceux de Hez et de Bossut, le duc n'en avait qu'un sixième, tandis que les cinq autres sixièmes appartenaient par moitié au chapitre et à l'abbaye de Villers, cette dernière en vertu d'acquisitions faites du chapitre aux XIIe et XIIIe siècles. Les chanoines et les chanoinesses y pouvaient chasser la bête fauve, ainsi que le décidèrent les archiducs Albert et Isabelle, par sentence en date du 14 juillet 1612, et ce droit s'étendit même à leurs suppôts, qui sortirent triomphants d'un procès que leur intenta à ce sujet le gruyer de Brabant. Les seigneurs des villages adjacents n'avaient pas la même prérogative. Le seigneur de Marbais, ayant chassé dans les bois de Hez et de Bossut en 1620, le chapitre le fit calenger (soumettre à l'amende), et le cita devant la Cour des bois ; ce seigneur demanda d'abord des lettres de maintenue au conseil de Brabant, mais il se désista, paraît-il, de ses prétentions et sollicita du chapitre une permission, qui lui fut accordée à plusieurs reprises, puis fut révoquée le 24 janvier 1639.
Dans une charte de la duchesse Jeanne, du 7 juillet 1403, on voit que depuis l'année 1290, époque où le duc Jean Ier et le chapitre avaient réglementé la police du Bois de Nivelles, les amendes qui s'y infligeaient aux délinquants avaient beaucoup perdu de leur valeur. Pour remédier à ce mal, notre princesse statua que dorénavant les amendes seraient portées au taux de celles qui se percevaient dans la forêt de Soigne. Une ordonnance sur le mode à suivre pour la vente du bois provenant des forêts voisines de Nivelles, porte la date du 1er août 1416, et d'autres, ayant pour but d'y prévenir le maraudage, les dévastations de toute espèce, furent décrétées par Charles le Téméraire, le 28 avril 1474, et par Charles Quint, le 10 septembre 1522. Un projet pour le redressement de quelques abus au sujet de l'administration de ces forêts, en date du 11 juin 1686, fut sanctionné le 28 novembre 1605, par la chambre des comptes.
On appelait jadis Verteboeck le registre où l’on enregistrait les chevaux et bestiaux que les propriétaires et cultivateurs du voisinage pouvaient conduire dans ces forêts, moyennant une redevance déterminée, quant au Keurboeck ou livre des heures ou amendes, il était le même que celui en vigueur pour la forêt de Soigne. Les propriétaires d'héritages contigus aux bois de Nivelles étaient astreints à les clôturer, de manière à empêcher toute communication entre ces héritages et les bois. Si leur bétail pénétrait dans ces derniers, il était confisqué; si leur propriété était endommagée par leur faute, ils ne pouvaient réclamer d'indemnité.
Le souverain et le chapitre instituaient de commun accord une Cour des bois, qui se composait de deux baillis, de huit jurés et d'un greffier, et qui avait à ses ordres huit forestiers ou gardes. Les baillis, les jurés et les forestiers étaient nommés, moitié par le souverain, moitié par le chapitre, et le greffier se désignait alternativement par l'une et par l'autre de ces autorités. A la tête de la cour étaient encore deux maîtres des bois : l'une de ces charges, celle à la collation du chapitre, se donnait à un chanoine; l'autre fut fréquemment conférée au receveur du domaine au quartier de Nivelles. Le plus ancien des maîtres des bois à l'en tour de Nivelles, que nous sachions avoir été nommé par le prince, s’appelait Engelbert de la Houssière; Charles le Téméraire le remplaça, le 10 septembre 1476, par Godefroid Du Chesne, dit Marischal.
La Cour des bois jugeait de tous les crimes et délits qui se commettaient dans les bois de Nivelles, l'homicide excepté, dont les souverains s'étaient réservé la connaissance. Elle pouvait exploiter, c'est-à-dire entamer une procédure, au sujet de ces crimes et délits, dans les autres juridictions, comme le conseil de Brabant le décida en sa faveur : le 14 juillet 1570, contre le seigneur de Houtain-le-Val ; en 1659, contre l'archevêque de Malines, en qualité de seigneur de Frasnes ; en 1643, contre l'abbesse de Nivelles, en qualité de dame de cette ville. Les appels des sentences de la course portaient par-devant la cour du droit forestier ou le Consistoire de la Trompe, à Bruxelles. Un nommé Clément Bonart ayant appelé à la Cour du droit forestier d'une sentence rendue contre lui, le 20 février 1576 au profit du receveur du domaine de Nivelles, celui-ci s'opposa à cet appel par-devant le conseil de Brabant, mais il perdit sa cause. La cour avait anciennement une chambre à l'hôtel-de-ville, où elle siégeait le samedi; après la démolition de cet édifice, vers l'année 1680, elle adopta l'usage de se réunir chez un des baillis ou chez le greffier. Lorsqu'il fut question de construire une nouvelle maison communale, les maîtres des métiers, en reconnaissance de ce que le gouvernement avait gratuitement accordé un octroi pour cette construction, proposèrent d'édifier tout à côté un local pour la Cour des bois, à l'entrée de la grande école. Le magistrat se rallia à cet avis, le 1er juin 1781, mais le chapitre ne trouva pas cet emplacement convenable. Dans le principe, plusieurs foresteries du bois de Nivelles furent érigées en fiefs héréditaires, relevant du duché; mais on ne tarda pas à les remplacer par des sergents révocables à volonté. Un édit du 5 mars 1534-1535 destitua tous les gardes, en punition de leur négligence, et on leur en substitua d'autres, auxquels on adjoignit quatre nouveaux sergents. Il leur fut alors interdit, d'une manière absolue, d'avoir des animaux paissant dans les bois, et on leur retrancha toute espèce d'allocation , en bois ou en feuilles. Par-contre, outre leur salaire habituel et le sixième des amendes jugées sur leur rapport, on leur accorda, par an: aux quatre sergents des bois de Hez et de Bossut, 18 florins, à charge de se faire confectionner, tous les deux ans, un hoqueton de drap aux couleurs et devise des seigneurs de ces bois; aux quatre sergents des bois de Nivelles et de Hazoy, 9 florins, plus, s'ils se conduisaient bien, 5 mailles du Rhin tous les deux ans, pour se faire confectionner un hoqueton. Quelques années après, le salaire de ces gardes fut porté au taux uniforme de 20 livres d'Artois, par une décision commune de la chambre des comptes et du chapitre. Les quatre sergents royaux ayant remontré à la chambre des comptes l'insuffisance de leurs gages, qui ne consistaient qu'en 20 livres de 40 gros (soit un sou un denier par jour), 4 livres qu'ils recevaient tous les deux ans pour leur hoqueton, 30 sous pour leurs vacations a l'inscription du bétail pouvant pâturer dans le bois, et 25 sous pour remplacer les chênes qu'on leur allouait anciennement, ou leur accorda à chacun, le 13 octobre 1575, 2 sous par jour (soit 36 livres par an), 6 livres pour un manteau ayant une manchette de livrée, les 30 sous et les 25 sous mentionnés ci-dessus. Ces gardes recevaient encore une gratification pour avoir soin des aires des nobles oiseaux (c'est-à-dire des nids d'oiseaux de proie). Albert et Isabelle accordèrent à tous les sergents exemption absolue de tailles, de guet, de gardes et autres charges de ce genre, ce qui fut encore confirmé le 22 décembre 1700.
En 1560 on donnait annuellement, au receveur ducal à Nivelles, comme maître des bois, deux chênes, estimés 3 livres; comme receveur, deux chênes (soit ensemble 6 livres ou 30 sous de gros); au maître des bois du chapitre, comme maître des bois, 4 livres d'Artois; comme receveur, 3 livres (ensemble, 35 sous de gros); aux baillis des bois, à chacun, un chêne ; au clerc ou greffier du roi. deux chênes de 3 livres (soit 30 sous de gros); au clerc du chapitre, deux chênes de 3 livres 12 sous (soit 36 sous de gros) ; aux quatre sergents des bois de Nivelles et de Hazoy et aux deux porteurs de marteaux, 25 sous d'Artois chacun (soit ensemble, 37 sous 6 deniers de gros); aux deux sergents des bois de Hez et de Bossut (les deux autres étaient rétribués par l'abbaye de Villers), le même gage (ensemble, 12 sous 6 deniers de gros); au total 9 livres 1 sou de gros.
Des négociations s'étant entamées entre le gouvernement espagnol et le seigneur de Bornival, don Ferdinand de Juan, pour la cession à ce dernier, à titre d'engagère, de la part du domaine dans les bois de Nivelles. Le chapitre s'y opposa fortement. Après une première protestation, en date du 1er décembre 1662, il refusa le 9 du même mois, les 400 pistoles que don Ferdinand lui offrait en indemnité de ces droits. Le gouvernement persistant néanmoins, le chapitre consentit enfin, à la condition que, s'il le désirait, il pourrait acquérir l'engagère, et, qu'au préalable, il lui serait payé 4,500 florins, lorsque les lettres d'engagère seraient dépêchées. Le consentement du pape Alexandre VIII à cette aliénation de la moitié domaniale des bois fut sollicité, et le souverain pontife l'accorda, le 13 juillet 1663. En 1761, le revenu des bois était évalué à 14,376 florins, soit (déduction faite des charges, qui montaient à 2,276 florins) à 12,099 florins ; le baron de Bornival avait payé, pour en devenir propriétaire, la somme de 196,984 livres de 40 gros ; le droit de nommer un bailli et d'autres officiers et celui de prélever une moitié des amendes furent compris dans l'engagère (lettres patentes en date du 27 juillet 1668).
Pendant que la terre de Bornival était sous séquestre, le conseiller des finances lmpens conseilla au chapitre d'acquérir les droits du baron sur les bois de Nivelles et d'autres revenus domaniaux; le marquis de Herzelles, seigneur de Fauquez, président du conseil des finances, en offrant déjà 14,000 florins en sus de l'engagère précédente, le chapitre devait en donner au moins 24,000 florins pour obtenir la préférence. Cette proposition fut adoptée (16 janvier 1753), et le gouvernement fit dépêcher des lettres patentes en faveur du chapitre, mais le conseil des finances les rendit inutiles. Ses membres attaquèrent les lettres patentes comme subreptices et prétendirent que la moitié domaniale des bois représentait une valeur de 480,000 florins. Le chapitre, soupçonnant à cette opposition une origine intéressée, s'adressa au duc de Taroca, président du conseil suprême à Vienne (en 1754), mais ses efforts furent fructueux.
Les états de Brabant ayant fait opérer, en 1633, un recensement général des propriétés en Brabant, on fit un rapport de leur contenu. D'après une déclaration en date du 9 juillet, émanée de la chambre des comptes, ces bois n'avaient jamais été cotisés dans les aides, parce que les souverains du Brabant en avaient acquis la moitié, a charge d'en être les avoués ou défenseurs ; le revenu s'élevait alors, pour la moitié du chapitre, à 3829 florins. Malgré ces représentations, les états taxèrent les bois et ordonnèrent de procéder à la perception de leur cote, par voie d’exécution; mais cette tentative échoua par suite de l'opposition du gouverneur général. Déjà, en 1383, la commune de Baisy s'était vue obligée de renoncer au procès qu'elle avait intenté aux possesseurs des bois de Bossut et de Hez, dans le but de les faire déclarer imposables. Les Comptes des grands forestiers et baillis des bois de Nivelles, depuis 1412, sont déposés aux Archives du Royaume; mais, à partir de l'année 1536, s'il y rencontre des lacunes nombreuses.
Les seigneurs particuliers du hameau de Grambais prétendirent toujours avoir la haute justice dans leurs domaines, qui s'étendaient, en partie, dans la paroisse de Saint-Cyr (plus tard réunie à celle de Notre-Dame, et en partie, dans la paroisse de Monstreux). Au XVIe siècle, les officiers du prince leur contestèrent, mais sans succès, cette prérogative. M. de Loupoigne, qui possédait alors le château de Grambais, ayant fait arrêter pour de petits méfaits un habitant de Monstreux, Jaco ou Jacques le Dangereulx, et « usant de rigueur et de haute justice », l'ayant fait bannir à perpétuité de ses domaines par ses échevins, Jacques réclama auprès de bailli du Brabant wallon, en lui représentant qu'il avait femme et enfants. Sur sa plainte, les hommes de fief du Brabant wallon décidèrent qu'il y avait là une usurpation et que le bailli pouvait révoquer ce ban (1517-1559). Malgré cet incident, la seigneurie de Grambais continua à jouir de ses anciennes prérogatives.
La localité forma longtemps une circonscription particulière, que l'on cotisait à part dans la répartition des aides et subsides. Après avoir été réunie à Nivelles, elle en fut de nouveau séparée, mais les habitants protestèrent contre celle mesure et, par acte passé le 1er août 1492, devant les échevins de Grambais, un accord fut conclu entre les rentiers, dix jurés, maîtres des métiers et communauté de Nivelles, d'une part, et les habitants du hameau, paroissiens de Saint-Cyr, d'autre part. Ceux-ci reconnurent être tenus à payer les maltôtes, assises, droit des métiers et autres charges des bourgeois, et engagèrent à cet effet, pour eux et leurs descendants, leurs biens, sauf réserve du droit du seigneur. Plus tard, quelques débats s'élevèrent à ce sujet. Les Nivellois se montrèrent disposés à se séparer de Grambais, parce que la cote de ce hameau dans l'aide coûtait plus que la maltôte n'y rapportait, et que les habitants du hameau prétendaient s'attribuer la propriété exclusive de leurs biens communaux; en outre, le seigneur de Bornival, nouvel acquéreur du château, refusait de payer la maltôte des biens qu'il achetait et défendait aux sergents de la ville de remplir leurs fonctions dans ses domaines. Le 21 février 1600, douze habitants de la localité, se faisant forts pour sept autres, renouvelèrent les engagements pris par leurs prédécesseurs. Au mois de mars suivant un accord nouveau fut conclu. Le 23, la ville en vota le maintien, à condition que les habitants de Grambais paieraient la maltote des héritages acquis par le seigneur. Le 27, le seigneur et les habitants comparurent à l'hôtel-de-ville et on stipula alors les conditions suivantes: La ville -aura le droit de vendre, pour faire face à des dépenses extraordinaires, les biens communaux du hameau, sauf un pré appartenant au seigneur et auquel la ville renonce au profit du seigneur. Aussi longtemps que celui-ci ou un de ses descendants habitera le château et en exploitera la ferme par lui-même, il sera exempt de maltôte, mais non dans le cas où il la donnera en location. Lorsque le seigneur ou les siens aliéneront une partie de la seigneurie, ils ne payeront pas de maltôte, mais dans le cas où ils rachèteraient ce même bien, ce dernier sera dorénavant imposable.
Les habitants de Grambais avaient antérieurement eu quelques débats avec leurs seigneurs, au sujet de leurs liions communaux; ils en acquirent la propriété incontestée en en cédant une partie à Josse De Mol. Mais, à partir de 1601, la ville en devint propriétaire et ordonna, le 21 mars de cette année, de les affermer.
A Ardenelle, domaine qui s'étendait en dedans et en dehors de Nivelles, principalement à l'endroit portant le même nom, le prévôt du chapitre avait un maire et des échevins, qui jugeaient les cas de toute nature, sauf qu'on livrait le coupable aux officiers du souverain, pour l'exécution de la sentence. En 1735, le maire de la Neuve-Rue « ayant été assez téméraire pour conduire sa cour (ou son échevinage), le long du chemin allant depuis le Bastard jusqu'à la Tournette », quoique celte localité dépendit d'Ardenelle, et pour y poser des actes de juridiction, le chapitre ordonna, le 7 septembre, de protester contre cette usurpation. La prévôté possédait, dans la paroisse Saint-Nicolas, une maison où les tenaux ou tenanciers se réunissaient en plaid. Lors de la vente de cette habitation (celle de M. Gheude-Marloy, saunier, sur la Grand-Place), le 23 juin 1816, on fit encore une réserve: pour le cas où la seigneurie viendrait à être rétablie.
Neuve-Rue s'étendait principalement aux alentours de la porte de Namur, outre la ville, le fief de Rognon et la juridiction du Temple. Le seigneur y avait également la connaissance des cas de toute nature, sauf remise du coupable aux officiers du souverain. En 1280, la juridiction y était déjà réclamée par le chapitre. L'abbesse et le chapitre s'en étant remis à ce sujet à la décision du duc Jean II, avec prière d'ordonner une enquête, le duc déclara, le 14 avril 1312, renoncer à toutes ses prétentions sur la justice de Neuve-Rue. Quant aux seigneurs du lieu, leurs débats avec l'abbesse furent terminés par une sentence arbitrale de Roger de Leefdale, seigneur de Perck et d'Oirschot, et de Raoul Pipenpoy, chevalier, sénéchal de Brabant. L'abbesse fut déclarée haute-justicière « delle Nuefve-Rue qu'on dist sur le quartier Francon, et on attribua à Frankon delle Nueve-Rue tous les meubles trouvés sur le sien de larcin et d'autres vilains cas, les amendes de sept sous et six deniers que ses jugeurs lui adjugeront ». Pour ce qui est des autres amendes, « sans burine et bans », le duc aura un tiers, et le restant, sauf un tiers qui reviendra à Francon, sera partagé entre l'abbesse et le prévôt du chapitre, comme cela se faisait en d'autres parties delà ville. Cet accord fut scellé à Bruxelles, au moustier (ou église) de Sainte-Gudule, le jour des octaves des apôtres saint Pierre et saint Paul, en 1325.
Ce qu'on nommait le Temple s'appelait ainsi parce que les Templiers de Vaillampont en devinrent propriétaires, par suite d'une donation faite en 1174, suivant Gramaye. Là aussi il y eut de longues contestations entre ces puissants chevaliers, d'un côté, le chapitre et la ville, d'un autre côté. Madame de Nivelles et la justice accusèrent les Templiers de vendre du vin et firent « prendre et rompre » un tonneau de cette liqueur, « qui gisoit en la maison del major (ou maire) dit du Temple, sor le liu condist le quartier en le Nueve-Rue ». Frère Henri de Lille, commandeur de l'ordre en Brabant, et le commandeur de Vaillampont, frère Jore (ou George), se présentèrent devant les échevins et autres bonnes gens de la ville, protestèrent que ce vin était pour eux boire et prièrent l'abbesse de leur en rendre une « kene » (dimanche après la conversion de saint Paul, en 1285). Quelques années après on régla définitivement la question de la levée des assises sur les «mesuiers du Temple, demeurant au quartier de la Nueve-Rue». Les bourgeois qui iraient y demeurer devaient payer les assises, et, pour ce qui concernait ceux qui y avaient fixé leur domicile dans les dix dernières années, la commune et les frères de Vaillampont consentirent à s'en rapporter au chevalier Ywain de l'Escailte et à Wery Lovial, bailli du Brabant wallon (novembre 1286). Deux années après, au mois de gisserech 1288, ces arbitres attribuèrent la franchise à un certain nombre d'habitants du quartier, comme s’ils y eussent été établis de toute ancienneté. Cette petite seigneurie, après la suppression des Templiers, passa à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le duc de Brabant y conserva la haute justice, qu'en 1561, on donna en engagère, au seigneur de Neuve-Rue, pour 58 livres d'Artois.
Dans un acte du lendemain de la fêle de saint Jacques et de saint Christophe, en l'année 1281, les échevins du Temple se qualifient d'échevins dou Temple dou Tremeil en la Noeve rue à Nivelle. Nous ignorons ce que signifie le mot Tremeil, que nous n'avons pas rencontré ailleurs. Nous n'avons rien à dire ici des autres seigneuries qui n'étaient que foncières: les Tenaubles ou Tenanciers, propriété du chapitre ; Hériamont, dont l'échevinage avait juridiction au faubourg de Namur, et qui était probablement annexée au fief de Pottes, Sloisy etc.
Nous y reviendrons plus loin.
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