Au milieu des terres féodales du Brabant wallon, la ville de Nivelles présentait une exception remarquable. Grâce à l'industrie et au commerce, qui y prospérèrent de bonne heure, grâce à des franchises conquises par des luttes interminables, une bourgeoisie nombreuse y perpétua le culte des libertés locales. Née et grandie malgré l'hostilité de l'abbesse et du chapitre de Sainte-Gertrude, dont les droits séculaires étaient mis eu question par elle, fortifiée par des institutions vigoureusement organisées, la commune manifesta sa puissance par de grands travaux, par des entreprises hardies et souvent par une attitude énergique. La position des habitants était d'autant plus difficile, qu'un grand nombre d'entre eux se trouvaient placés, par leur position et leurs intérêts, dans la dépendance du chapitre, et ne pouvaient agir aussi librement que leurs concitoyens. De là ces mesures, fréquemment répétées au moyen-âge, et ayant pour objet d'interdire les fonctions municipales aux subordonnés du chapitre, et dont la stipulation suivante, formant l'article 3 du règlement de 1670, est un dernier écho: « Personne ne pourra être choisi au nombre des jurés ou maîtres des métiers, qui est procureur postulant par devant les échevins de Nivelles ou ailleurs, ou qui est officier sermenté de la dame de Nivelles ou du chapitre ». Les autres habitants constituaient une association dont les membres, soumis aux mêmes devoirs, jouissaient des mêmes avantages, des mêmes libertés. A moins d'être fils de bourgeois, on ne pouvait entrer dans la bourgeoisie qu'à prix d'argent. Une ordonnance du 6 décembre 1653 stipula en outre qu'il fallait être homme de bien et « non pour surcharger la ville », c'est-à-dire, dans un fâcheux état de fortune. Pour exercer une industrie ou un commerce, on devait se faire admettre dans la bourgeoisie et payer à la ville: 35 florins, si on voulait exercer un des métiers principaux; 45 florins, si on voulait devenir couturier (ou tailleur), ou cabaretier; 6 florins, si on aspirait à un état moindre; et seulement 20 patars quand on ne voulait que devenir simple « serviteur des métiers », couvreur, scieur etc. Le particulier qui voulait fixer sa résidence à Nivelles était aussi astreint à entrer dans la bourgeoisie, à moins qu'il ne préférât payer la maltôte ou assise des bières sur le même pied que les brasseurs. Dans la suite, et en considération de ce que les finances communales étaient fréquemment chargées de l'entretien d'enfants de bourgeois pauvres, le droit de bourgeoisie fut uniformément porté au taux de 100 florins (sauf que les gendres de bourgeois ne payaient que 50 fl., et toute personne qui s'établissait à Nivelles dut fournir une caution de 200 florins, caution que l'on saisissait si votre entretien venait à incomber à la commune (2 janvier 1755). Dix années plus lard, les trois membres déclarèrent que l'enfant né avant que son père eût acquis la bourgeoisie n'était pas considéré comme bourgeois 9 avril 1735.
On désignait sous le nom des trois membres, la réunion des corps qui gouvernaient la commune: le corps des rentiers et jurés, les échevins, les maîtres des métiers; les premiers, d'abord élus du peuple, puis désignés par le gouvernement, véritables administrateurs de la commune, mutilés en 1670 par la suppression des rentiers, confondus en 1778 avec l’échevinage ; les deuxièmes, formant, sous la présidence du maire, le tribunal au civil et au criminel (sauf la juridiction appartenant à différentes cours dont nous avons parlé plus haut), et nommés par l'abbesse ; les troisièmes enfin, qui, au besoin, demandaient conseil aux métiers mêmes. De ces trois corps, l'échevinage était certainement le plus ancien, mais les rentiers et jurés conquirent ensuite une prééminence incontestée, et le premier rang fut maintenu aux jurés par un décret royal en date du 4 décembre 1674. Néanmoins, à la procession dite des Saintes Huiles et aux Rogations, le maire et les échevins prétendirent avoir la préséance, et les jurés ne la leur contestèrent pas, afin d'éviter un scandale incompatible avec le caractère des cérémonies à propos desquelles ce conflit se produisait.
La banlieue, qui fut fréquemment accablée de frais particuliers, surtout pendant les guerres du XVIIe siècle, essaya d'avoir des représentants particuliers. A la demande du magistrat, le chapitre déclara, le 17 mai 1688, qu'il ne reconnaissait aucune séparation du dehors d'avec le dedans, qu'il n'accueillerait pas les prétendus députés du dehors et qu'il n'accepterait pas, de leur part, la présentation de comptes séparés. On projeta dans la suite l'adjonction aux maîtres des métiers d'un certain nombre de députés de la banlieue, mais cette idée ne triompha pas lors de la rédaction du règlement de l'année 1778.
Depuis l'invasion française, la commune de Nivelles n'a plus d'institutions distinctes. La loi du 29 février 1860 en a fixé la population officielle au chiffre de 8,529 habitants, ce qui range la ville dans la troisième classe, celle des localités dont le conseil communal compte onze membres et où le cens électoral s'élève à 30 francs. Outre les sections cadastrales que nous avons fait connaître, il existe dans l'agglomération centrale, trois sections administratives qui comprennent: la première, le territoire délimité par la rue Sainte-Anne, la place Saint-Paul, le marché au Bétail, la Grand place et la rue de Charleroi ; la deuxième, le territoire délimité par la rue de Charleroi, la Grand-Place et la rue de Mons ; et la troisième, le territoire délimité par la rue de Mons, la Grand-Place, le marché au Bétail, la place Saint-Paul et la rue Sainte-Anne; on y comptait au 31 décembre 1856 respectivement 411, 303 et 265 habitations, en tout 979.
Les jurés ou chefs de la commune nivelloise naquirent probablement en même temps qu'elle, pendant le XIIe siècle; mais nous n'avons pas trouvé de traces de leur existence avant l'année 1330, quoique les chroniques nous disent qu'en 1244 le duc Henri II reçut leur serment et leur confia les clés des portes, et qu'en 1262-1205, ils paraissent avoir dirigé le mouvement insurrectionnel contre l'abbesse.
Leur nombre, qui s'élevait à quatorze (d'où leur nom primitif: les Quatorze, Quatuordecim), reporte leur origine à une date antérieure à l'année 1296, qui vit réduire de 14 à 7 le nombre des échevins. Selon toute apparence, on composa cette institution de manière a ce qu'elle pût rivaliser avec l'ancienne magistrature abbatiale. Parmi les quatorze, il y en avait quatre qui étaient particulièrement chargés de la direction des travaux, de l'administration des finances, et qui furent successivement appelés les Quatre, les rentiers (ou payeurs de rentes), et les bourgmestres (parce qu'ils dirigeaient en effet la ville). Un renouvellement d'alliance, conclu le 1er novembre 1362, entre Louvain et Nivelles, fut scellé au nom de cette dernière ville, par Adam Capelle et Jean Blanche, bourgmestres ; Pirart Grenval et Jean Erbaut, échevins ; Jacques Juse et Golard Belainne, jurés.
Le 2 décembre 1385, le sire de Witthem, sénéchal, et le receveur de Brabant arrêtèrent un règlement relatif aux quatre et aux dix de la ville, règlement que la duchesse Jeanne ratifia le lendemain. D'après une enquête qui s'ouvrit le 26 octobre 1516, l'élection de ces magistrats s'opérait de la manière suivante: chaque année, le jour de la Sainte-Catherine (25 novembre), les métiers choisissaient dans leur sein deux nouveaux maîtres, qui se réunissaient tous, le jour de Saint-Nicolas (6 décembre suivant), et de concert avec les dix jurés sortant de fonctions, choisissaient dix nouveaux jurés, un dans chaque paroisse. Les nouveaux maîtres et les nouveaux jurés, après avoir prêté serment entre les mains du maire de Nivelles, élisaient deux nouveaux rentiers (deux autres restaient encore une année en fonctions), qui juraient fidélité au duc de Brabant entre les mains de son bailli du Brabant wallon ou du lieutenant bailli. Ce ne fut qu’à partir de 1509, à la suite d'un record (ou déclaration) des jurés sortant de fonctions et « d'autres personnes de bien » et officiers, que les jurés et les rentiers furent institués par des commissaires du prince, ordinairement choisis dans le conseil de Brabant et parmi les grands officiers du duché.
Lorsque les jurés étaient réunis, ceux d'entre eux qui avaient été rentiers prenaient la parole avant leurs collègues, quels qu'ils fussent, et se plaçaient suivant leur ancienneté. Les autres se rangeaient dans l'ordre suivant, qui était celui de leurs paroisses: Notre-Dame, Saint-Jacques, Saint-Nicolas, Saint-Maurice, Saint-Georges, Goutal, Saint-Sépulcre, Saint-Jean de Maisials, Saint-André, Saint-Sire. Ainsi le décida une ordonnance des rentiers, dix et maîtres, qui fut promulguée le 28 décembre 1454, « afin d'honorer l'office de la ville ». On le voit, Thines, dès lors, était classée à part, quoique formant une paroisse de Nivelles.
Entre les années 1509 et 1525, la magistrature communale fut mutilée. On réduisit à trois le nombre des rentiers, à huit celui des jurés. Jusque vers cette époque, ceux-ci prenaient quelquefois conseil des jurés sortant de fonctions, que l'on appelait les jurés descendants ou les Ploraulx, et qui recevaient de la ville, tous les ans, une allocation que l'on réduisit, en 1653, à deux patacons, pour chacun. Le règlement de 1663 supprima les fonctions des rentiers, porta à neuf le nombre des jurés, dont le premier, sous le titre de premier juré, hérita alors des attributions des rentiers, et les posséda jusqu'en 1778, qu'on fusionna les jurés et les échevins sous le titre commun de magistrat. Il fut décidé, le 14 septembre 1665, que c'était le bailli du Brabant wallon qui devait recevoir le serment des rentiers et jurés. Ceux-ci, au siècle dernier, s'assemblaient régulièrement trois fois la semaine.
Non seulement les rentiers et les jurés géraient les finances de la ville, décidaient des dépenses et des travaux et prenaient toutes les décisions dont l'importance n'exigeait pas qu'on réunit les trois membres, mais ils terminaient les contestations qui s'élevaient en matière de taille ou d'impôt dans un certain rayon, rayon qui englobait le village d'Aiseau (décision en date du 10 juin 1542), et probablement toute la partie du Brabant wallon, qui, en matière d'aides, était considérée comme une dépendance du quartier de Bruxelles. En outre, dans le principe, ils étaient également juges au criminel, et juges des contestations, des querelles, qui s'élevaient entre les bourgeois. Mais, nous l'avons vu, l'exercice de cette dernière juridiction leur fut contesté. Toutefois, il en subsista longtemps un souvenir manifeste. Nous voulons parler de la Cour des Apaisiteurs ou Appesiteurs, spécialement chargée des affaires provoquées par des querelles, des blessures etc., et qui se composait d'un rentier, de deux jurés et d'un échevin. Des habitants de Rêves ayant refusé de comparaître devant ce tribunal, malgré des lettres de maintenue déjà obtenues du conseil de Brabant, les trois membres résolurent, le 4 décembre 1613, de procéder contre eux. Avec le temps, les apaisiteurs disparurent. Parmi les registres faisant partie des Archives communales se trouve: Le livre de la courte des appaisiteurs et juges de sangs de notre seigneur l'empereur de sa bonne ville de Nivelle en Brabent. Il commence le 13 septembre 1548 et se termine le 21 mars 1590.
Outre ce qu'ils touchaient pour des vacations exceptionnelles, les rentiers et les jurés recevaient chacun tous les ans, en 1528: les premiers 4 livres de gros de Flandre (ou 24 livres d'Artois), les jurés 1 livre de gros (ou 6 livres d'Artois). On leur donnait de plus: à chacun des rentiers, trois aunes ; à chacun des jurés, deux aunes de drap, pour leur habillement de cérémonie. De fréquents banquets, en stimulant leur zèle, leur fournissait des occasions de fêtes. En 1663, le traitement du premier juré fut porté à 150 florins. En 1764-1765, le premier juré recevait 174 florins, les deuxième et troisième jurés 42 fl. chacun, les six autres jurés 30 fl. chacun. Tous ensemble touchèrent en outre, pour leurs réunions ordinaires du lundi, du mercredi et du vendredi, la somme de 429 florins.
Le lundi des Quaresmaux, il y avait un banquet où assistaient non seulement les rentiers et les jurés, mais encore leurs femmes, les valets de la ville, le chapelain, le maître des ouvrages. Quelquefois on y invitait des personnes de distinction ; c'est ainsi qu'en 1604 on y appela le seigneur de Bornival, son lieutenant, le capitaine don Francisco, le lieutenant bailli et d'autres gentilshommes, en sorte que ce dîner couta à la commune 82 livres 11 sous.
A la Sainte-Trinité, jour de la dédicace de la chapelle de l'hôtel-de-ville, on se réunissait de nouveau.
La nuit de la Saint-Jean, lors de réélection des échevins de l'abbesse, les rentiers, les jurés et les serviteurs de la ville dînaient encore a la maison communale, ce qui occasionna une dépense de 37 sous 6 deniers, en 1526; de 37 sous 2 deniers, en 1534.
Quand les commissaires du gouvernement arrivaient à Nivelles pour renouveler le corps des rentiers et des jurés, l'usage était de les régaler ; ce dîner coûta 53 sous en 1532. En 1653 on réduisit cette fête à un « honnête» dîner, et à un déjeuner pour le lendemain, dans le cas où les commissaires seraient encore à Nivelles, et il fut convenu qu'on les prierait de loger chez un des rentiers ou chez le pensionnaire.
Lors de la kermesse, à la grande procession de la Saint-Michel, le cortège s'arrêtait en un lieu appelé au Chesne Sohier de Gand (d'après un échevin de ce nom qui vivait à la fin du XIIIe siècle) et on y faisait un copieux déjeuner, qui coûtait énormément à la ville.
D'après une résolution de 1653, il fut décidé qu'on s'y contenterait des « pistols » ( pistolets ou pains longs?) que l'abbesse et la prévôté y envoyaient et d'un autre fourni par la ville; et que cette dernière y joindrait « un bon quartier de mouton, un jambon, une pièce de primsel, une aime de bière et honnêtement du vin», et que les serments et la jeunesse auraient de plus leurs aimes de bière, suivant l'usage ordinaire, et un peu de vin. On mit alors plus d'économie dans le banquet aux succades (ou sucreries), qui avait lieu la veille de la fête et au retour de la procession.
Mais le repas le plus onéreux aux finances communales était celui du baudissement ou affermage des assises.
Toutes ces fêtes, dont les trois membres votèrent l'abolition temporaire en 1653, furent définitivement supprimées en 1676. L'usage des réjouissances de cette nature fut difficile à extirper. Le 28 septembre 1784, le magistrat s'étant rendu à la collégiale pour y porter les santés royales au son de la musique et du canon, l'échevin Cravan ordonna d'apporter du vin, mais le maire le défendit, en déclarant que la collégiale n'était pas un lieu pour « faire de la débauche », et provoqua ensuite, de l'administration supérieure, une défense de boire, ce jour là, aux frais de la ville (16 février 1185).
Jusqu'en 1663, époque où on les remplaça par un fonctionnaire spécialement chargé du maniement des deniers de la commune (un receveur), c'étaient les rentiers qui étaient investis de cette mission. D'après l'enquête de l'année 1516, ils rendaient compte de la situation de la caisse tous les mois, accomplissaient la même formalité tous les quatre mois en présence des échevins, et enfin rendaient compte de leur gestion au bout de l'année, par devant les jurés et les maîtres des métiers. Quelques jours après, les échevins vérifiaient les comptes rendus dans l'année tous les quatre mois, en présence de l'abbesse et du bailli du Brabant wallon, puis on collationnait ces documents avec le compte annuel. C'était une mission assez désagréable que celle de gérer les finances d'une commune à cette époque, où l'on était exposé à la fois à la défiance du peuple et aux exigences du gouvernement. Dans l'acte du prince de Parme, par lequel il autorise le conseiller de Brabant, maître Jean le Saige, à remplacer comme rentiers de Nivelles Jean et Adrien Thime, on voit que ces magistrats s'étaient plaints d'avoir dû, pendant deux ans, se livrer à un travail continuel, d'avoir été, en outre, emprisonnés, rançonnés et molestés (acte daté de Maestricht, le 8 novembre 1581 ). Le premier rentier avait le gouvernement de la ville et la garde des clés des portes, attributions qui passèrent ensuite au premier juré.
Lors de la fête de Nivelles il était d'usage que les jurés se tinssent, à cheval, à côté de la châsse de Sainte-Gertrude, dont ils étaient, en quelque sorte, responsables envers le chapitre; les échevins, de leur côté, suivaient la voiture de l'abbesse, également à cheval.
Ainsi que tous les autres échevinages, celui de Nivelles était présidé par un mayeur ou maire (villicus), qui était à la nomination de l'abbesse et révocable à sa volonté. Cet officier était à Nivelles le représentant de l'abbesse et du chapitre. Au XIIIe siècle, la famille d'Archenne (ou d'Arquennes) prétendit posséder la mairie de Nivelles à titre héréditaire, mais, après de longues contestations, le chevalier Siger d'Archenne et ses frères Godefroid, Robert et Gérard y renoncèrent au profit de l'abbesse Helwide (charte du duc Henri Ier, datée de Louvain, au mois de janvier 1225). L'influence du maire diminua lorsque la commune grandit au détriment de l'autorité du chapitre, et son importance s'effaça devant celle des rentiers et principalement du premier rentier ; mais, après la suppression de ces magistrats, il la reconquit insensiblement. Enfin, le règlement de 1778 le plaça définitivement à la tête du corps de la ville, et lui alloua un traitement annuel de 210 florins. Depuis cette époque, il prêtait serment entre les mains du premier échevin, et, d'autre part, c'était entre les siennes que les échevins accomplissaient cette formalité. Les Archives du royaume possèdent quelques Comptes (en rouleaux) des maires de Nivelles, pour les années 1378 à 1391 avec des lacunes, et une série complète de Comptes semblables, mais formant des registres, et allant de 1425 à 1550. Les échevins, qui, dans le principe, constituaient probablement le tribunal du comté de Nivelles, virent ensuite leur juridiction limitée aux possessions du chapitre dans Nivelles. Ils étaient primitivement perpétuels et au nombre de quatorze (Gramaye dit à tort quatre, choisis dans autant de lignages) ; ce fut en 1296 qu'on réduisit leur nombre à sept et la durée de leurs fonctions à un an. Les échevins étaient nommés par l'abbesse, qui leur donnait un collègue si, dans le courant de l'année, l'un d'entre eux venait à mourir ou à quitter ses fonctions. Ils ne pouvaient toutefois renoncer ces dernières à leur gré ; le fait s'étant produit le 13 juillet 1588, les échevins ne voulant plus servir, l'abbesse en donna avis au chapitre, et, de son avis, se plaignit au gouvernement, qui donna sans doute tort aux échevins, comme il le fit en différentes circonstances pour d'autres localités.
C'était la nuit de la Saint-Jean, au mois de juin, que les échevins étaient élus ; nous ne savons de quelle manière. Il y avait alors à l'hôtel-de-ville un banquet qui, en 1526, coûta à la commune 37 sous 6 deniers. Outre les émoluments que leurs fonctions judiciaires leur procuraient, les échevins avaient droit à un autre banquet qui se faisait à l'hôtel-de-ville le jour du baudissement ou affermage des assises, et en faveur duquel les trois membres votèrent, le 28 décembre 1587, 18 florins, mais en y ajoutant la réserve: « pour cette fois seulement ». En 1653 il coûtait 80 florins, outre 19 florins 4 sous que les échevins recevaient «pour leurs aubertins »; on suspendit alors cet usage, que le règlement de 1676 abolit définitivement. Dans les derniers temps, il était d'usage que la veille de la nouvelle année, chaque femme d'échevin portât à l'abbesse quatre pains de sucre blanc, du poids de trois livres, et l'abbesse leur donnait une légère collation ; la femme de chambre de l'abbesse prenait part à cette petite fête, ce qui paraissait assez ridicule à plus d'un Nivellois. En 1510, les échevins recevaient de l'abbesse, pour leur habillement de cérémonie, 18 aunes de drap chacun.
Les premiers échevins dont on connaisse les noms sont les huit suivants : Henri, Arnoul. Spurion, Goderan, Wibold, Udelin. Rase et Herward ; ils figurent dans une charte du prévôt de Nivelles Godescale, de l'an 1075 environ. On cite: en 1268, le lendemain de Pâques. Adam Balart, Martin de Morlanweis, Henri Jusette, Mahiu ou Mathieu de Pietoul, Jean de War et Jean Le Spateit ; en février 1288, Wis ou Guy de Couloingne, Sohier de Gand, Thieris II Argentiers ; en 1295, le vendredi avant la Chandeleur, Nicolas Portejoie, Sohier de Gand, Alard Dou Vivier, Godefroid Maines, Pierre Ourri, Adam Beiart. Collard Nagars, qui .siégeaient « ou grand mostier», c'est-à-dire dans la grande église, peut-être sous la tour; en 1296, le deluus ou lundi après la Chandeleur, Pieron Ourri, Walier Quiaremial, Adam Belart, Nicholon Torcol ; en 1297, le vendredi avant la fête des saints Simon et Jude, Gilion Nizelle, Gérard PoullondorThierri II Argentiers, Colard de Stoysi ; en 1357, Colard Capelle, Jacques, Gérard Hollandre, Jean Herbaus, Nicolas Franikar, Jean de Labial et Jacques Swaef. Nous citons ces noms comme renseignement sur les familles dont se composaient à celle époque l'aristocratie bourgeoise de Nivelles.
Les échevins jugeaient au civil et au criminel (sauf les restrictions que nous avons signalées en parlant des jurés). Au criminel, leur jurisprudence avait pour base principale, non pas la Keure du bailliage du Roman pays de Brabant, qui n'avait force de loi que dans les villages, dans les localités non privilégiées, mais la grande ordonnance de 1438, où sont déterminées les amendes comminées contre les crimes et les délits, ainsi que les détails du mode de procédure.
L'usage s'introduisit au XVIe siècle d'aller chercher conseil hors de la ville, « aux frais des bourgeois et pauvres gens», tandis qu'anciennement il n'était en aucune façon permis d'appeler des jugements qui se rendaient à Nivelles. Cette innovation étant de nature à porter atteinte à la considération de l'échevinage et pouvant, si on la tolérait, devenir onéreuse aux habitants, l'abbesse et son conseil, de concert avec les échevins de l'année 1449, la condamnèrent au nom de l'archiduc d'Autriche, et décrétèrent que dorénavant l'abbesse et les gouverneurs, c'est-à-dire les magistrats de la ville feraient exécuter les jugements portés par les échevins (16 avril 1449). La coutume primitive de Nivelles se ressentait de l'influence de l'ancien droit franc. Elle attribuait aux fils, à l'exclusion des filles, le droit de succéder aux immeubles; seulement si parmi les revenus se trouvaient des oiseaux à plumes, c'est-à-dire des redevances en chapons, poules etc. Le partage s'opérait sans distinction de sexe (art. 5). A défaut de fils, les filles héritaient; en ligne collatérale, les enfants des fils étaient aussi préférés aux filles (art. 16). Notons également que dans le ressort de la coutume de Nivelles on pouvait disposer d'un fief, sans la permission de son seigneur.
Les coutumes de Nivelles et de Rognon furent rédigées au XVIe siècle, homologuées par Albert et Isabelle le 1er septembre 1611, publiées à la maison de ville, le 24 du même mois, et immédiatement imprimées à Bruxelles, chez J. Mommaert, en un volume in-quarto. On y lit entre autres dispositions, que: tous les ans, le jour du lundi parjuré, il doit se tenir à Nivelles des plaids généraux ; c'était alors que le domaine ou le seigneur revendiquait ses cens arriérés. Alors aussi celui qui avait reçu une garantie d'un débiteur était tenu de l'exhiber à la cour et d'obtenir un jugement en sa faveur ; le débiteur avait alors un mois (ou s'il était afforain, c'est-à-dire étranger à la localité, quarante jours) pour se libérer, en ne payant que la dette et les frais. Deux fois par semaine, le lundi et le vendredi, de neuf heures à douze, on plaidait par devant l'échevinage, et le vendredi était spécialement consacré aux causes portées en appel par devant les échevins. L'article 37 accorde à tous les enfants, sans distinction de sexe, un droit égal à la succession de leurs parents. Une ordonnance relative aux procureurs, tant pour ceux plaidant par devant le maire et les échevins et qui étaient établis par l'abbesse que pour ceux plaidant par devant les rentiers et les jurés et qui étaient à la nomination de ces magistrats, fut promulguée du temps de l'abbesse Adrienne de Lannoy, par les échevins, rentiers, jurés et conseil; elle fut modifiée par un décret des archiducs, également publié en 1611.
La magistrature nivelloise paraît avoir eu pour préoccupation de ne tolérer que le moins possible l'amoindrissement des biens fonds qui appartenaient à la bourgeoisie. Nous avons vu qu'il était toujours loisible d'en opérer le retrait lorsqu'on les cédait à des mainmortes. En outre, toutes les rentes, de quelque nature qu'elles fussent, étaient remboursables à Nivelles et dans son ressort: une rente en argent au denier 18, c'est-à-dire moyennant dix-huit fois le capital ; une redevance en grains, moyennant 18 couronnes ordinaires ou 21 mailles du Rhin de 20 patars pour 1 muid de blé.
La coutume de Nivelles était suivie dans un très grand nombre de localités, et notamment: à Nivelles même, sauf dans la circonscription du Franc-Etau ; à Aiseau, Appelterre, Arquennes, Baulers, Blanmont (sur Chastre), Bornival, Bollebeek (sur Molhem), Brages, Bruxelles en partie (l'échevinage du chapitre à Bruxelles et aux environs), Buisseret (sur Seneffe), Chastre-Dame-Alerne, Clabecq, Corbais, Couture-Saint-Germain, Essele (sur Tourneppe), Familleureux, Gempioul (sur Vieux-Genappe), Glabais, Gouy-sur-le-Piéton, Goyck, Hennuyeres, Houtain-le-Mont, Houtain-le-Val, Ittre, Lasne, les deux Lennick, Liberchies, Ligny, Limal, Lombeek-Notre-Dame, Lombeek-Sainte-Catherine, Loupoigne, Machelon-Sainte-Gertrude, Ma-ransarl, Meerbeek (près de Ninove), Mellet, Monstreux, Noirmont, Pamele, Petit-Rœulx-lez-Braine, Petit-Rœulx-lez-Nivelles, Pont-à-Celles, Rêves, Saint-Géry, Saventhem, Seneffe, Sterrebeek, Strythem, Ternath, Tiberchamps (sur Seneffe), Thily (sur Sart-Dame-Aveline), Tongrinnes, Tubise, Wambeek, Wanfercée, Wauthier-Braine (l'échevinage du chapitre), Ways etc.
D'après cette liste, on peut admettre que la coutume de Nivelles était adoptée dans la plupart des localités qui formaient le ressort des mairies de Nivelles et de Genappe, où cependant on préférait parfois la coutume de Genappe ou de Lothier, celle de Louvain, et plus rarement celle de Liège (à Bousval et Thilly), celle de Cologne (à Sombreffe), celle d'Uccle (à Oiskerque) etc. En dehors de ces deux juridictions, elle n'était adoptée qu'exceptionnellement, là où le chapitre possédait des biens.
Ce que l'on appelait les Vieilles prisons se trouvait, dit-on, à l'angle de la rue de la Tranquillité et de la rue dite des Vieilles prisons, dont l'autre angle était occupé par le bâtiment nommé l'Evêché. Le 20 août 1190 et le 17 décembre 1492, une sentence des échevins tarifa les droits dus au geôlier. Le forestier du duc à Nivelles était gardien de la prison. En 1406, il avait le droit d'exiger, pour chaque bourgeois de Nivelles confié à sa garde, un vieux gros tournois par jour (ou 3 gros de Flandre 7 esterlings), et en outre les dépens, c'est à-dire les frais de nourriture etc., et, pour chaque personne étrangère à la bourgeoisie, 3 vieux gros tournois, sur lesquels étaient prélevés les dépens. Les exécutions avaient lieu tantôt sur la place, tantôt au lieu appelé le happart, où les cadavres des criminels restaient abandonnés aux intempéries de l'air, aux animaux sauvages et aux oiseaux de proie. Ce monument lugubre fut reconstruit en pierres de taille et orné d'armoiries, par l'abbesse, en 1564. Les échevins « del Rethine (?) » avaient dans leurs attributions le soin de « tapper le clocque », c'est-à-dire de sonner la cloche, lorsque justice se faisait d'un malfaiteur, et, de ce chef, le domaine leur donnait chaque fois, une gelte de vin de la valeur de sept placques.
On ignore à quelle époque les artisans de Nivelles s'organisèrent en corps de métier. Une chronique manuscrite rapporte à l'année 1421 l'institution des métiers des tanneurs, des drapiers et des tondeurs. Déjà, à cette époque, les corporations de ce genre participaient à l'administration locale. C'est en 1403 que, pour la première fois, on mentionne les métiers dans le préambule des ordonnances ou résolutions de. la commune. Les abbesses revendiquèrent toujours et conservèrent, en effet, une part dans la réglementation de tout ce qui concernait les métiers, sur lesquels, dans les derniers temps, elles s'appuyèrent pour affaiblir les débris de l'ancienne puissance de la commune.
Dans le conseil de ville, dont ils formaient le troisième membre (ou troisième fraction), huit d'entre eux étaient représentés par deux députés, appelés maîtres (ou doyens), qui étaient nommés tous les ans, le jour de Sainte-Catherine, par leurs prédécesseurs et les autres membres de leur corporation, et agréés par les deux autres membres : les rentiers et jurés et les échevins. Ces huit métiers étaient : les Chambiers ou brasseurs, le métier de Saint-Eloi, les Mulquenniers, Molkeniers ou Mulquiniers, les Tanneurs, les Pelliers et Aurimiers, Lorimiers ou Lorymiers, les Bouchers, les. fermentiers (remplacés plus tard par les Tailleurs), et les Drapiers. D'après le règlement de 1603, les maîtres des métiers n'étaient convoqués que pour les affaires concernant le service du roi ou de grande importance; ils étaient appelés par le premier juré ou avec sa permission, ils étaient obligés de comparaître et de donner leur avis, au besoin par écrit, et sans pouvoir mêler à l'affaire en délibération des questions étrangères. Ils ne pouvaient tenir arrière-conseil, c'est-à-dire consulter leurs métiers respectifs, que du consentement des jurés, qui devaient, au préalable, en référer au conseil de Brabant.
En 1676, malgré une réclamation que le chapitre adressa à ce sujet à l'abbesse, le 27 novembre, mais pour obéir aux prescriptions d'un décret royal, on réduisit de moitié le nombre des maîtres des métiers, qui fut encore diminué d'un, en 1722, par suite du dépérissement du métier des mulquiniers. Il fut alors statué qu'à la Sainte-Catherine chaque méfier présenterait trois candidats aux jurés et aux échevins, qui en choisiraient un pour exercer, pendant l'année, les fonctions de maître.
Depuis 1778, il n'y eut plus que cinq de ces maîtres qui furent en droit d'assister aux assemblées du corps de ville et d'intervenir dans la reddition des comptes annuels; les deux autres, à tour de rôle, restaient in actifs sous ce rapport jusqu'à la fin de l'année. Ces sept maîtres étaient alors directement nommés par les magistrats, tandis que leurs collègues et ceux des autres métiers fêtaient par leurs corporations respectives. Les maîtres rendaient compte de leur gestion: chez certains métiers, à leur sortie de fonctions ; chez d'autres, le lundi parjuré (ou lundi perdu? le premier lundi après l'Epiphanie).
Les maîtres des métiers recevaient, à l'époque du baudissement ou affermage des assises, une allocation qui ne fut fixée qu'à 45 florins, le 27 décembre 1588, quoiqu'ils eussent réclamé 50 florins. En 1653, elle s'élevait à 100 florins, et on en suspendit provisoirement le paiement, ainsi que celui des 19 florins 1 sous que les maîtres recevaient pour des geltes ou pots de vin d'Espagne, en place d'une rémunération à laquelle on donnait le nom d'Aubertins, probablement parce qu'elle consistait primitivement en un certain nombre de pièces de monnaie frappées par le duc Aubert de Bavière, comte de Hainaut, de Hollande, de Zélande, et seigneur de Frise, qui rogna dans la seconde moitié du XIVe siècle.
L'abbesse de Nivelles prélevait anciennement un tonlieu sur les « blancs bâtons, couvrechefs, fers, grosseries, laines, menus tonniers, clabbiers, merciers, vives hèles, vins, vieuwars (ou friperies), toiles marchanudes, pelleteries, cuirs velus, écorces etc. », que les étrangers achetaient ou vendaient en ville. Cette exaction éloignant les marchands forains, les trois membres de la ville en obtinrent la suppression, pour la durée de la vie de l'abbesse en fonctions (terme qui devint perpétuel), moyennant une rente annuelle de 60 florins carolus de 20 patars, dont 17 1/2 payés par la ville, 2 1/2 par les chambiers, 9 par le métier de Saint-Eloi, 18 par les mulquiniers, 6 par les tanneurs, 4 par les bouchers et 3 par les drapiers (15 décembre 1536).
En vertu d'une résolution du 26 novembre 1600, tout habitant voulant dorénavant jouir du privilège de bourgeoisie dut, sous peine d'une amende de 6 fl au profit des travaux des fortifications, se faire recevoir, dans les trois mois, comme membre d'un des huit métiers précités, à moins que ce ne fût un maçon, un charpentier, un couvreur, un laboureur, un vievarier (ou fripier), un meunier, un manœuvrier, un soyeur (ou scieur), métiers que l'on ne pouvait toutefois exercer sans être bourgeois. Un rapport, daté de l'année 1778 et signé par le pensionnaire Narez, signale, avec beaucoup de hardiesse et de sagacité, les abus qui s étaient glissés dans ces institutions. L'auteur rappelle qu'une botresse de Liège avait été mise à l'amende, à la requête du métier de Saint-Joseph, pour avoir vendu des manches de bois, objets qui pouvaient valoir une plaquette la pièce. Il approuve le maintien des corporations principales: le métier de Saint-Eloi (les graissiers, marchands d'étoffes de soie etc.), des épiciers, étainiers, pelletiers, que l'on séparerait des précédents; des ferroniers et maréchaux, des menuisiers (ou métier de Saint-Joseph), des tanneurs, des drapiers, des tailleurs, des orfèvres; mais en considérant comme inutiles, à cause de leur faiblesse numérique, celles des perruquiers, des barbiers, des couteliers, des cordiers, des mandeliers, des arquebusiers, des cloutiers, et comme exerçant une action très nuisible sur la vente des denrées alimentaires, celles des boulangers, des bouchers, des poissonniers. Aux yeux du zélé pensionnaire, cette vente devait être libre, sauf la surveillance à exercer par la police.
Le métier des brasseurs, des fabricants de vinaigre de grains, les marchands de braie et de houblon et des revendeurs de bière fut réorganisé le 7 décembre 1602, comme le furent aussi ceux des drapiers, des bouchers, des fripiers, des tailleurs. En 1699, il demanda l'interdiction du débit de la bière de Hoeggarde.
Dans le métier de Saint-Eloi ou des merciers étaient compris les maréchaux ou gros forcheurs, les marchands de fer, les couteliers, les charrons, les serruriers, les chaudronniers, les étainiers, les graissiers, les gantiers, pelletiers et blancairiers, les cordiers, les mandeliers, les écreniers et menuisiers, les graissiers et épiciers, les chirurgiens, les barbiers, les vinetiers, les apothicaires, les pastichiers et les arquebusiers. Un nouveau règlement fut donné à ce métier par les trois membres, le 18 février 1756, et approuvé par le souverain le 17 octobre de l'année suivante. Le jour de Sainte-Catherine, plus tard à la Saint-Jean, la corporation choisissait trois candidats, parmi lesquels le magistrat prenait un doyen (ou maître) ; ce doyen, de concert avec les deux personnes qui l'avaient précédé dans cet office, désignait douze membres chargés de régler les affaires du métier et de rendre compte, tous les ans, le lundi parjuré. Les candreliers ou chaudronniers de la ville de Nivelles, avec ceux du métier de Perwez et autres du Brabant wallon, formaient une communauté qui fut établie le 6 février 1516 et approuvée ou confirmée le 5 avril 1593 et le 21 juillet 1606 ; elle était placée sous la protection du grand-bailli et dirigée par quatre maîtres ou élus, sous l'approbation de cet officier. Les apprentis étaient assujettis à un travail préparatoire de deux années, et les candidats à la maîtrise tenus à exécuter un chef-d'œuvre. Cette communauté avait un sceau particulier. On organisa en branches distinctes du métier de Saint-Eloi, ayant chacune des règlements différents: le 5 mars 1687, les chirurgiens ; le 30 juillet 1704, les boutonniers. Pour entrer dans cette dernière corporation, il fallait prouver qu'on avait appris l'état pendant deux ans, soit à Nivelles, soit dans une autre ville; payer pour l'enregistrement de l'attestation chez le plus ancien maître du métier 6 patars, plus 40 patars de cendrin (?), et prouver sa capacité en exécutant plusieurs boutons, une floche d'épée avec cordon, une almarge de piètre. Tout nouveau maître devait, également témoigner d'un apprentissage et de sa capacité, et payer, pour droit d'entrée, 6 florins. Une transaction, en date du 15 mai 1730 et à laquelle souscrivirent les trois membres de la ville, le 19 juin suivant, sépara du métier les chapeliers, qui reçurent une organisation nouvelle le 13 décembre de la même année. Cette corporation faisait célébrer une messe solennelle le jour de Sainte-Barbe. En vertu d'une ordonnance du 7 février 1081, ses membres, à leur réception, exécutaient, comme preuve de leur capacité, trois chapeaux : un chapeau blanc rasé, de moine ; un chapeau noir rasé, de .jésuite, et un bicoque noir mêlé de poils de lapin d'Angleterre.
Des statuts émanés du chapitre, des échevins, des rentiers et des jurés, le dernier février 1561-1562, défendirent, sous peine de 30 patars d'amende et de confiscation de la marchandise, d'acheter les filets (ou fils de mulquinerie) des grosses toiles, avant sept heures, de Pâques à la Saint-Rémi, et avant huit heures, de la Saint-Rémi à Pâques. Cette mesure ne concernait pas les bourgeois qui achetaient des filets uniquement pour leur propre consommation ; elle avait pour but d'empêcher des étrangers d'accaparer les fils avant qu'on ne les exposât en vente au marché. Nous avons vu comment la mulquinerie souffrit d'une émeute en 1647, comment on essaya, en 1651, de lui rendre quelque vie par une ordonnance, qui fut renouvelée le 7 septembre 1744, mais qui resta inefficace, puisque, à partir de l'année 1722, on ne mentionne plus de juré des mulquiniers, preuve évidente que le métier était complètement annihilé. Ce métier avait pour patron saint Sever. Selon la tradition, on fabriquait la batiste dans les vastes caves voûtées qui subsistent encore sous les maisons de la rue de Mons, à droite en venant de la Grand-Place, et particulièrement chez MM. Minet et Tiévet. La température, l'état hygrométrique y favorisaient peut-être la manipulation du lin.
La tannerie alimentait, en 1778, un commerce assez étendu et qui était en voie de prospérité. Le métier des tanneurs avait aux portes de la ville un moulin à écorces mu par l'eau. Les cordonniers, les gorliers, les pelletiers et les gantiers faisaient partie de la corporation, qui fut réorganisée le 5 avril 1544 et, une seconde fois, le 18 février 1686. Elle célébrait, le jour de Saint-Crépin, une fête, à laquelle chaque maître contribuait jusqu'à concurrence de 6 patars.
Dans les temps anciens, la vente de la viande était interdite à ceux qui n'étaient pas « du sang », c'est-à-dire, de la famille des bouchers. Les petits bouchers en constituaient une branche, et, en 1602, les masqueliers en faisaient partie.
Le métier des drapiers reçut des règlements : en 1456, en 1554 et encore en 1602. Il se divisait en plein-métier et demi-métier. Là entraient jadis les marrchands de laine et de drap, les foulons, les tisserands. En 1778, il existait encore à Nivelles quatre ou cinq marchands drapiers, mais pas un ne fabriquait d'étoffes. Cette corporation, qui comprenait aussi les parmentiers ou passementiers, eut de longs débats avec les vivariers ou fripiers, qu'elle accusa de vendre des accoutrements ou vêtements neufs, et qui prétendaient pouvoir le faire dès qu'ils avaient mélangé à ces vêtements des pièces de drap vieux. Des ordonnances des trois membres, du 2 décembre 1596 et du 3 janvier 1597, ordonnances que le conseil de Brabant sanctionna le 9 juillet 1643, condamnèrent les prétentions des fripiers. Il en résulta, paraît-il, que ceux-ci quittèrent le métier, où, suivant leur dire, ils avaient été forcés d'entrer vers l'année 1582. L'abbesse Marie de Hoensbroeck et les trois membres révoquèrent, paraît-il, les privilèges dont les fripiers jouissaient à cause des abus qui s'étaient glissés dans leur corporation, à la suite des guerres. On leur donna un règlement en 1602, en leur assignant pour confrères les potiers de terre et les pourpointiers (ou giletiers). Leurs maîtres ou doyens, en sortant de fonctions, le jour de Sainte-Catherine, choisissaient des candidats, parmi, lesquels les compagnons en appelaient deux aux fonctions de maîtres. Dans son rapport de 1778, Narez déclare que l'existence de ce métier offrait des dangers, à cause de la pratique du recel, auxquels les fripiers ne craignaient pas de se livrer.
Nous n'avons rien à dire du métier des tailleurs des tondeurs et des teinturiers de linge et de drap.
Celui des aurimiers ou orimiers englobait à la fois celui des orfèvres, qui reçut, en particulier, de nouveaux statuts, le 16 novembre 1750 et le 11 août 1762; les armoïeurs, les pelletiers, les verriers, les peintres, les tailleurs d'images, les brodeurs, les tapissiers, les selliers, les éperonniers, les goreliers (que plus haut on associe aux tanneurs), les exauliers et les annauriers. Il fut établi, ou plutôt réglementé, le 15 avril 1534. Narez le considérait comme plus ridicule que nécessaire. D'après lui, il ne s'y trouvait qu'une section véritablement importante : celle des orfèvres, à laquelle les placards avaient déjà assigné une existence distincte. Deux doyens, élus pour un an, en avaient la direction.
Le 17 avril 1554, une organisation nouvelle fut donnée à une grande corporation qui se composait des maçons, des charpentiers, des tourneurs, des euveliers. des « espincheurs » et tailleurs de pierres et cailloux, des escailleteurs (ou ardoisiers) et couvreurs de thuilles, des platisseurs (ou plafonneurs) et blanchisseurs, des banbeleurs, latteurs et soyeurs de bois (marchands el scieurs de bois). Du consentement de l'abbesse, les maires, échevins, rentiers, jurés et maîtres des métiers lui donnèrent un règlement: on plaça à la tête du métier deux maîtres, qui étaient choisis par tous les compagnons ou membres et présentés aux magistrats pour qu’il agréât leur nomination. Si les élus se refusaient à accepter ces fonctions, on leur imposait une amende d'une couronne de 24 patars, à moins que leur dernière sortie de ces foncions ne datât de moins de trois ans. Ces maîtres furent assujettis à rendre compte tous les ans, le jour du patron, saint Joseph, sous peine d'une livre de cire au profit du luminaire de la chapelle du métier. Les charpentiers, maçons et escailleteurs payaient un droit d'entrée de 8 florins carolus; les autres artisans, 4 florins seulement. Toutes les querelles qui surgissaient entre des membres de la corporation étaient jugées par les maîtres et compagnons. Selon une ancienne tradition, le métier de Saint-Joseph fut jadis supprimé, et en effet, nous ne le voyons jamais figurer parmi ceux qui contribuaient à la formation du troisième membre de la commune. Il fut réorganisé le 11 mai 1736 et resta longtemps fort nombreux, surtout les menuisiers, qui, suivant le rapport fait en l'an 1778, passaient pour les plus habiles du Brabant.
D'autres professions sont à peine mentionnées: citons notamment les manouvriers, les meuniers, les poissonniers, les perruquiers, les savetiers. Les manouvriers écartant impitoyablement les étrangers et imposant aux habitants des conditions onéreuses, provoquèrent une résolution par laquelle leur profession fut provisoirement ouverte à toute personne, fût-elle étrangère (7 novembre 1589). Parmi les meuniers, on cite, en 1432, ceux de Monstrou, d'Argentia (sur Monstreux ), de Godron, de Bérart, de Brulle, des Archiers, de Grantpon, del Fosse, del Neufrue etc. Les poissonniers reçurent un règlement le 14 mars 1728. Le métier des perruquiers ou de Sainte-Marie-Madeleine fut érigé le 4 avril 1715 ; le droit d'entrée des apprentis fut alors fixé à 30 sous, et celui des maîtres à 12 florins, outre 30 sous pour le doyen et 6 sons pour le valet ; chaque maître pouvait faire admettre un de ses fils, en ne payant que 6 florins. Le métier recevait de ses membres une cotisation individuelle de 20 sous et payait une rente de 3 florins à l’abbesse. Il était dirigé par un doyen qui était nommé tous les ans, le jour de sainte Marie-Madeleine. Ceux qui vendaient des cheveux, en boutique, devaient payer la moitié des droits du métier. Enfin, celui des savetiers vit réformer ses statuts le 2 décembre 1571 et le 6 mai 1686. Son doyen rendait compte de sa gestion le jour du lundi parjuré, et faisait célébrer une messe basse tous les mois et une autre le jour de Sainte-Marguerite.
Nivelles, à l'imitation des grandes villes du pays, eut jadis un pensionnaire ou jurisconsulte chargé de traiter les affaires pour la commune et de la représenter, au besoin, soit aux états de Brabant, soit aux états-généraux. Il était anciennement nommé par les rentiers, les jurés et les maîtres des métiers, et ne prêtait serment qu'en présence du premier membre ; depuis 1778, ce fonctionnaire fut à la collation des trois membres et leur prêta serment. Guillaume Florent, qui desservait cet emploi avec le titre de secrétaire, s'étant plaint qu'il avait moins de gages que son prédécesseur, Walter Estienne, tandis que la cherté des vivres et ses nombreux enfants rendaient ses charges plus lourdes, et ayant fait valoir qu'il était, depuis l'année 1504, au service de la ville, celle-ci lui alloua, au lieu de 35 livres 10 sous, un traitement annuel de 50 livres de 10 gros, en sus de ses draps (huit aunes par an) et autres émoluments ordinaires (mardi avant la Noël, en décembre 1527). Il mourut en décembre 1534 et fut remplacé par maître Pierre Le Roy. A la demande du pensionnaire Noël Falconier, ses gages furent portés de 100 florins à 200, et on lui assigna, en outre, 4 florins par jour de vacation hors de la ville (17 novembre 1614). Lorsque Falconier devint avocat au conseil de Brabant, il donna sa démission et eut pour successeur Marc-Antoine Dufour, licencié en droit (septembre 1621) ; celui-ci résigna son office, le 5 septembre 1656, en faveur de Jean Blondeau de Wavre, à qui nous devons de curieuses recherches sur le Brabant wallon. Le 12 octobre 1678, Blondeau présenta sa démission et fut remplacé par un nommé Gilbert, à la mort duquel les échevins et les maîtres des métiers déclarèrent que son emploi était inutile. Le conseil de Brabant n'en jugea pas ainsi et, en vertu des ordres de ce corps politique, Rémi François Sotteau fut nommé pensionnaire, le 4 juillet 1724. Ces fonctions ne furent supprimées qu'en 1778.
Outre le greffier nommé par l'abbesse, et qui travaillait avec le maire et les échevins, il y en avait un autre, nommé d'ordinaire clerc juré, et plus spécialement chargé des écritures des rentiers et jurés. Le clerc juré avait, en 1525-1526, 6 livres d'Artois, 2 aunes de drap, et, en 1764-1765, 83 florins et 16 sous de traitement fixe. En 1778, lors de la réunion du magistrat en un seul corps, on maintint les deux greffiers, et un décret des gouverneurs généraux, du 20 août 1785, détermina leurs attributions respectives: le greffier encore en fonctions resta chargé de tout ce qui était relatif à l'administration de la justice ; celui qu'on devait nommer en remplacement du greffier Narez devait avoir dans son lot les affaires de police et l'économie administrative des deniers (ou direction des finances), y compris tout ce qui concernait la législation.
Le receveur communal, établi en 1676, jouissait, en 1764-1765, d'un traitement s'élevant à 425 florins.
Le magistrat avait quatre valets ou huissiers, qui, en 1778, étaient tous perruquiers ; en 1764-1765, ils recevaient par an: le premier, 70 florins ; le deuxième, 67 fl. 2 sous 6 deniers ; le troisième, 42 fl. 6 s. 6 d. ; le quatrième, qualifié de messager, 20 fl. seulement.
Longtemps la ville eut un médecin attitré et salarié. On sentit de bonne heure l'importance d'avoir un homme de l'art à la disposition de la commune, soit pour la conseiller sur des mesures hygiéniques, soit pour traiter en temps ordinaires les indigents, et, en temps de peste, les personnes infectées. Cette même sollicitude détermina les jurés, en 1533-1534, à allouer 5 livres à un maître Hieremie, le jour « de sa feste doctorale en médecine », c'est-à-dire lorsqu'il fut reçu docteur. Un maître Jean Bogaert était alors médecin de la ville, et reçut à ce titre 14 livres, pour six mois de traitement. Ces fonctions furent encore conférées, notamment le 29 août 1586, à maître Hermès Petit, licencié en médecine, et, le 8 avril 1627, à maître Charles Romain, docteur en médecine.
Les greffiers avaient dans leurs attributions la garde des archives. Celles de Nivelles furent longtemps conservées dans la collégiale, où les rentiers, jurés et échevins furent autorisés par le chapitre, le 6 avril 1546, à disposer d'une partie de la tour, « sous les cloches, du côté de Saint-Fiacre », pour y placer les fermes (ou coffres aux titres) des échevins et de la ville. Après la soumission de la cité au prince de Parme, les rentiers et jurés rangèrent dans un ordre convenable les papiers de la ville, qui étaient dans l'état le plus déplorable; pour ce travail, ils reçurent 10 florins des deux autres membres, les échevins et les maîtres des métiers (27 décembre 1584).
Malgré les pertes que le temps, les désastres de toute nature et les guerres leur ont fait subir, les archives de Nivelles offrent encore des documents intéressants, et nous devons ici manifester notre reconnaissance pour l'empressement avec lequel l'accès le plus facile nous a été ouvert aux archives de la ville par MM. Castelain et Paradis, bourgmestres, et M. le secrétaire Durieux, et au greffe du tribunal de première instance, par M. le greffier Dept. C'est dans ces deux dépôts, mais surtout dans le premier, que nous avons puisé presque tout ce qui concerne l'histoire de la commune.
A l'hôtel-de-ville, outre les anciens registres des naissances, mariages et décès (voir tome 1, Habitants), et les comptes communaux, dont il sera question plus loin, nous avons principalement consulté et utilisé les documents suivants:
- Un registre sur parchemin, intitulé: Ci est li livres contenant les couppies des (privilèges) de la ville de Nivelle, fait et ordonneit en l'an de (grâce) mil quattre cens et dix-huit et estoient adont rentiers de la dicte ville.
- L'acte le plus ancien que l'on y trouve est l'alliance contractée entre Nivelles et Bruxelles en 1262, d'après un vidimus donné par cette seconde ville en 1304;
- Puis vient un document de l'an 1340 ; mais ce recueil n'est complet qu'à partir de 1357.
- Registre de la fin du XVe siècle, intitulé: Livre des serments et d'aulcunes ordonnances pour les mallotes de la ville de Nivelle.
- Registre, sur papier, du XVIe siècle, portant pour titre : Registre contenant les chartes, les joyeuses entrées, les ordonnances des princes qui ont possédé successivement le Brabant, depuis le duc Jean en mai 1312 jusqu'à Philippe II en 1549, ainsi que la bulle d'or, les privilèges de la ville de Nivelles et les statuts de ses magistrats. Important pour l'histoire de la première moitié du XVIe siècle ; par malheur, nombre d'ordonnances municipales n'y portent pas de date.
- Registre sur papier, intitulé: Livre de mémoire de ce qui a concerné anciennement la ville de Nivelle, écrit par sieur Noël Falconnier, notaire apostolique et royal admis par le conseil de Brabant, puis esté receu pour pensionnaire de la dite ville, par les rentiers, jurez et maistres de mestiers d'icelle, sans aultrès, qui fut le 8e jour de juing 1695 (?) et aussi aultres choses dignes de mémoire etc. Très-curieux pour l'histoire de Nivelles pendant le XVIe siècle. Une partie de ce volume constituait jadis un recueil appartenant à Jean Deschamps, « clercq jurez de la ville ».
- Registre intitulé: Sensuivent plusieurs ordonnances des membres de la ville de Nivelles faîtes depuis la St-Prisce 1587 estant pour lors rentiers d'icelle ville. Ce volume commence en réalité au 25 janvier 1582 et va jusqu'au 27 septembre 1655. Il forme le premier anneau d'une chaîne qui se poursuit jusqu'à nos jours.
Au greffe du tribunal de première, on conserve : les anciens greffes échevinaux de Nivelles, de Rognon, d'Ardenelle et de Grambais, qui commencent respectivement en 1600 environ, 1624, 1610 et 1650, et quelques registres aux adhéritances et aux reliefs de la seigneurie de Neuve-Rue. Quant aux chirographes mêmes ou titres originaux du ferme de Nivelles, on les a transportés aux Archives du royaume, à Bruxelles.
La langue romane, ou vieux français, était déjà employée, au mois d'octobre 1273, par les échevins de Rognon et les tenaulles du fief d'Ardenelle. Pour les échevins de Nivelles, le plus ancien acte français que nous ayons remarqué date de 1265 ; observons toutefois que, dès l'année 1253, les ducs de Brabant rédigèrent dans cet idiome celles de leurs chartes qui concernaient l'abbaye ou la ville.
A plusieurs reprises nous avons eu occasion de parler de l'ancien sceau communal. Sa destruction en 1265, l'usage que firent les échevins du sceau de l'abbé de Gembloux en 1330 et années suivantes, l'octroi d'un nouveau sceau en 1532 et les modifications qu'on y apporta en 1534 ont été signalées. Dans les derniers temps de l'ancien régime, Nivelles se servait d'un sceau chargé d'une crosse et offrant, sur le tout, c'est-à-dire au centre, un petit écusson brabançon, et en chef, c'est-à-dire dans le haut, les lettres NI... Après 1778, on mit sur le sceau les mots : SIGILLIM MAGISTRATIS CIVIVATÏS NIVELENSIS. Les échevins en avaient un autre, orné simplement d'une crosse et de la légende: SICILL. PR.ET. ET SCAB. NIVELL.. AD CAU. Sous la domination hollandaise reparut l'armoirie à la crosse et au petit écusson au lion ; elle était accompagnée de la légende: PLAATSELYK BESTUUR VAN NYVEL. ( ZUYD BRABANDT). Depuis, un arrêté royal du 16 février 1847 a reconnu à la ville les armoiries suivantes : d'argent à une crosse abbatiale de gueules, posée en pal ; sur le tout, de sable au lion d'or armé et lampassé de gueules.
Les annales de Nivelles nous ont montré les ducs de Brabant n'autorisant d'abord la levée d'impôts dans celle ville qu'avec réserve des droits du chapitre. Les plus anciennes taxes établies par les communes, sur les personnes dont elles se composaient, consistaient, à ce qu'il semble, en cotisations proportionnées à la fortune respective de chaque bourgeois. Dans le principe, elles étaient assises par les chefs de la commune, seuls, et on ne les percevait que sur les membres de la commune ; mais celle-ci réclama, en plus d'une circonstance, pour qu'on les étendit aux autres habitants, et cet empiétement sur les franchises des personnes privilégiées parait avoir engagé les abbesses à revendiquer le droit d'intervenir, droit qui leur fut reconnu en 1312 et en 1500.
Les taxes personnelles cessèrent d'être d'un usage habituel au XIIIe siècle, lorsque les villes obtinrent successivement la faculté d'imposer les marchandises mises en vente ; ce nouvel impôt prit le nom d'assise ou de maltôte, et correspondait parfaitement à l'octroi communal des derniers temps. Il était de la même nature que les anciens winages et tonlieux, dont il réduisit considérablement le produit, car il empêcha qu'on n'en élevât le taux. Le tonlieu abbatial, dont les bourgeois reconnurent le maintien, en l’an 1240, fut plus tard remplacé par la taxe annuelle ou cens que certains métiers payaient à l'abbesse. Celui qui se percevait au profit du souverain se divisait en grand et petit winage. Le grand s'afferma pour trois ans: à la Noël 1400, moyennant 92 mailles du Rhin, par an ; à la Noël 1403, pour 95 mailles. En 1420-1421, personne ne voulut plus le prendre en location, même pour la moitié du fermage antérieur sous prétexte que les marchands de Bourgogne et de France ne passaient plus par Nivelles depuis les guerres civiles qui désolaient ces pays. On en opéra la levée directement, et il produisit 24 florins du Rhin ou 3 livres 16 sou de gros, tandis qu'il n'avait rapporté l'année précédente que 3 livres (6 sous.6 deniers).
Ce que l'on appelait le petit winage ne se percevait que pendant quinze jours, qui commençaient à minuit, le vendredi avant la fête de Sainte-Gertrude, au mois de mars. Le seigneur de Petit-Rœulx près de Nivelles en tenait en fief du duché un tiers, qui, en 1557-1558, était confisqué, faute par le possesseur d'en avoir opéré le relief. On l'appelait aussi les Epingles madame. On l'afferma, au profit du souverain: en 1403, moyennant 5 mailles du Rhin ou 13 sous 9 deniers ; en 1561-1562, moyennant 3 florins carolus ou 15 sous ; en 1736, moyennant 7 florins.
La levée des assises par la commune ne fut d'abord permise par nos ducs, et particulièrement par Jean Ier, en 1272, qu'avec une déclaration de non préjudice des droits du chapitre. Au XIVe siècle, lorsque leur suprématie fut mieux reconnue, ils changèrent complètement de système, et ils permirent aux habitants de s'imposer en toute liberté, en se bornant à stipuler ces conditions tout à leur avantage: l'octroi n'est que temporaire et on y attache l'obligation de payer tous les ans une forte rente au receveur du domaine à Nivelles.
Par une charte donnée à Bruxelles, en 1329, le samedi après la Saint-Michel, Jean III permit la levée d'assises. Le jour de la Saint-Rémi, (1332), il abandonna aux échevins, conseil, bourgeois et communauté de Nivelles, à la charge d'en faire opérer la perception et contrôler l'emploi par les Quatre ou par ceux que la ville voudra, « l'assise que on appelle maletoute » ; celle concession est faite pour un terme de vingt années, et sauf paiement d'une rente de 500 livres (le vieux gros compté pour 18 deniers). Le 14 mars 1351-1352, se trouvant à Tervueren, le duc la renouvela.
Wenceslas et Jeanne, le 13 septembre 1370, et Jeanne, devenue veuve, l'avant-dernier jour du mois de mars 1389, par acte daté de Cambrai, prolongèrent la levée des assises pour vingt années, à commencer en 1372 et en 1392.
Le 4 juin 1418, le duc Jean IV, se trouvant à Nivelles, confirma à la ville le droit de lever des assises, pour un nouveau terme de quarante années, à partir de la Saint-Rémi (1512). La commune lui paya 2,500 écus de France, qui furent remis au conseiller du duc Guillaume Del Berghe, sire d'Orbais, et elle s'engagea à prélever tous les ans, sur le produit de l'impôt, une somme de 200 couronnes d'or de France au profit du trésor ducal.
Philippe de Bourgogne, après avoir sanctionné, en 1448 et 1450, la levée des assises de Nivelles, en autorisa la perception pour 46 ans, qui prendraient cours le 1er octobre 1452, à charge d'une rente de 200 ridders d'or (10 juillet 1452).
Une faveur semblable fut octroyée aux bourgeois, aux mêmes conditions, par l'archiduc Philippe le Beau, pour vingt années commençant le 1er octobre 1499 (19 décembre 1497).
Lorsqu'un octroi semblable fut octroyé par Charles-Quint, le 31 janvier 1525-1526, il y avait, depuis 1482, contestation entre le receveur du domaine, d'une part, les rentiers, les échevins et les jurés, d'autre part, au sujet de la valeur du ridder d'or, que la chambre des comptes évaluait à 39 patars, tandis que les magistrats ne voulaient le taxer qu'à 8 sous 6 deniers de gros de Brabant; une sentence en date du 8 février 1526-1527 donna gain de cause à ces derniers, qui payèrent au souverain pour leur nouvel octroi la somme de 333 livres 13 sous 3 deniers.
Le 22 mai 1540, un octroi du conseil des finances prolongea les assises pour 12 années (la ville avait demandé un terme d'une durée double), commençant à la Saint-Rémi 1542, à charge de payer 350 carolus d'or tous les ans. Le 24 octobre 1534 fut scellé un autre octroi semblable, sauf que la rente fut réduite à 300 carolus d'or de 40 gros de Flandre (ou 75 livres de gros).
Le 25 mars 1566, on continua l'octroi précédent pour 18 ans, en réduisant la rente à 250 carolus d'or. Quoique la perception des assises ne fût autorisée par cet acte que jusqu'au 30 septembre 1584, ce ne fut que le 13 novembre de l'année suivante que d'autres lettres patentes furent dépêchées pour la légitimer. La durée de l'octroi nouveau fut limitée à neuf années.
Le 28 mai 1593, un nouvel octroi sanctionna en même temps la perception d'une taxe d'un denier de gros par cheval entrant en ville, que la commune avait décrétée peu de temps auparavant, sans avoir demandé d'autorisation à cet effet. La commune aurait désiré obtenir un octroi pour un terme de 80 ans et à charge de donner seulement 50 livres par an ; loin de lui accorder cette double faveur, le terme nouveau ne fut que de neuf ans.
Le 5 novembre 1602, le 24 septembre 1608, le 5 mars 1646, le 31 mars 1623, parurent de nouveaux octrois, dont on limita la durée à six ans. A l'expiration du dernier de ces termes, les magistrats de Nivelles continuèrent à lever les assises, de leur propre chef. Sur les instances du receveur des domaines, le conseil de Brabant leur ordonna, le 13 juillet 1652, de solliciter l'autorisation nécessaire à cet effet, mais ils ne déférèrent à cette injonction que treize ans plus tard. Des lettres patentes, toutes stipulant le paiement d'une rente de 300 livres ou florins, furent successivement accordées par le conseil précité: le 26 novembre 1665, pour 18 ans ; le 22 décembre 1704, le 9 septembre 1716, le 15 juillet 1727, le 30 octobre 1739, le 11 mars 1706, pour 12 ans.
Depuis longtemps le conseil des finances protestait contre les concessions de ce genre dont le conseil de Brabant s'attribuait la délivrance. Sur ses pressantes instances, le dernier de ces octrois fut annulé le 24 juillet 1766, comme ayant été accordé par une cour « incompétente » ; puis, le 26 février de l'année suivante, on en dépêcha un autre, que le conseil des finances renouvela le 20 septembre 1777. L'assise se percevait dans toute l'étendue de dix des paroisses de Nivelles, comme le déclara la duchesse Jeanne, en 1390 ; la onzième, sans doute Thines, n'était pas assujettie à cette charge. Les habitants de la seigneurie de Grambais, qui avaient prétendu s'en exempter, reconnurent, en 1492, y être tenus, et au XVIe siècle des octrois de l'autorité supérieure interdirent d'aller boire hors des dix paroisses à deux lieues à l'entour de la ville; ce rayon, réduit à une lieue, fut maintenu, sous peine: pour une première contravention, d'une amende de 30 sous d'Artois ; pour une seconde, d'une amende de 2 livres (ordonnance en date du 3 février 1568-1569).
Si ces dernières stipulations contribuèrent à augmenter le produit des assises, des exemptions de plus en plus nombreuses exercèrent une influence contraire. L'abbesse et le chapitre jouissaient de temps immémorial, et en vertu d'une sentence rendue le 8 août 1450, d'une franchise absolue pour les vins qui provenaient des vignobles dépendant du patrimoine de Sainte-Gertrude, et d'une franchise, limitée à 600 tonnes, de l'assise sur les bières. Les cordeliers ou récollets, pour ces deux consommations, et le receveur du domaine, pour la bière seule, furent aussi privilégiés. Vers l'année 1534 ou 1535, les sœurs grises eurent à leur tour leur brasserie, que l'on reconnut aussi franche, et dont l'emploi provoqua de grands abus. En 1566 ou 1567, quelques personnes attachées à la cour ou incorporées dans les archers de la garde royale obtinrent des faveurs du même genre, qui se multiplièrent considérablement au XVIIe siècle.
Momentanément abolie lors de la seconde invasion française, l'assise fut ensuite rétablie sous le nom d'octroi. Son produit net s'éleva: en 1820, à 19,241 francs ; en 1830, à 15,825 francs ; en 1840, à 26,857 francs; en 1859, à 36,476 francs, total égal à la part affectée à Nivelles dans le fonds communal.
Il résulte des anciens comptes de la ville que c'était là, depuis des siècles, la principale et pour ainsi dire l'unique ressource des finances communales. Sur 5,858 livres 4 sous 11 deniers oboles (la livre d'Artois évaluée à 20 patars, le sou à 1 patard et le denier à 6 mites), les assises figurent, en 1525-1526, pour 5,576 livres 11 sous 10 deniers, savoir :
Ce que l'on appelait la maltôte des héritages se percevait non seulement en ville, mais à l'extérieur, même dans les seigneuries de Grambais, d'Ardenelle, de Neuve-Rue et de Rognon, indépendamment du droit de congé ou dixième que recevaient les seigneurs. Les maltôtes de mil(?), du cuivre, du plomb, d*étain et du fer ne se levaient plus au siècle dernier; une décision du conseil de Brabant, du 12 septembre 1738, les avait supprimées. Les autres revenus provenaient:
1° des cauchaiges, ou taxe perçue aux portes (61 livres 17 sous, dont 20 l. 11 s. à la Porte Montoise, 3 l.18 s. à la Porte le Vaulx, 16 l. à la Porte de Neuve-Rue, 13 l. 17 s. à la Porte de Bélianne, 7 l. 11 s. à la Porte Le Saul) ;
2° de la location des propriétés communales (les fossés des remparts, le moulin le Wichet, quelques parties de la halle, des maisons ou greniers) ;
3° de cens et rentes diverses ;
4° d'une part dans les amendes (elle s'éleva alors à 34 1. 10 s.) etc.
Il y eut, cette année, un excédant de recettes de 4,850 1. 17 s. 6 d.
Florissante pendant le moyen âge, quand Nivelles put s'entourer de fortifications, se construire une halle, s'orner de fontaines, la situation financière reçut un coup mortel des guerres de religion. En 1608, il était dû aux rentiers pour la clôture de leurs comptes 32,664 l. 43 s. d'Artois, et les charges habituelles s'élevaient à plus de 10,000 livres par an (charges ordinaires, 7077 l ; travaux nécessaires, 1,202 l ; frais occasionnés par la garnison, 2,000 l.), tandis que les assises ne s'affermaient que 8,394 l. En 14623, le déficit était réduit à 9,000 ou 10,000 fl., mais les temps qui suivirent ne permirent pas de le combler.
Un état des finances de la ville pour l'année 1688-1689 en évalue les ressources à 9,116 fl. 9 s. 11 d., savoir :
Maltôles (ou assises) 7,169 fl. 5 s. »
Biens divers 521 » 14 » »
Revenus de peu d'importance . . . 25 » 10 » 11 d.
Moyens généraux ( ou impôts perçus afin de couvrir la cote de la ville dans les aides). . 1,400 » » » »
Cet avoir était grevé d'une dette considérable : de 4,550 fl. de rentes annuelles, outre 7,787 fl. 6 s. 22 d. d'arriérés. D'après l'octroi des assises de 1727, la dette communale montait à 100,000 fl.
Le compte de l'année 1764-'! 765 présente les chiffres suivants:
Parmi les dépenses figurent : les rentes héréditaires, pour 2,504 fl.; les rentes viagères, pour 288 fl.; les aides et vingtièmes, pour 12,882 fl. 14 s. 2d. Au commencement de l'exercice, il y avait un excédant de 21,247 fl., excédant qui s'élevait, à la fin de l'année, à 21,998 fl., mais qui résultait uniquement des sommes empruntées, à cette époque, pour la construction des routes. Nous n'en avons pas tenu compte.
C'étaient jadis les rentiers (mot équivalant à celui de receveur) ou bourgmestres qui administraient directement les finances communales. L'office de receveur, de comptable subordonné aux magistrats, ne fut institué qu'en 1663, lors de l'abolition des fonctions de rentiers. Nous en avons parlé au chapitre Histoire, à cette date et à l'année 1778. 0n possède, aux Archives du royaume, à Bruxelles, les comptes de la ville pour les années 1525 à 1526, 1528 à 1534, 1547, 1549 et 1550, 1552 à 1556 et 1764-1765, et, à l'hôtel-de-ville de Nivelles, la série des comptes à partir de 1594-1595. Ces documents commencent au lendemain de la Saint-Prisce (ou 1er décembre) et vont jusqu'au même jour de l'année suivante ; plus tard, ils commencent et finissent au 1er octobre.
La domination française a introduit de grands changements dans la condition financière de la ville ; ses recettes et ses dépenses se sont équilibrées, pendant le XIXe siècle, de la manière suivante:
Le compte de l'instruction primaire présente un total de dépenses s'élevant à 6,356 fr. 20 c et est en déficit de 20 fr. 20 c.
Le compte des chemins et des cours d'eau présente un total de dépenses de 8,220 fr. 28 c, et solde par un excédant de 142 fr. 59 c.
Les ressources, outre l'octroi ou le fonds communal, actuellement destiné à le remplacer, se composent du produit :
1° de propriétés bâties, et notamment du moulin à eau du Wichet et de la boucherie ;
2° de rentes foncières et des concessions de filets d'eau ;
3° du droit de place à la foire, au marché au bétail, au marché aux légumes ;
4° des droits de pesage et de mesurage ;
5° des centimes additionnels aux contributions publiques.
Au nombre des dépenses que la ville avait à supporter figuraient en première ligne les travaux de toute catégorie et le paiement des fonctionnaires qui en avaient la direction. Tel était le maître des ouvrages. En 1549, c'était un nommé Zegere, qui recevait un traitement de 15 livres ; le 26 février 1614, la ville confia cet emploi à Antoine Offreman, qui, après sa mort, fut remplacé par Jacques Del Warde, le 25 juin 1630. En 1764-1765, le titulaire de cet office, Antoine Hennau, jouissait d'un traitement annuel de 40 florins. Le nettoiement du marché était confié à un « ramoneur », à qui, en 1525-1526, on paya pour ce travail 5 livres 16 sous 6 deniers. En 1764-1765, la ville donnait 32 fl. aux nettoyeurs des marchés et des portes, 35 fl. aux nettoyeurs des Merçons et rivières, 14 fl. aux nettoyeurs des chaussées. Ce dernier service fut organisé de manière à devenir profitable: le 31 janvier 1630, l'enlèvement des boues fut affermé à charge de payer 62 florins à la commune. Celle-ci nommait « un garde des pourcheaux ». Le 16 avril 1700, elle acheta une pompe à incendie, au prix de 183 florins 8 sous 12 deniers, et, le 26 mai 1717, elle résolut d'en faire confectionner une seconde.
Nous avons parlé ailleurs de la construction des remparts, de l'établissement des fontaines publiques, des projets de canal vers Bruxelles et Charleroi, de l'ouverture du beau réseau de routes qui environne la cité de Sainte-Gertrude ; il nous reste à dire quelques mots des deux principales propriétés de la commune: la halle et l'hôtel-de-ville.
Construite au milieu du XIVe siècle, en vertu d'une résolution des échevins et des bonnes gens, avec le consentement de l'abbesse, la halle servit d'abord à la vente du blé, ainsi que le constate la charte du duc Wenceslas et de duchesse Jeanne, du 20 août 1357, qui en sanctionne l'établissement. On y plaça aussi le poids ou balance publique. La ville payait au domaine ducal: pour la halle, 10 sous de Louvain et, pour le poids, 5 sous, soit 15 sous, ou, en 1526, 35 sous 7 deniers.
Quand à l'abbesse, la ville, en reconnaissance de ses droits seigneuriaux, lui abandonnait une partie du produit de la louche et du poids. Au moyen âge, une partie de l'édifice fut donnée en location aux pelletiers, aux drapiers, aux bouchers ; au XVIe siècle, la ville avait repris l'emplacement occupé par les pelletiers et recevait par an: des drapiers, 8 sous 5 deniers; des bouchers, 44 sous. En 1764-1765, elle donnait en location les greniers de la halle pour 11 florins 6 sous 18 deniers. Vers 1780, on proposa d'en transformer l'emplacement en boucherie, poissonnerie et douane, mais on ne donna pas suite à ce projet. Sous l'administration hollandaise, on remplaça la halle par un Vauxhall, dont le rez-de-chaussée a, durant de longues années, servi de bureau des taxes municipales et de poids public.
Les trois membres de la commune tinrent longtemps leurs séances au couvent des récollets, suivant une coutume qui était en quelque sorte générale. C'était une légère servitude imposée à ces religieux, en retour des dons et aumônes qu'ils recevaient de la bourgeoisie, une preuve de plus des rapports bienveillants qui existaient entre celle-ci et la corporation. Nivelles n'eut un hôtel-de-ville qu'à la fin du XIVe siècle, lorsque la duchesse de Brabant lui céda, à charge d'un cens de 29 sous, la maison de la ville au marché, « sur le stordoir ». Les magistrats y firent construire une chapelle et élever un autel, et un bourgeois, Henri de Prumelles, donna 200 peters d'or pour y fonder un bénéfice. Un diplôme de l'évêque de Liège Jean de Heynsberg, du 29 mars 1455, autorisa la commune à faire consacrer la chapelle et, en attendant, à faire célébrer ailleurs la messe. En 1525, le chapelain de la ville célébrait cinq messes par semaine et recevait 18 livres par an. Le célèbre Jean de Nivelles, œuvre remarquable par son ancienneté, avant de décorer une des tours de la collégiale, orna le haut de la maison communale C'était là « en haut, emprès Jean de Nivelle (1633) », qu'on faisait la musique, c'est-à-dire que des instruments de musique se faisaient entendre, lors des réjouissances publiques. En septembre 1526, on paya à Philippe Oston 4 livres « pour avoir remis à point et repoint le gaddron (ou cadran) sur la maison de ville et l'homme qui frappe les heures ». Celui qui veillait à la marche de « l'horloge sur la maison de ville» recevait annuellement la même somme. Lorsque Jean de Nivelles et l’horloge eurent été transportés sur l'église de Sainte-Gertrude, la ville continua à payer l'horloger et le carillonneur, qui recevaient, en 1764-1765, le premier, 150 florins, le second, 50 fl. Les greniers de l’hôtel-de-ville étaient jadis loués: le premier, aux loucheurs ou fermiers du droit de louche, pour 55 sous ; le grenier contigu, pour 4 livres 11 sous; le grenier « devant le Lion », pour 3 l. 16 s. ; le grenier « devant la Couronne », pour 4 livres. Afin d'éviter les dangers d'incendie que l'édifice pouvait courir, la ville acheta, en 1526-1527, pour 97 l. 13 s., la Brasserie du Rouge Escut, qu'elle donna en arrentement perpétuel, le 14 février 1649. Elle possédait aussi la maison adjacente, dite le Myroyer ou Miroir, qu'elle louait 36 sous, en 1526. En 1550, Corneille de Namur, escreingnier, c'est-a-dire ébéniste, exécuta, à l'hôtel-de-ville, quelques travaux, qu'on lui paya 11 livres 1 sou.
L'ancien local des assemblées de la commune n'avait jamais été restauré, à ce qu'il parait, depuis sa construction. Aussi se trouva-t-il, en 1672, dans un état tel qu'il devint impossible d'y célébrer l'office divin et de s'y réunir ; la toiture étant totalement en pourriture. Le 13 juin, les jurés résolurent de s'aboucher avec le maire d'Arquennes et de lui proposer la construction d'un nouvel édifice, à la condition qu'il se contenterait, pour se couvrir de ses avances, de l'abandon temporaire d'une maltôte ou assise et d'un remboursement par annuités. Quelques années après, les jurés conclurent avec un nommé Danis une convention pour l'enlèvement des décombres et leur transport sur les remparts, qu’on rehaussa de cette manière (dernier février 1685). Il y eut alors un autre hôtel-de-ville, dont, plus tard, on projeta plus d'une fois la reconstruction, mais sans résultat. Le 18 avril 1696, l'abbesse protesta parce que les jurés l'avaient orné de vitraux aux armes du roi et du duché de Brabant, sans avoir obtenu pour ce travail le consentement des échevins et des maîtres des métiers. Le 26 novembre 1738, les magistrats firent demander un plan pour une construction de ce genre à l'architecte Anneessens (le fils du malheureux doyen de Bruxelles), mais il répondit en critiquant le choix de remplacement et en signalant, comme infiniment préférable, le terrain occupé par les maisons des Trois pucelles, et celles d'Hayon et du sieur Moreau. Le juré De Prelle présenta alors plusieurs plans, dont on choisit un, le 13 mars 1739. L'édifice aurait eu deux étages, ornés de pilastres rustiques et surmontés d'un fronton triangulaire. Au rez-de-chaussée, trois portes et deux fenêtres en anse de panier et aux étages cinq fenêtres semblables, y auraient donné accès ou laissé pénétrer la lumière. Dans les espaces intermédiaires aux étages auraient régné des balustrades simulées. D'après un autre plan de M. De Prelle, qui porte une approbation en date du 13 juillet 1739, et qui était une reproduction du premier, légèrement modifié par le frère carme Gaspar Fonson, architecte, il y aurait eu au premier étage une grande salle de réunion des trois membres, flanquée: à droite, de la chambre échevinale ; à gauche, de la salle des métiers. Un double perron aurait conduit à l'unique porte d'entrée, au-dessus de laquelle une grande fenêtre aurait compris la partie centrale des deux étages. Quelques notables s'étaient opposés, en conseil de Brabant, à la réalisation de ces projets, mais la ville obtint gain de cause contre eux, sauf que le conseil de Brabant lui interdit de dépenser annuellement plus que ses revenus (5 septembre 1739). La maison communale fut de nouveau démolie, et un octroi fut délivré pour l'acquisition des propriétés nécessaires à la construction d'un nouvel hôtel-de-ville (2 janvier 1743). Les magistrats acquirent d'abord, moyennant 2,800 florins, la maison des héritiers de l'avocat de la Chambre, située au fond du Marché des Bêtes, au coin de la rue des Bouchers et près de la rue de Namur. Mais cet espace étant insuffisant, ils y joignirent quatre autres habitations, dont l'amortissement fut consenti par le magistrat de Bruxelles, le 17 février 1778, amortissement pour lequel les fiscaux de Brabant émirent un avis favorable, le 24 juin suivant. En 1786, la ville ayant un fonds disponible de 27 à 28,000 florins, résolut de réaliser enfin le projet conçu depuis si longtemps, et que les événements ajournèrent encore une fois et pour jamais.
L'administration communale avait pris alors en location la maison dite le Blanc lévrier; en 1764-1765, elle payait pour cet objet 55 florins au domaine, qui en était propriétaire ; la publication des placards s'y faisait depuis 1756, suivant un rapport en date du 22 septembre 1772. Après l'occupation française de l'an 1794, la municipalité s'installa dans la maison abbatiale et y tint ses séances. Un ordre de l'administration centrale du département, du 16 prairial an VI, lui prescrivit d'évacuer cet édifice et de le mettre en location. Depuis, la ville a repris possession de ce local, où siègent également le tribunal de première instance et la justice de paix.
Après avoir loué successivement trois différents locaux, la ville s'adressa au Conseil des Cinq-cents pour être autorisée à acquérir la maison abbatiale, et à vendre des biens communaux, évalués à 19,380 livres ; elle fit observer dans sa pétition qu'elle possédait des propriétés donnant un revenu de 3,500 livres (24 floréal an VI). La municipalité résolut, le 22 fructidor suivant, d'inviter le Directoire exécutif de la république, par l'organe de l'Administration centrale du département de la Dyle, à appuyer cette demande, qui fut en effet accueillie. Peu d'années après, on vendit les maisons voisines de la rue des Bouchers, sur lesquelles on avait projeté d'édifier un hôtel de ville.
La maison abbatiale ou palais des abbesses de Nivelles faisait jadis partie du monastère fondé par sainte Gertrude. Il était compris parmi les bâtiments dont l'entretien incombait à l'abbesse, sauf que lorsque de grandes réparations étaient indispensables, le chapitre était tenu d'intervenir dans la dépense. Marguerite d'Escornaix (qui mourut en 1462) en fit bâtir la porte d'entrée, où on plaça ses armoiries. Une de Frankenberch ordonna de construire le quartier du côté du marché, les Neufs quartiers, comme on les appela depuis. Lors du fameux ouragan du mois de mars 1606, le vent «battit des banderolles de fer qui étaient placées au haut de la tourelle servant de cage d'escalier à ce corps de logis ; elles étaient ornées des armes des Frankenberch : de sable aux quatorze besans d'or, rangés 4, 4, 3, 2, 1. » On dut à Isabelle de Herzelles la restauration de la salle où se rendaient, sous la présidence de l'abbesse, les sentences en matière criminelle, comme nous le rappelle l'inscription suivante : « l’an XVe et VI fut refait la salle de jugemët de nous ysabiau de herzelie Abesse séculière digne princesse et dame de Nivelle », qui est gravée sur un large linteau en pierre, au dessus d'une porte du vestibule de l'hôtel de ville. Sous Adrienne de Saint-Omer eut lieu une première reconstruction de l'édifice, « avec salle, salette, chambre d'enbas, places d'enhaut ». Elle y plaça ses armes et la devise: Dieu me pourvoye. Marguerite d'Estourmel, qui lui succéda, fit édifier la cuisine et d'autres bâtiments contigus, «comme appert, dit un chroniqueur, par une table de pierre exposée sur le frontispice de la porte de la salle, en laquelle sont ses armes: de gueules à une croix d'argent dentelée ».
L'abbesse de Hoensbroeck avait projeté d'élever des constructions dans l'hôtel, entre la porte d'entrée et les « neufs ouvrages », mais ce dessein fut entravé par les troubles de religion, et ce ne fut qu'à la fin du XVIIIe siècle, de 1776 à 1781, que fut élevé l'édifice actuel. Melle Vandernoot, la dernière abbesse, en ordonna la construction, pour laquelle le chapitre lui accorda 6,000 florins, «sans préjudice du procès existant entre ce corps et l'abbesse, au sujet de l'entretien du bâtiment (9 mars 1778)». L'ancienne maison abbatiale était plus spacieuse que l'hôtel de ville actuel. Du côté de la collégiale elle était bâtie de manière à englober complètement la tour dite de Madame ; tandis que du côté opposé, il y avait une double rangée de bâtiments entourant une seconde cour, dite Petite cour. Là se trouvaient les dépendances. On remarquait entre la grande et la petite cour un quartier pour des demoiselles chanoinesses, car c'était chez l'abbesse que logeaient les jeunes chanoinesses, jusqu'à ce qu'elles fussent d'âge à avoir une habitation particulière. Vers la rue, il y avait au-dessus de la grande entrée un corps de logis de deux pièces; le long du parvis on rencontrait le Vieux quartier des chanoinesses, et vers le cloître, il y avait le grand quartier dit alors le Quartier de l'évêque, et un grand salon ; puis, entre ces locaux et le cloître, l'ancien dortoir et réfectoire et la salle de justice. Un beau jardin s'étendait vers le N.-E., entre le cloître et l'aire Saint-Paul. Actuellement l'édifice ne se compose plus que de trois corps de logis encadrant une cour fermée par une grille du quatrième côté; le tribunal de première instance, avec son greffe et les archives de ce greffe, et la justice de paix, en occupent une partie ; l'administration communale en utilise l'autre partie. La porte de la salle servant aux mariages et qui donne vers l'arrière-cour est surmontée d'un écusson de pierre bleue, avec la date de 1748. Dans la salle du conseil communal, à l'étage, on voit un beau portrait de l'archevêque de Cambrai, François de Buisseret, le fondateur du collège, et celui d'un bienfaiteur des pauvres, De Sebille-Damprez.
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