Le service divin était confié, à Sainte-Gertrude, à des prêtres choisis dans le chapitre ou désignés par lui. A l'autel principal il ne pouvait être célébré que par des chanoines ou par des évêques et prélats. Ainsi l'avait décrété le pape Léon IX, en l'an 1049. Le soin de la prédication était confié à des religieux appartenant à différents ordres, et d'ordinaire aux récollets. Le catéchisme était enseigné par des jésuites, et exceptionnellement par des prêtres séculiers ; après maître François de la Fleschière, que le chapitre autorisa, le 14 novembre 1013, à remplir cette mission dans la chapelle Sainte-Anne, les jésuites en furent définitivement chargés, le 18 septembre 1630, jusqu'à révocation. Le 30 octobre 1598, l'abbesse de Hoensbroeck destina une rente de 50 florins et quelques autres revenus de peu d'importance, à indemniser une ou deux filles dévotes qui se chargeraient d'enseigner aux jeunes enfants de leur sexe le catéchisme et de leur apprendre le Pater noster. Cette fondation, qui s'appelait le petit catéchisme, avait pour surintendants la prévôté et le maître et la maîtresse de la fabrique de la collégiale.
Les nombreux chapelains de la collégiale formaient un corps distinct. Ils avaient des statuts particuliers, que le chapitre sanctionna de nouveau le 7 mai 1626. Leurs résolutions ont été en partie conservées, notamment celles qu'ils prirent du 6 février 1525 à l'an 1581, et de l'an 1600 environ au 9 février 1719. Leurs biens, réunis en une masse commune, produisirent, en 1450-1451, 7,694 placques et 22 muids 3 setiers de blé, et, en 1787, 3.095 florins 11 sous 12 1/2 deniers. Par résolution en date du 22 juillet 1504, le chapitre en confia l'administration à six d'entre eux, leurs réunions offrant toujours de la confusion, à cause de « l'opiniâtreté de plusieurs ». Pour participer à ces revenus, un chapelain devait être « admis à la résidence la veille de la Saint-Jean » et prêter serment le même jour au chapitre spécialement assemblé pour cet objet. En 1787, sur 30 chapelains, il y en avait 21 qui résidaient; ils choisissaient entre eux un pronotateur, un receveur, un clerc.
Voici quelques renseignements sur les chapellenies qui subsistaient encore en 1787.
En 1225, Alide de Henripont donna une rente de 4 deniers à l'autel de Sainte-Gertrude ou au chapelain des dames. La chanoinesse Mélisende augmenta sa dotation en 1232. Ce bénéfice, qui était à la collation de l'abbesse, fut longtemps annexé à la chapelle du béguinage de Gouthal. Ses revenus s'élevaient, en 1787, à 299 florins, et étaient chargés de 52 messes de requiem par an.
Saint-Martin, fondée par Clarisse ou Claire de Petershem, au mois de février 1241, à charge d'une messe par jour. Revenus, en 1787, 66 fl.; charges, une messe par semaine.
Sainte-Marie ou Notre-Dame (Sancta Maria de Capilulo, Nostra Domina in Capitulo?), autel fondé en 1250 par l'abbesse Ode. Revenus et charges, nuls en 1787.
Saint-Michel, autel cité dans un acte du lundi avant la Purification de l'année 1271. La prévôté Jeanne y dote la Charité de Nivelles, à la condition de payer tous les ans 60 sous de Louvain et deux muids de blé au chapelain de l'autel Saint-Michel des Angles, « à côté l'autel Sainte-Croix», «que j'ai, dit-elle, établi pour le salut de mon âme et de celle de madame Ode de Lais, qui fut abbesse de Nivelles ». Ailleurs, on attribue la fondation de la chapellenie de Saint-Michel à Jacques Lorfebvre, bourgeois de Nivelles, qui testa en sa faveur au mois de gisserech (ou juillet) 1310. Revenus, en 1787, 64 florins ; charges, 26 messes par an.
La Sainte-Trinité, fondée, au mois de février 1309-1340, par le duc Jean II, qui la dota d'une rente annuelle de 16 livres de noirs tournois. L'autel de ce bénéfice, dit aussi de l'Assomption, se trouvait en-dessous des cloches. C'est ce que l'on appelait la chapellenie ducale, qui était à la nomination du souverain. Revenus, 24 fl.; charges, 12 messes par an.
Saint-Jean-l'Evangéliste, instituée en janvier 1297, le vendredi avant la Purification, par le chanoine Walter de Houtain. Revenus, en 1787, 5 fl. ; charges, 3 messes par an.
Sainte-Gertrude, établie en 1339, par le testament de l'abbesse Yolende de Steyne, qui lui légua une rente aunuelle de 26 petits florins, et ordonna d'en investir son clerc Walter de Goy, en stipulant que le bénéfice ne pourrait être donné qu'a un piètre qui n'en occuperait pas d'autre et qui dirait une messe par jour, dans la chapelle de l'abbesse. La chapellenie de Sainte-Gertrude de Steyne se desservait entre le chœur de Saint-Pierre et le chœur des Dames. En 1787, revenus 22 fl. ; charges, 12 messes par an.
Saint-Julien, chapellenie à laquelle Francon de la Neuve-Rue légua une redevance annuelle de 4 muids 4 rasières de seigle, en 1354. En 1787, revenus 28 fl.; charges, 3 ou 4 messes par an.
Sainte-Elisabeth, l'une dite de la première, l'autre de la seconde fondation. L'un de ces bénéfices était dû à l'abbesse Elisabeth de Liedekerke, morte en 1351. En 1787, revenus de la première, 79 fl.; charges, une messe par semaine ; revenus de la seconde, 115 fl. ; charges, une messe par mois.
Sainte-Croix. Un autel de Sainte-Croix existait déjà en 1244. Elisabeth de Ligne, que l'on dit avoir été abbesse de 1380 à 1386, fonda, au nom de sa sœur, Marie de Ligne, morte chanoinesse, l'autel Sainte-Croix, dit depuis de Sainte-Cécile ou de Ligne, ou des mulquiniers, et aussi aux Orgues (ad Organa) ; il se trouvait au dessus du portail qui conduisait aux alloirs. Sa fondatrice le dota d'une rente de 20 marcs d'or. Ailleurs, on prétend que Catherine de Halewyn légua la moitié de ses biens à la fabrique de la collégiale, à la condition de faire célébrer deux messes par semaine dans la chapelle Sainte-Croix. En 1787, il existait deux chapellenies Sainte-Croix : la petite, qui n'avait ni revenus, ni charges, et une autre, dont la dotation, d'un revenu de 113 fl., était chargée de 25 messes par an.
Sainte-Catherine, établie, en 1373, par Marie de Masmines, qui la dota de 20 mailles d'or et de 3 muids de blé, par an, à charge de quatre messes par semaine. Ces dernières étaient déjà réduites à douze par an au XVIIe siècle. En 1787, elles ne se disaient plus du tout. Sainte-Agnès, deuxième fondation, fondée le 14 juillet 1316, par la chanoinesse Marguerite de Los, exécutrice testamentaire de la prévôté Marie de Spontin, aux mêmes conditions que le bénéfice Sainte-Catherine. Revenus, en 1787, 150 fl. ; charges, 20 messes par an.
Notre-Dame des Grandes Tables. Revenus, 324 fl. ; charges, 26 messes par an
Autre, sous le même vocable. Revenus, 361 fl. ; charges, 13 messes par an.
Notre-Dame de Pitié. Revenus, 132 fl. ; charges. 24 messes par an.
Notre-Dame du Sépulcre. Sans revenus, ni charges.
Saint-Amand. Revenus, 38 fl. ; charges. 2 messes par an.
Saint-Amand, dans la « vieille grotte de sainte Gertrude ». Revenus, 138 fl .; charges, 2 messes par an.
Sainte-Anne. Revenus, 274 fl. ; charges, 12 messes par an.
Saints-Côme et Damien. Sans revenus, ni charges.
Sainte-Marguerite. Revenus, 44 fl. ; charges, 12 messes par an.
Sainte-Marie-Madeleine, première fondation. Revenus, 228 fl. ; charges, 15 messes par an. Ce bénéfice qui, par exception, était conféré par l'abbesse. se desservait dans la «Grotte des Demoiselles» , ainsi qu'un autre fondé sous le même vocable.
Saint-Nicaise. Revenus, 278 fl. ; charges 25 messes par an.
Saint-Nicolas. Revenus, 237 fl. ; charges, 26 messes par an.
Saint-Etienne. Revenus, 307 fl. ; charges. 104 messes par an.
Saint-Fiacre.(Revenus, 264 fl. ; charges, 72 messes par an.
Saint-Jean, première fondation. Revenus, 191 fl. ; charges, 24 messes par an.
Saint-Jean-Baptiste, seconde fondation. Revenus, 53 fl. ; charges, 12 messes en mémoire du fondateur.
Saint-Laurent. Revenus, 136 fl. ; charges, 12 messes par an.
Sainte-Marie del Cambe ou delle Camme. Revenus. 262 fl. ; charges, 104 messes, qui se disaient à l'autel de Notre-Dame du Mont-Carmel.
Sainte-Marie-Madeleine. Revenus, 98 fl. ; charges, 104 messes par an.
Chapellenie de l'abbatialité, qui était unie à un bénéfice ou cantuaire fondé dans la chapelle de Saint-Pierre, paroisse de Monstreux ; charges, 8 messes par an, outre celles qui se disaient à la demande de l'abbesse, collatrice de cette chapellenie.
Office de bedeau, à la collation de l'abbesse. Revenus, 131 fl., provenant en partie d'un sixième de la dîme de Witterzée ; les charges consistaient dans l'obligation imposée au bénéficier d'assister à tous les offices, avec sa masse.
Nous ne possédons aucun détail sur le cantuaire que l'abbesse Franckenberch institua dans la chapelle Sainte-Barbe.
Un Recueil des fondations laissées à la communauté des chapelains, recueil qui fut rédigé par J.-.J. Anrion, secrétaire, et porte la date du 8 février 1783, énumère les fondations suivantes (nous avons omis celles qui se desservaient en dehors de la collégiale) :
Le 17 juin 1432, le chanoine Jean Trichebert donne aux communs chapelains 20,000 plaques (soit 333 fl. 6 sous) pour la célébration toutes les semaines de quatre messes à l'autel Sainte-Croix sous le crucifix (sub cruciftxo).
Le 21 mars 1446, Gertrude de Reinghesfliet alias de Boulers lègue 240 florins d'or dits peeters, hypothéqués sur des biens à Odomont, Buzet, Obaix etc., pour la célébration de trois messes par semaine, à l'autel Saint-Jean-Baptiste.
Le 18 septembre 1453, sire Rase Cappe, chapelain de la chapelle Sainte-Gertrude de Steyne, laisse 13 peeters d'or pour faire dire une messe le samedi et lors des fêtes de la Vierge, à l'autel de la Grande Image ou autel privilégié.
Le 17 septembre 1461, l'abbesse Marguerite d'Escornaix assigne 600 peeters d'or de 54 placques, pour la célébration d'une messe basse à onze heures, à l'autel de Notre-Dame, près de la chapelle Sainte-Gertrude, « vers les achaintes des beaux huisses. »
Un Gaspar Gillobe, chapelain, laissa une rente de 10 florins, réduite à 6 florins, en 1558, pour la célébration d'une messe le samedi.
Le 17 septembre 1517, le chanoine Jean Baudet fonda une messe de la Sainte-Croix le vendredi.
Le 11 novembre 1521, un nommé Van Vrosne institue une messe des anges, qui se disait le mardi à l'autel Saint-Michel, et assigne à cet effet une rente de 15 florins sur la ville.
Le 15 novembre 1526, Amauri Delrue laisse 100 liv. d'Artois pour une messe du jeudi à l'autel de Saint-Pierre à Broquette ou Brochete.
Le 24 novembre 4540, les exécuteurs testamentaires de Jean du Trieux assignent 540 florins pour la célébration d'une seconde messe à l'autel Sainte-Croix. Celte fondation fut renouvelée en 1609 par le chanoine Etienne Roulier, qui la dota de 18 francs de rente.
Le premier dimanche de janvier en 1550, Marguerite et Marie de Berlo, qui étaient enterrées dans la nef, près de l'autel de Notre-Dame du Pilier et non loin de la chapelle Saint-Jean-Baptiste, donnent une rente de 15 florins carolus pour une messe de la Trinité, à célébrer le dimanche.
Le 16 septembre 1561, les exécuteurs testamentaires de sire Salomon Ade fondent la messe de 9 heures.
L'abbesse Marguerite de Hennin, qui mourut en 1623, institua deux messes basses, qui se disaient toutes les semaines, l'une à l'autel de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, l'autre à l'autel des Saints Côme et Damien.
Le 16 août 1623, François Fierlay lègue 6 florins pour célébrer une messe tous les jours, à l'autel Saint-Pierre.
Le 9 juillet 1667, Anne de Trazegnies laisse une rente de 26 florins pour la célébration dune messe le mardi.
Le 2 octobre 1723, le chapelain Jean-Joseph de la Chambre assigne une rente de 52 florins pour deux messes, à dire une le mardi et une le jeudi.
Le 23 août 1724, Casimir Herman donne 514 florins pour une messe, qui devait se dire le vendredi à onze heures, à l'autel de Notre-Dame du Mont Carmel.
Le 19 septembre de la même année, un maire de Clabecq, Bernard de Ladrière, lègue 112 florins pour quatre messes, qui devaient se dire toutes les semaines a neuf heures.
Le 30 mai -1729, le chapelain Nicolas de Lannoy donne une rente de 60 florins pour deux messes hebdomadaires.
Le 18 avril 1754, la comtesse de Hamal fait don de 600 florins de change pour la célébration d'une messe le lundi, à l'autel de Notre-Dame du Mont Carmel.
Le 19 janvier 1757, Thérèse-Ernestine de Lannoy fonde une messe du mercredi, à célébrera neuf heures et demie à l'autel privilégié, et laisse à cet effet 750 florins.
Le 18 février 1764, le juré Adrien Tournai lègue une rente de 26 florins pour une messe à dire le samedi, à neuf heures et demie.
Le 5 février 1768, Marie-Philippine de Borlout d'Hooghstraeten, chanoinesse, donne 900 florins pour la célébration d'une messe le mercredi.
Le 24 février 1772, Adrienne Norman assigne 6,000 florins pour une messe qui devait se célébrer tous les jours, à six heures et demie.
Le 16 juin 1781, la douairière de Wemmel, née d'Assche, donne 900 florins pour une messe qui devait se célébrer à son intention tous les mardis, à l'autel privilégié.
L'abbesse de Langastre, disent les Chroniques de Nivelles, donna une rente de 22 florins 10 patars pour la fondation du salut journalier, après les vêpres et les compiles. On dut à l'abbesse de Lannoy l'institution, en 1653, de bénédictions qui se donnaient les dimanches et jours de fête.
Les guerres et les troubles ayant considérablement réduit les ressources destinées au maintien de la pompe dont on aimait à entourer la célébration du service divin, le chapitre demanda au pape Paul IV l'union à sa mense capitulaire de dix bénéfices, pour en employer les revenus à l'entretien de vicaires et de chantres capables et bons musiciens (idinei et in musica experti). Ces dix bénéfices étaient les chapellenies de Sainte-Catherine, de Sainte-Gertrude, de Sainte-Marie-Madeleine, toutes trois de la deuxième fondation : de Sainte-Marie ad organa, de Sainte-Gertrude de Wenigue, de Sainte-Marguerite de Laudi, de Sainte-Marie de Goegnies, de Sainte-Agnès, de la Sainte-Trinité et de Notre-Dame d'Ardenelle, ainsi qu'il résulte d'une bulle pontificale en date du 13 février 1478. En indemnité du tort que les guerres de religion avaient causé au chapitre, l'évêque de Namur. Jacques Blaes, unit définitivement les revenus de ces bénéfices à ceux du chapitre (26 juin 1600). La musique de l'église étant fort négligée, le chapitre résolut, en 1632, de réunir les choraux dans une habitation où on leur enseignerait le chant. La fabrique acquit dans ce but une maison située près des remparts, dans un lieu écarté, et qui fut rebâtie en 1776.
La fabrique de la collégiale était très médiocrement dotée. Les terres qu'elle possédait ne lui valaient, en 1754, qu'un revenu de 39 florins. La déclaration des biens, envoyée au gouvernement autrichien en 1787, attribue à la fabrique un revenu de 3,246 florins, dans lesquels figurent pour 8 florins un grenier aux alloirs, contigu à l'église et connu sous la dénomination de Grenier de la grande école; pour 6 florins, un autre grenier, situé au-dessus de la trésorerie ; pour un florin, un trou au bois qui se trouvait dans le cloître et qui était occupé par le cavenaire du chapitre ; pour 59 florins 14 sous, les boutiques que les marchands plaçaient dans le cloître pendant la foire.
L'administration de la fabrique était confiée à un chanoine et une chanoinesse, qui recevaient chacun 2 florins 8 sous. Il y avait en outre un prêtre trésorier ayant les clefs de la sacristie et qui était chargé de distribuer les deniers des fondations ; un receveur, payé 95 fl. 13 sous ; un organiste, payé par le chapitre ; un bedeau, doté de revenus particuliers ; un souffleur d'orgue, auquel la fabrique donnait tous les ans un muid de seigle (soit 10 fl. 19 s. 18 deniers) ; un clerc laïque dit prime ; un carillonneur et un sergent d'église ; ces derniers aux gages du chapitre ; deux sonneurs, éclesiers ou églisiers, chargés particulièrement de l'ouverture et de la fermeture des portes, et recevant 7 fl. 15 sous par an ; deux balayeurs, payés 86 fl. 16 sous ; un balayeur du chœur, du sanctuaire etc.. payé 20 fl. ; une file à laquelle se remettaient les offrandes et qui distribuait le vin pour les messes, payée 10 fl. 10 sous, outre un muid 11 vaisseaux ; une servante du dortoir, à laquelle on ne donnait que 19 sous, parce qu'elle était rétribuée par les chanoinesses ; un maître ardoisier et un maître charpentier, astreints l'un et l'autre à monter au clocher en cas d'orage, et qui recevaient à ce titre : le premier, 5 fl. 12 sous, le second 22 florins. Les revenus de la fabrique présentaient alors, déduction faite des charges, un boni de 306 fl. En 1850 ils montèrent à 11,223 francs ; la fabrique possède 3 hectares de terres.
La plupart des métiers et des serments de Nivelles avaient à Sainte-Gertrude leur autel particulier. A côté de ces corporations, dont nous avons parlé ailleurs, il se forma successivement un grand nombre de confréries, exclusivement religieuses, et pour lesquelles on célébrait l'office divin à la collégiale. Le 8 avril 1500, le chapitre confirma celle qui était placée sous l'invocation de Saint-Hubert, et qui se réorganisa une seconde fois le 15 juillet 1732 ; le 12 octobre 1634, une chapelle fut accordée aux confrères du Mont-Carmel, auxquels le 28 du même mois on assigna la chapelle de l'Assomption ; le 21 février 1641, l'érection de là confrérie du saint Sacrement fut notifiée au chapitre, et on choisit l'autel de Sainte-Gertrude pour y exposer le saint Sacrement, le deuxième dimanche de chaque mois, ce qui se faisait auparavant le dimanche suivant ; mais, le 29 octobre 1652, la confrérie fut transférée a l'autel Saint-Sébastien ; le 24 avril 1659, le serment de Saint-Georges lui autorisé à ériger une confrérie à l'autel du chœur des Dames ; le 7 juillet 1661, on approuva l'établissement de la confrérie de Notre-Dame de Hal, à l'autel de Notre-Dame de Quinze Degrés ; le 14 janvier 1697, on présenta au chapitre la bulle par laquelle le pape venait de sanctionner la formation de la confrérie de Saint-Fiacre ; le 1er février 1683, l'évêque ratifia l'érection d'une confrérie de Saint-François de Sales, qui devait se réunir dans la chapelle de Notre-Dame des Bonnes-Nouvelles ; du 9 août 1698 date la confrérie de Notre-Dame d'Ittre ; du 10 août 4776, celle de Saint-Donat.
Le chapitre de Nivelles honorait tout particulièrement la mémoire de sa fondatrice et de ses parents, Pépin et Itte ou Iduberge. Ces derniers cependant ne furent jamais, que nous sachions, admis par l'église au nombre des saints ou des bienheureux. Le 20 février, on célébrait la commémoration de Pépin de Landen, et le jour de saint Thomas, on disait pour lui les vigiles, ce qui se faisait aussi, le 8 mai, pour sainte Itte.
Le 22 décembre 1639, le chapitre remplaça ces derniers offices par des messes en l'honneur de la Trinité, qui se célébraient à l'autel Saint-Pierre.
Le culte de sainte Gertrude prit très tôt une grande extension et devint extrêmement populaire. Les légendes du moyen âge attestent que les populations se pressaient devant la châsse de la fille de Pépin, dans l'espoir d'obtenir, par son intercession, du soulagement à leurs maux. Ce ne fut toutefois qu'au XIIIe siècle que les souverains pontifes sanctionnèrent la vénération séculaire dont elle était l'objet. Par deux bulles, l'une du 4 avril 1219, l'autre du 6 octobre 1221, Honorius III permit au chapitre de chanter le Gloria in excelsis et le Te Deum le jour de la fête de sainte Gertrude. On célébrait, le 17 mars, l'anniversaire de la mort de la fondatrice du chapitre. La grande procession dite de Sainte-Gertrude, parce qu'on y promenait solennellement ses restes, avait lieu le jour de Saint-Michel, 28 septembre. C'était plutôt une fête communale qu'une cérémonie religieuse.
Lorsque les rogations coïncidaient avec le 3 mai, on se rendait, ce jour là, à Baulers ; le 4, au lieu d'aller à Thines, on se bornait à faire le tour des cloîtres ; le 5, on visitait Monstreux. Ainsi le décida le chapitre, le 26 avril 1717.
On avait autrefois l'habitude de jeter des feux et des hosties dans le chœur, le jour de la Pentecôte. Cet usage fut interdit le 1er juin 1680. De temps immémorial, les curés et les sacristains des paroisses voisines de Nivelles se rendaient dans cette ville, vers la Pentecôte, avec la croix et l'eau bénite, et accompagnés des personnes principales de chaque ménage. Voyant cette coutume tomber en désuétude, au point que personne ne s'y conformait plus, le chapitre invita les curés du diocèse de Liège à la rappeler à leurs paroissiens tous les dimanches et à leur annoncer qu'on procéderait contre les négligents et qu'on les excommunierait (vendredi après le dimanche Cantate, en 1337). La menace parait avoir fait quelque effet, car nous avons trouvé des détails sur les Processions des Croix, datant d'il y a environ deux siècles. Les habitants de Ligny (Ligny, Lennick peut-être ?) se présentaient les premiers ; s'ils allaient faire leurs offrandes à l'autel du Saint-Esprit, ces offrandes appartenaient au trésorier ; s'ils se rendaient au grand autel, elles revenaient de droit au chapitre. Lorsque ces fidèles demandaient à voir la fiertre ou châsse, on devait en ouvrir à moitié les battants. Le même jour arrivaient les habitants d'Ittre, et le lundi ceux de Hennuyères et de Tubise. Le mercredi survenaient ceux de Wavs, de Liberchies, de Celles, de Buzet, d'Obaix, de Rêves, de Gouy, de Seneffe, de Witterzée, de Lillois, d'Arquennes, de Petit-Roeulx. Le dimanche après les octaves de la Pentecôte, c'était le tour des habitants de Limal, et le cinquième dimanche après la même fête on signalait l'arrivée des Croix de Fosses. Le chapitre allait à la rencontre de ces dernières jusqu'à la Croix à la Saulce, sauf que les demoiselles ou chanoinesses n'allaient pas plus loin que l'église Saint-Maurice. Quand le cortège approchait, les récollets sonnaient la cloche, et les demoiselles entonnaient, le Veni Creator. Le soir, un souper était servi aux nouveaux arrivés, à la maison de l'argentier du chapitre, et lorsqu'ils partaient, le mardi, on les reconduisait avec le même cérémonial.
Comme on le voit, la police de l'église et la réglementation du culte dépendaient du chapitre. Entre autres dispositions émanant de ce corps, nous en citerons quelques-unes qui nous ont paru assez curieuses. Certains chapelains n'ayant pas voulu porter le « tabernacle ou pal» (c'est-à-dire le dais), au-dessus du Saint-Sacrement, lors de la procession qui eut lieu le 6 décembre 1568, prétendant qu'ils n'y étaient point obligés, le chapitre les fit comparaître devant lui et ordonna, le 7, qu'à chaque procession le dais serait tenu, à tour de rôle, par quatre chapelains. Le 20 février 1586, défense fut faite de se promener dans la collégiale pendant les offices ou en tout autre temps, et, le 4 septembre 1659, le fisc eut ordre de mettre à l'amende les ecclésiastiques et les séculiers qui y liraient des «gasettes», raconteraient des nouvelles ou formeraient des groupes. Le 27 mai 1660, le chapitre porta de deux à quatre florins la rétribution qu'il accordait aux clercs des paroisses de Nivelles pour porter aux rogations le corps de saint Pépin, et, lors des processions, le baldaquin du Saint-Sacrement. Des ordonnances furent publiées à plusieurs reprises, dans le but de maintenir, parmi le clergé séculier, une discipline sévère : le 3 juin 1644, ordre fut donné au fisc de calenger ou mettre à l'amende les ecclésiastiques qui seraient trouvés à l'église sans habits longs, ni tonsure, et avec les cheveux longs ; le 14 juin 1685, le chapitre enjoignit aux prêtres de porter des habits et des cheveux « décents » et leur défendit de fréquenter les tavernes. Le 28 juin 1702, cette dernière interdiction fut renouvelée et on y ajouta celle de se trouver dans les rues, l'hiver après neuf heures, l'été après dix, sous peine : pour la première contravention, d'une amende de six florins ; pour la deuxième, d'une amende de douze florins, et pour la troisième, d'être exclu du chœur.
Avant d'aborder la description de l'église de Sainte-Gertrude, nous exposerons les données qu'il nous a été possible de recueillir sur l'histoire architectonique de la vieille collégiale, l'un des plus anciens et des plus curieux monuments que la province de Brabant ait conservés.
Au nombre des édifices qui composaient le monastère établi par Ide dans le palais de Pépin de Landen, se trouvait une église dédiée à saint Pierre et où sainte Gertrude reçut la sépulture. Ce temple souffrit sans doute de l'incendie qui dévasta le monastère, dix ans après la mort de sainte Gertrude (par conséquent en 606), et qu'on désespérait d'éteindre, lorsque la sainte apparut, couverte du voile qui l'enveloppait dans la tombe, et qui semblait repousser les flammes.
Un nouveau temple fut bâti à cette époque par la troisième abbesse, Agnès, et dédié à saint Pierre et à sainte Gertrude. Le jour même de l'achèvement des travaux, dit la légende de la bienfaitrice de Nivelles, et comme on y avait transporté le corps de celle-ci, on trouva miraculeusement rallumées les sept lampes qui y brûlaient en l'honneur du Saint-Esprit, à l'heure des matines, et que l'on éteignait ensuite. L'histoire et la tradition restent muettes sur le sort de la collégiale pendant les temps postérieurs. On prétend, sans en donner la preuve, que les Normands la détruisirent. On sait seulement qu'au XIe siècle on reconstruisit l'église, qui avait été brûlée quelques années auparavant, « par une punition du Ciel ». Elle fut bénite, en l'année 1046, par l'empereur Henri III, qui avait fait retarder cette cérémonie afin de pouvoir y assister (Aecclesia sanctœ Gertrudis Nivigellensis, quœ ante aliquot annos post neglegentiam et incuriam effusi sanguinis Domini concremata fuerat, in novam reœdificata, benedicitur prœsente Henrico imperatore. Ainsi s'exprime, à l'année 1046, Sigebert de Gembloux, qui avait alors environ seize ans). De cette époque date, sinon la totalité, du moins une grande partie du temple actuel. On lui donna la forme d'une croix latine orientée, à chevet et transept plats ; le pied de la croix est potence d'un contre-transept, cantonné, à l'est, de petites chapelles ; à l'extrémité occidentale de l'édifice s'élève un avant-corps, flanqué de deux tourelles rondes, qui est en communication avec la nef et sert de vestibule et de porche. Sous le chœur s'étend une crypte assez basse et, sous l'ancien chœur des Dames ou transept septentrional, il en a existé une seconde, moins vaste. Ces deux cryptes n'auraient-elles pas remplacé : la première, l'église primitive du monastère, celle qui était ouverte au public et où on venait honorer la sainte patronne ; la seconde, un oratoire spécialement réservé aux chanoinesses ou religieuses, quand la règle monastique était encore sévèrement observée à Nivelles?
Dans la seconde moitié du douzième siècle, l'église fut brûlée à deux reprises, avec toutes ses dépendances et la ville même : le 30 mai 1166 et en 1177. Elle resta longtemps dans l'abandon, ainsi qu'en témoignent des documents de cette époque (voir plus haut). Vers le milieu du XIIIe siècle, on conçut le projet de réparer avec soin l'antique collégiale, qui tombait de vétusté (ecclesiam ipsam nimia vetustate collapsam reparare intendant). Mais, comme le prévôt et le chapitre manquaient de ressources pour mener ce projet à bonne fin, ils obtinrent du pape Innocent IV des lettres qui engageaient les fidèles des diocèses de Liège, de Trêves, de Cambrai et de Tournai à les seconder par tous les moyens possibles, et accordaient quarante jours d'indulgences à .ceux qui, pendant les cinq années suivantes, concourraient à l'achèvement des travaux ,(bulle datée de Civitas Castellana, le 14 des calendes de juillet ou 18 juin 1244). Maître Gérard de Bohaing, chanoine et officiai de Liège, porta cette concession du souverain pontife à la connaissance du clergé du diocèse, en l'exhortant à user de son influence pour qu'elle produisit ses fruits (jeudi après la Saint-Denis, en octobre de la même année).Dans une déclaration du mois de février 1250, nous voyons l'abbesse Ode et le chapitre, dont les revenus étaient épuisés, solliciter de nouveaux secours spirituels dans le même but : « Leur église de Sainte-Gertrude, qui était auparavant désolée, dégradée et honteuse à voir, ils l'avaient réédifiée avec splendeur et tellement ornée que sa beauté frappait d'étonnement » (ecclesiam nostram in honore béate Gertrudis dedicatam, habenus desolatam et inveteratam et diutius ad videndum despectam rettovamus gloriosius et ornatius quam fuit, decoramus ut in pulchrittudine ejus oculi videntium obstupescant). Un beau portail latéral, qui donne vers le Marché, et le pignon richement orné du mur terminal du transept méridional, paraissent dater du milieu du XIIIe siècle, des derniers temps du style de transition entre l'architecture romane et un art nouveau.
Les siècles suivants ne fournissent que de rares mentions de travaux effectués à la collégiale, où le règne de l'architecture ogivale n'a pour ainsi dire laissé aucune trace. La fabrique manquant de revenus pour subvenir à l'entretien des murs, des voûtes et des toitures du vieil et noble édifice, qui se trouvait dans un fâcheux état de dégradation, l'évêque Thibaud de Bar autorisa le chapitre à affecter à cet usage les biens et les dîmes de Berg-op-Zoom (vendredi après le dimanche misericordia. en 1309). Du temps de l'abbesse Isabeau de HerzeIles (1494-4519), et gràc eà la libéralité de cette dame, s'élevèrent les « voûtes et archures des assentes » ou petites nefs, vis-à-vis de la chapelle abbatiale.
Les agitations politiques dont Nivelles fut longtemps le théâtre ne causèrent aucun tort grave à la collégiale. Si l'insurrection des années 1262 à 1265 provoqua l'entrée dans les tours du peuple ameuté, la multitude se borna à y faire opérer quelques modifications et changer les serrures des portes. En 1429, le sang y ayant coulé, l'édifice fut réconcilié par le suffragant de l'évêque de Liège, et le chapitre dut payer quelques frais faits à cette occasion, non sans protester toutefois (8 juillet 1429). Un péril plus grave menaça le temple de Sainte-Gertrude pendant les troubles de religion ; heureusement on réussit à le préserver de la destruction et du pillage. A dater de cette époque, la collégiale eut pour ennemi constant l'orage, qui ne cessa d'en frapper la flèche et la tour, et la consuma complètement deux fois, en 1641 et en 1859.
Dès l'année 1588, la foudre mit le feu à l'église, mais on réussit promptement à éteindre l'incendie. Une autre tempête ayant ébranlé la nef à tel point qu'on en craignit la chute, le chapitre se décida à en faire opérer la visite par des ingénieurs et des charpentiers de Bruxelles (5 août 1598). On résolut alors d'enlever les combles ou charpentes et de les remplacer ; comme il devait en résulter une dépense de 40,000 florins, le chapitre demanda un don de cent chênes aux archiducs Albert et Isabelle, qui lui accordèrent soixante de ces arbres (10 mai 1603). Dans leur requête, les chanoinesses et les chanoines, devançant certaines hypothèses archéologiques de notre époque, attribuent à l'église mille années environ d'existence. Le mauvais état de l'église s'aggrava encore à la suite de la terrible tempête du 20 mars 1606.
Le chapitre, en se plaignant que le vent avait dégradé, non seulement la collégiale, mais les églises de tous les villages où il avait la dîme, les maisons, les fermes et les granges qui lui appartenaient, et en prétextant qu'il ne pourrait payer le dixième des dépenses que ce malheur mettait à sa charge et dont le total atteindrait 20,000 florins carolus, pria l'archiduc Albert de lui abandonner 260 chênes déjà abattus par le vent ; quelque fondée que fût sa plainte, il n'obtint que cinquante arbres, à prendre dans les quatre bois appartenant par indivis au domaine et au chapitre (15 juin 1606).
A cette époque, l'église avait une belle couverture de plomb, sauf que le clocher, les deux plats-toits (ou plateformes) contigus, les deux tourelles voisines et la chapelle de l'abbesse étaient protégés par des ardoises. Pour faire disparaître les traces de la tempête de 1606, le chapitre chargea, le 6 avril de cette année, le plombier Philippe de Lausnoy de réparer la toiture de plomb ; il s'engagea, de son côté, à lui payer 200 florins de 20 patars. Quelques années après, un escailleur ou ardoisier, nommé François de Beaury ou Beaurieu, se chargea de l'entretien de cette toiture, moyennant 90 florins par an (20 octobre 1620) ; de concert avec Pierre Gras, il s'était déjà engagé, moyennant 130 florins, à réparer la couverture d'ardoises du clocher et des bâtiments voisins, et, pour la somme de 18 florins, par an, à l'entretenir pendant neuf ans (5 septembre 1613). En novembre 1626, on lui paya encore 80 florins pour des travaux faits à la flèche de l'église. C'était alors maître Robert Timé, de Bruxelles, qui entretenait la toiture de plomb. Ce qu'il avait exécuté en 1627 fut visité par maître Mathieu Latteur et sans doute, jugé peu satisfaisant, car, le 16 décembre de cette année, Benoît Vandernoot, autre plombier de la même ville, le remplaça, à la condition de fournir : le cent de bon et fin plomb à 13 florins, et la livre de fine « saudure » à 7 patars ; de reprendre, au prix de 9 florins 10 patars, le vieux plomb, qui ne pouvait plus être utilisé, et de compter ses journées en conscience. Pour en finir avec la toiture, nous dirons que, après l'incendie du clocher, le chapitre autorisa, le 19 février 1641, l'établissement d'une nouvelle toiture de plomb sur les bases suivantes : le plombier Martin de Lannoy reprit le vieux plomb moyennant 8 florins 15 sous la livre, et en fournit du nouveau pour 11 florins 5 sous (tous frais compris), tandis qu'à Bruxelles le vieux plomb ne se vendait que 8 fl. 2 sous, et que le nouveau y coûtait 10 florins. On ne tarda pas à abandonner ce système de toiture, probablement parce qu'il était trop onéreux. Après avoir décidé l'emploi des ardoises pour l'assente du côté du Marché (11 fé-vrier 1665), on étendit cet emploi à tout l'édifice (23 juin suivant) ; toutefois, on ne couvrit de la sorte l'as-sente vers le préau ou cloître qu'eu 1670-1672 et le grand chœur qu'en vertu d'une résolution du 30 avril 1672. L'opération procura un bénéfice do 1914 florins 17 patars.
Dès l'année 1626, des travaux avaient été entrepris pour augmenter ou rétablir la solidité du clocher, des pieds-droits (soutenant la tour?) et des angles de la nef de ce côté. Une convention à ce sujet fut conclue, le 10 septembre, entre le chapitre, d'une part, et les ouvriers (ou maîtres des travaux) de l'abbé de Bonne-Espérance, maître Mathieu Trentsaulx, charpentier, et François Beaurieux. Le 22 du mois suivant, on paya 3 florins à Jean Du Colie, maître charpentier de Fontaine-L’évêque, qui avait examiné l'état de l'église et du clocher.
Quinze ans après, un événement terrible vint frapper d'effroi la ville de Nivelles et menacer l'existence même de la collégiale Le 30 avril 1641, vers quatre heures de l'après-midi, la foudre tomba sur la flèche de la tour et y alluma un incendie qui ne fut arrêté qu'au prix d'efforts incroyables La tour souffrit considérablement, la flèche disparut consumée, les cloches furent fondues. Un vaillant, ouvrier, nommé Jean de Tournay, périt en essayant d'éteindre le feu ; le chapitre, pour honorer son généreux dévouement, ordonna que son corps recevrait la sépulture au milieu de la nef, et qu'une petite rente serait servie à sa veuve, Jeanne Maille. La châsse de Sainte-Gertrude avait été portée hors de l'église ; elle n'y fut replacée que le 3 mai ; le lendemain, après la grand'messe, on la conduisit en procession autour des cloîtres, et on chanta ensuite un Te Deum.
Le chapitre s'empressa de prendre les mesures nécessaires pour réparer les dégâts, Par son ordre, on écrivit au prieur du couvent des Dominicains, de Braine-le-Comte, pour le prier d'envoyer à Nivelles un de ses religieux, qui était très expert dans l'art de construire des beffrois, afin qu'on pût le consulter sur la quantité et la qualité des bois à employer (résolution du 1er juin 1641). C'est ce dominicain, frère Paul Du Colle ou Collet, car les documents originaux adoptent tour à tour l'une et l'autre orthographe, et non pas le charpentier Chalon, qui donna le plan de la nouvelle flèche, haute (y compris la tour) de 383 pieds, dont on décora l'édifice, et que rehaussa encore une croix de 35 pieds de haut sur 12 de large.
Il importait, en premier lieu, de guérir les blessures que l'incendie avait causées à la maçonnerie de la tour. Martin et André Leurent, maîtres maçons de Trazegnies, se chargèrent de démolir et de rétablir ce qui avait été endommagé, en travaillant chacun avec un de ses enfants, moyennant 50 patars par jour pour deux truelles (c'est-à-dire deux ouvriers maçonnant), et à la condition qu'on leur fournirait une chambre garnie de lits (2 août). Jean Gaudré entreprit la fourniture des pierres de taille, au prix de huit patars un liard le pied de Hainaut, et, de son côté, le chapitre lui avança 100 patacons (13 août).
La construction et le placement de la nouvelle flèche firent l'objet d'une autre convention, dont voici la teneur:
« Le 12 d'aoust 1641, monsieur le prevost de l'église collegialle madame St- Gertrude de Nivelle avec les seigneurs chanoines de Geneffe et Sotteau, de la part du vénérable chapitre de la dite église et soubs le bon plaisir d'iceluy, ont convenu avec maistre Pierre Chalon, maistre charpentier de Landrechy, à présent demeurant à Mons en Haynault, pour l'ouvrage de la flesche et beauffroy de la tour de la dite église, qu'iceluy maistre Pierre fera le dit ouvrage suivant le plan et dessein de frère Paul Collet, dominicquain, pied de Haynault, bien et léallement, sans malenghien, au prix de chineque liarts et trois deniers à la cheville, et fournira tous les instruments et cordes à ce nécessaires pour le dresser et monter, et le reli vrera au contentement du dit chapitre, audict des maistres et ouvriers à ce entenduz, et le vénérable chapitre lui livrera le chariot pour amener et ramener les dicts instruments et cordes, et aussy les hommes nécessaires à ayder lever sus les gros bois, et l'exemptera des ruses et molestalions que luy pouldront apporter et faire les ouvriers et maistres de ceste ville, luy fournira aussi deux aymes de bier, debvera pourtant le dict maistre Pierre donner bonne et suffisante caution au contentement du dit vénérable chapitre pour asseurance de l'achèvement du dict ouvrage. En foy de quoy ont les susdits signez la présente. Signé : D'Andelot, M. de Geneffe, P. Soiteau, ici est la marque (un compas dans une équerre) dudit maître Pierre Chalon. »
Comme on le remarquera, il n'y a rien de fondé dans le récit (rapporté par Lemaire, auteur d'une Notice historique sur la ville de Nivelles), où nous voyons Chalon, sous prétexte qu'aucun article du contrat ne l'y obligeait, refuser de placer la flèche au sommet de la tour, et n'entreprendre ce travail que moyennant le payement d'une somme considérable. Les termes de la convention sont formels : il devait dresser et monter le clocher.et le livrer au contentement du chapitre. Son travail étant achevé, deux meerers ou emborneurs jurés de Bruxelles furent, mandés pour en faire l’examen et la réception (8 mars 1644).
Si l'on s'en rapportait à une réclamation du chapitre, les dommages se seraient élevés en total à plus de 80,000 florins. La dépense fut, en partie supportée par le chapitre, en partie couverte au moyen de dons et de subsides de toute espèce. Un octroi du conseil de Brabant, en date du 27 septembre 1641, autorisa les chanoines et les chanoinesses à emprunter 20,000 florins. Le conseil des finances leur permit de faire couper trente chênes dans les bois du domaine (29 juin 1642), et nous lisons dans un compte particulier que, malgré l'obtention de cette faveur, l'achat de chênes et la mise en œuvre de leur bois coûtèrent 4,222 florins 19 sous. L'abbesse donna 1,000 florins, indépendamment des sommes que la refonte des cloches lui coûta ; le prévôt François d'Andelot se chargea de payer les ardoises du nouveau clocher et la dorure des boules de cuivre qui eu surmontaient les fenêtres.
Cette haute flèche, qui ne manquait pas d'élégance et qui de loin signalait Nivelles au voyageur, faillit mainte fois attirer la destruction sur l'église. Le poids d'une immense charpente et des cloches ne tarda pas à aggraver l'état de la maçonnerie de l'église, que cependant on parvint à sauver de la ruine. Dès l'année 1644, le bruit s'étant répandu que le clocher branlait fortement pendant les sonneries, et qu'il s'y manifestait de larges crevasses, le chapitre ordonna, le 1er décembre, d'en faire opérer la visite par quelques ingénieurs. Ces inconvénients ayant été de nouveau signalés, un examen ultérieur fut prescrit le 9 avril 1647, puis on décida, le 30 juillet suivant, qu'il suffirait d'ancrer la tour et de remplir les crevasses de la maçonnerie. Bientôt un récollet fit un autre rapport, plus alarmant sans doute, car on enjoignit, le 20 août, d'ancrer encore un étage de la tour, ainsi que la façade de l'église. Le 30 octobre 1688, le chanoine André fit rapport au chapitre qu'il avait trouvé rompu le cercle qui lie les deux tours latérales, et que l'état de l'église offrait de grands dangers, parce qu'on y apercevait des ouvertures de tous côtés.
Un autre et plus sérieux sujet de crainte, c’était l'élévation de la flèche, dont la pointe aiguë semblait aller chercher la foudre dans les nuages. Le clocher fut encore foudroyé : le 2 juin 1648, vers les neuf heures du soir ; le 25 mai 1653, à six heures ; le 1er août 1662 ; le 28 avril 1689 ; le 21 avril 1699, à deux reprises ; le 2 mars 1714, à une heure après-midi ; le 4 juin 1716 ; le 4 janvier 1717, à trois heures et demie ; le 25 mai 1727 ; dans la nuit du 3 au 4 février 1737, entre onze heures et minuit ; dans la nuit du 5 au 6 février 1741 ; le 29 août 1765, vers une heure et demie ; et enfin en 1804, vers 1840 et en 1859. En 1717, l'incendie se développa avec fureur et on vit les flammes s'élancer à dix pieds de haut; au prix d'efforts inouïs, et grâce à l'empressement et au dévouement des bourgeois, on écarta le danger; telle fut l'impression que cet événement laissa, que, le 19 juin 1749, le chapitre résolut de faire chanter tous les ans, le 4 janvier, une messe en l'honneur de sainte Gertrude, pour remercier le Ciel de ce que l'église avait été préservée. L'orage de 1763 déshabilla la flèche du haut en bas et, le même jour, incendia le Moulin des Archers, au faubourg de Hal. Celui de 1804 détruisit la partie supérieure de la flèche, dont l'élévation fut alors diminuée de 30 pieds.
Conformément à l'usage qui prévalut pendant tout le règne du style roman, l'église n'était recouverte que par des plafonds. Au dix-septième siècle, on en voyait encore partout, sauf dans et près de la chapelle abbatiale, et on les remplaça successivement par les voûtes actuellement existantes. Celle du chœur de Saint-Pierre ou chœur principal fut construite en 1642, grâce à la générosité d'une personne qui ne voulut pas se faire connaître; le prévôt, en annonçant au chapitre cet acte de générosité, le 24 août, lui demanda les bois nécessaires pour les échafaudages. De l'année suivante date celle de la chapelle de Notre-Dame d'ArdenelIe, près de la chapelle abbatiale. Une autre bienfaitrice ayant offert de voûter à ses frais le chœur Sainte-Anne (ou transept méridional), le chapitre consentit, le 22 juin 1647, à fournir les hourdements ou échafaudages que ce travail nécessiterait, et décida, en outre, qu'il ferait opérer dans le chœur des Dames une construction analogue, laquelle, en mémoire des libéralités de Melle Elisabeth de Duvenvoorde, serait ornée de son nom et de ses armes. Et, en effet, au-dessus d'une des entrées du chœur des Dames on voyait, en 1670, un écusson chargé d'un cœur sanglant, et, sur les côtés, les huit quartiers de la chanoinesse. L'arcade de la voûte du même chœur, vers la nef, portait la date 1648, année dans laquelle le chapitre adjugea, le 4 février, à Jean Gaudré, la construction des voûtes des deux chœurs latéraux. Enfin l'abbesse de Lannoy s'étant décidée à faire couvrir de même la nef, le chapitre lui vota des remercîments et prit une résolution analogue à celles dont nous venons de parler, pour la fourniture des échafaudages (18 janvier 1650), lesquels, devenus inutiles , furent mis en vente par résolution du 15 décembre suivant.
L'abside occidentale ou grand portail subit à la même époque d'importantes modifications. En 1636, on en avait défendu l'accès par un treillis ou clôture ; en 1662 on ordonna, le 31 janvier, la construction du portail en style renaissance qui existe actuellement, en stipulant qu'on y placerait les armes du chapitre et en fixant la dépense de ce travail à 2,671 florins 11 sous. Le 19 septembre suivant, on prit la résolution de paver la place qui s'étend en avant de cette entrée de l'église et qui constituait, sous l'ancien régime, un espace soumis uniquement à la juridiction du chapitre. Deux ans après fut bouché le vieux portail, c'est-à-dire les entrées latérales ornées d'antiques sculptures, dont la beauté n'a été appréciée à leur véritable valeur que de notre temps.
Vers le milieu du siècle dernier, l'église subit à l'intérieur une métamorphose complète. Cédant à la mode du temps, on en fit disparaître les vieilles arcades romanes et les piliers qui les soutenaient sous une ornementation en style renaissance. Espérons qu'un jour une administration vigoureuse osera, aux applaudissements des hommes de goût, faire arracher tous ces oripeaux qui déshonorent la collégiale et faire reparaître dans sa majesté l'architecture primitive du vieux temple. Le mal qui a été fait, il y a une centaine d'années, est grand, mais peut-être n'est-il pas irréparable. On commença par orner de boiseries les carolles (c'est-à-dire les basses nefs), sous les tableaux qui en garnissent les murs (résolution du 4 février 1741) ; puis on étendit cet embellissement à la chapelle de Notre-Dame d'Ittre, qui se trouvait entre le chœur des Dames et le grand chœur (13 avril 1741). Quelques années après, sur la proposition du maître de la fabrique, le chanoine Le Hoye jeune, on adopta pour les piliers de la nef et la corniche qui règne au-dessus de ces piliers, la décoration qui les recouvre actuellement (9 février 1745), et l'abbesse, entrant dans la même voie, fit subir un changement analogue à sa chapelle, d'où on enleva quelques tableaux, par ses ordres et du consentement du chapitre (16 septembre 174i9). Enfin, on aborda la restauration du chœur. Les chanoinesses, à l'unanimité, repoussèrent le premier plan qui fut soumis au chapitre par le chanoine Le Hoye : un second reçut un meilleur accueil et obtint également l'approbation de l'abbesse et du doyen (25 septembre 1752). Pendant les travaux, qui commencèrent l'année suivante, les demoiselles ou chanoinesses célébrèrent leurs offices dans la chapelle de Notre-Dame de Hal, dont l'entrée fut masquée par des tapis afin d'en préserver les ornements contre la poussière (résolution prise le 16 février). Alors furent fermés les alloirs, espèce de galerie souterraine qui régnait sur les côtés de la crypte ; alors disparut en partie cette dernière, dont l'étendue fut considérablement restreinte ; alors aussi fut reconstruite la seconde crypte ou crypte du chœur des Dames, qui fut convertie en caveaux.
Le chanoine Le Hoye aîné, qui avait succédé à son frère en qualité de maître de la fabrique et mourut le 14 octobre 1773, marqua son administration par l'établissement d'un nouveau pavement en marbre. D'après le plan qui fut adopté le 7 décembre 1768, on ne laissait subsister que deux caveaux sépulcraux, le premier sous le chœur des Dames, le second dans la chapelle du Saint-Sacrement; les épitaphes existantes devaient être appliquées contre les piliers de la nef et copiées dans deux registres, avec les armoiries qui les accompagnaient. Comme on remarqua que les carreaux blancs étaient en trop petit nombre clans le pavement, le sculpteur Delvaux fut chargé d'en présenter un nouveau dessin (16 mars 1772), qui fut approuvé deux jours après. Un anonyme envoya 1,000 florins pour l'achèvement de ce travail.
L'invasion française, la fermeture temporaire de l'église, qui en fut la suite, et la suppression du chapitre diminuèrent considérablement l'importance et les ressources de l'ancienne collégiale. Nous avons déjà parlé de l'orage qui en endommagea considérablement la flèche, en 1804. Pendant le règne du roi Guillaume on conçut des craintes sur la solidité de la tour. En l'année 1826, on prétendit que cette dernière surplombait et ou y aperçut des lézardes, particulièrement près de la maison Ballieu, c'est-à-dire vers le Marché. L'architecte du district en fit la visite et y plaça des ancres. Dans une lettre du curé Gollaert au bourgmestre Dangonau, en date du 26 octobre 1827, on prétend que les ancres placées en 1826 n'ont pas bougé ; on signale cependant comme très mauvaise, quoique ne présentant aucun danger, la partie de la tour qui est voisine de l'hôtel-de-ville.
En l'année 1846, l'attention de la commission royale des monuments fut appelée sur l'état dans lequel se trouvait la collégiale de Nivelles, dont la tour, disait-on, menaçait ruine. Une inspection minutieuse de l'édifice fit ressortir la nécessité de réparer avec le plus grand soin les voûtes de la tour et de les relier aux endroits où elles étaient lézardées, de restaurer la maçonnerie, de continuer enfin l'œuvre qui avait été entreprise antérieurement à l'année 1830, et que, par suite de l'insuffisance des ressources, on avait dû suspendre. C'est alors que s'élevèrent les premières discussions au sujet de l'ancienneté de l'église et du caractère primitif de son architecture. MM. Gilain et Carlier attribuèrent les grandes dégradations que l'avant-corps avait subies, à la disparition de l'abside par laquelle l'édifice se terminait du côté de l'ouest, et à la construction d'une haute tour et d'une flèche très élevée au-dessus de la coupole byzantine, qui constituait, suivant eux, le centre de cet avant-corps. Pour arrêter les progrès du mal, ils proposèrent le rétablissement de l'abside et la construction, à l'intérieur du centre de l'avant-corps, de plusieurs voûtes et murs de soutènement; plus tard, tout en maintenant la confiance que leur projet d'abside leur inspirait, ces architectes proposèrent la démolition de la tour et de la flèche, et leur remplacement par une coupole byzantine semblable à celle qui existait dans le principe. Le conseil de fabrique et la commission des monuments se refusèrent à admettre leurs vues, et cette dernière prétendit que la situation de l'édifice n'était pas aussi inquiétante qu'ils le prétendaient (5 décembre 1850). Vainement le conseil municipal fit des représentations dans le même sens, et insista pour la démolition de la flèche ; les idées contraires prévalurent auprès de l'autorité supérieure. L'architecte Carlier avait d'abord été désigné pour diriger les travaux ; il en profita pour faire enlever le plâtre qui couvrait les murs de la coupole, dépaver le sol sous cette coupole, et examiner les fondements de la tour. Mais ses vues différant totalement de celles de la commission, celle-ci obtint enfin un arrêté ministériel qui substitua à M. Carlier M. Moreau, architecte de l'église, et déclara, en même temps, qu'il y avait seulement lieu de restaurer la collégiale (arrêté en date du 20 mars 1854).
Dans l'entretemps, de longues discussions s'étaient élevées pour savoir qui supporterait les dépenses nécessitées par ces travaux. La ville refusait son concours, ou du moins le limitait, en arguant de sa déplorable situation financière. Enfin, on répartit ces frais de restauration de la manière suivante : l'Etat accorda des subsides jusqu'à concurrence de 31,348 francs , la fabrique paya 10,000 francs, la ville 5.500 francs, la province 8,000 francs, soit en tout 54,848 francs, montant du devis présenté par M. Moreau, et dans lequel on comprit une somme de 3,216 francs pour réparations aux toitures.
La restauration de la collégiale marchait avec rapidité, lorsqu'un événement terrible vint porter la désolation dans Nivelles et abattre cette énorme flèche, à laquelle une partie notable de la population attachait une importance exagérée, et qui faillit encore, comme elle l'avait déjà fait à tant de reprises différentes, attirer sur l'église une destruction complète. Le 8 mars 1859, vers huit heures du soir, un coup de tonnerre y mit le feu, et bientôt l'incendie s'y manifesta en différents endroits. Malgré des efforts inouïs, le feu consuma la flèche en entier, embrasa les combles des nefs, détruisit quelques maisons contiguës à l'édifice, du côté du Marché, et réduisit en un monceau de cendres le carillon et les cloches. Par bonheur, le vaisseau du temple, sauf les voûtes, ne souffrit aucunement, et les objets d'art qui le décoraient échappèrent à la destruction, ainsi que la statue de cuivre, dite de Jean de Nivelles, qui était placée au haut de la tour méridionale. Ce ne fut que le 9, vers deux heures après-midi, qu'on éteignit les dernières flammes.
Des travaux provisoires furent immédiatement entrepris pour consolider les voûtes, et les offices se célébrèrent dans la nef latérale, du côté du cloître, qui avait le moins souffert. Sur la proposition de la commune, on se décida à mettre au concours un plan de restauration ; mais de nouveaux débats surgirent à cette occasion : la ville réclamant pour qu'on rendît à l’édifice sa physionomie première, tandis que la commission des monuments proposait de ne pas insister sur ce point. Un jury spécial, dont la décision fut approuvée par un arrêté royal du 24 avril 1861, adjugea le prix, consistant en une somme de 800 francs, à Mr. Emile Coulon, de Nivelles. La minorité, qui ne fut que de 2 voix contre 4, avait recommandé, comme mesure de solidité, la reconstruction de l'abside occidentale, en faveur de laquelle la commission des monuments vient, tout récemment, de se prononcer. D'après le projet couronné, dont l'exécution a été immédiatement entamée, la tour aura pour couronnement une flèche colossale, de 60 mètres .d'élévation, « qui sera la première construite en Europe avec une charpente en fer laminé ». Nous souhaitons à cette construction hasardeuse une existence moins éphémère et plus longue que celle de la flèche de Du Colle et de Chalon, et nous désirons, sans oser l'espérer, que sa destruction ne vienne pas, quelque jour, anéantir entièrement la maçonnerie de la tour.
En l'année 1800 on avait déjà rétabli la corniche de la grande nef et les modifions qui la supportent, et refait les toitures, dans lesquelles on a substitué une armature de fer, d'un travail remarquable, aux charpentes en bois. Pendant l'année suivante on a consolidé la grande tour, exhaussé les tours latérales, et recouvert de charpentes en fer ces tours, ainsi que les bâtiments intermédiaires. D'après le devis de l'architecte Coulon, la dépense s'élèvera à 228,375 fr. 70 c, dont 77,675 fr. 70 c. pour la restauration de l'église, et 150,700 fr. pour la réparation des dégâts causés par l'incendie. Elle sera couverte sans difficulté: l'édifice étant assuré pour la somme de 600,000 fr., une indemnité de 171,091 fr. 10 c. a été payée à la fabrique. En outre, l'Etat et la province ont alloué chacun un subside de 20,000 fr., et ce sacrifice, du moins de la part de l'Etat, ne sera sans doute pas le dernier.
Le Grand théâtre sacré, du baron Le Roy, t. 1er, 2e partie, contient une vue grossière de la collégiale, côté méridional, il a paru à Nivelles, chez Desprel, une lithographie intitulée : Façade de l'église Sainte-Gertrude, avant l'incendie du 8 mars 1859.
Depuis quelques années on s'est activement occupé de la restauration des objets d'art que renferme la collégiale de Nivelles. La dépense totale a été évaluée à 12,353 francs 47 centimes, et a été supportée à la fois par l'Etat, la province, la commune et la fabrique.
La collégiale de Sainte-Gertrude, comme la plupart des églises anciennes, est entourée de bâtiments qui en recouvrent les flancs et ne laissent l'édifice à découvert dans toute sa hauteur qu'à son extrémité occidentale : au sud et à l'est se presse une longue série de boutiques, au nord s'étendent le cloître et l'hôtel abbatial. L'usage d'encombrer d'habitations les abords des églises est si général et remonte à une époque si reculée que l'on a quelque peine à y voir l'effet du hasard ou d'une préoccupation purement mercantile: on est plutôt tenté d'admettre, avec un archéologue distingué, que ces maisonnettes, dont nous cherchons aujourd’hui nous débarrasser, ont été construites autant pour mettre le pied des murailles à l'abri des irrévérences et des profanations que pour servir à loger des officiers, des chantres et autres personnes de rang inférieur attachées à l'église. A Nivelles cet usage est ancien : dès le 16 avril 1339 une permission d'exhausser le stal ou étal qu'ils possédaient sur le Marché et de l'appuyer contre l'église, fut accordée aux religieux d'Orival ; le 24 septembre 1507, une autorisation de bâtir contre la collégiale fut octroyée à un particulier à la condition toutefois que celui-ci devrait démolir si le chapitre voulait faire travailler à la muraille du temple ou en agrandir la fenêtre. Mais, si nous sommes portés à accepter l'explication donnée par M. Schmit à la présence de ces masures, nous ne pouvons aucunement nous associer au vœu, émis par lui, de voir respecter ces constructions parasites ; nous espérons, au contraire, que les fabriques et les administrations communales ne laisseront échapper aucune occasion de les racheter pour les démolir.
L'église de Sainte-Gertrude appartient au style roman. Nous avons indiqué plus haut sa disposition en croix latine, avec contre-transept et avant-corps. Ses dimensions hors d'œuvre sont : longueur 98 mètres, largeur au chevet 42 m., largeur au transept 46 m., largeur aux nefs 27 m., largeur au contre-transept 40 m. A l'extérieur, la collégiale a conservé partout un aspect antique ; les seules traces apparentes de modernisation se remarquent au chœur, dont les fenêtres ne datent que du XVIIIe siècle, et à l'avant-corps, qui est accompagné d'un portail et d'une tour du XVIIe siècle. Mais, si l'ensemble du monument est marqué au cachet de la vétusté, il s'en faut qu'il présente celui de l'uniformité. De quelque côté qu'on en examine les dehors on est frappé du contraste existant entre l'extrémité occidentale de l'église, qui est bâtie en pierres blanches équarries, et le reste du vaisseau où l'on a employé presque exclusivement d'informes moellons schisteux dont la couleur varie du gris au brun. La différence entre ces deux parties de l'édifice ne s'arrête pas à l'appareil : l'avant-corps, sans étaler une richesse de décoration comparable à celle que l'on rencontre dans certaines constructions romanes, a cependant quelque prétention à l'élégance ; on y voit des ressauts, des arcatures, des cordons, des colonnettes, toutes choses qui manquent à l'église même. Les murs des nefs, du chœur et des transepts sont d'une nudité complète, qu'atténuent seulement, aux collatéraux et aux croisillons, des arcades simulées, retombant sur des jambages sans imposte et circonscrivant des fenêtres en plein cintre. Les seuls vestiges d'ornementation que l'on puisse signaler consistent en un gracieux portail latéral qui s'ouvre sur la nef droite et en plusieurs étages d'arcatures en pierres blanches, rongées de vétusté, qui décorent le pignon à rampants brisés du croisillon méridional.
A l'intérieur, rien ne rappelle plus le caractère primitif de l'église : profitant de la ressemblance entre les formes générales du style roman et de l'architecture de la renaissance, on n'a pas eu beaucoup de peine à transformer l'antique édifice en un temple au goût du XVIIIe siècle. On n'a épargné, dans cette manie de rajeunissement, que les parties de l'église les moins exposées aux regards des fidèles : l'avant-corps et la crypte ; encore n'a-t-on respecté qu'à moitié cette dernière, dont l'étendue a été fort réduite.
Pour procéder avec ordre dans la description de la collégiale, nous en examinerons d'abord le dehors, dont nous analyserons successivement les divers éléments ; puis nous pénétrerons à l'intérieur, où nous suivrons la même méthode, en ajoutant, toutefois, à l'étude de chacune des subdivisions de l'église, celle des œuvres d'art et des inscriptions qui y figurent aujourd’hui.
Le chœur, que nous croyons construit en 1046, se termine par un mur plat, qui était percé jadis de trois fenêtres en plein cintre, celle du milieu plus grande que les autres ; une quatrième fenêtre de même forme se trouvait au milieu du pignon de ce mur ; toutes ces ouvertures, bien que condamnées, sont encore très-apparentes. On peut les voir de près en pénétrant dans une ruelle fort étroite, qui part du Marché au Bétail pour conduire derrière le chœur. Sous les fenêtres se trouve le toit d'une petite abside à deux étages, dont l'un appartient à la crypte, l'autre à un réduit supérieur. Cette abside est éclairée par deux baies superposées; à ses côtés, deux autres ouvertures, pratiquées presque au niveau du sol, donnent du jour a la crypte.
Les murs latéraux du chœur sont surmontés d'une corniche, que supportent des corbeaux de formes diverses, parmi lesquels il en est de façonnés en têtes grimaçantes. Dans chacun de ces murs sont pratiquées trois grandes fenêtres carrées, s'amortissant par un arc surbaissé, qui datent évidemment de l'année 1753 inscrite à l'intérieur. A droite et à gauche du chœur, aux deux côtés de la dernière fenêtre vers l'orient, on aperçoit des arrachements qui indiquent l'emplacement des fenêtres primitives. Ces ouvertures, au nombre de quatre, étaient en plein cintre, comme celles des nefs, mais plus petites ; l'arc qui les surmontait était composé de claveaux appareillés avec soin et ayant leurs joints normaux à la courbe, tandis qu'aux nefs ces joints, au lieu de converger, sont presque parallèles, ce qui produit une clef triangulaire. Les fenêtres du chœur étaient, comme celles du transept, inscrites dans une grande arcade simulée. Jadis, elles étaient garnies de verrières, que le chapitre ordonna de placer (ou de renouveler) le 31 décembre 1604.
On pourrait se demander comment il se fait que le chœur n'ait été éclairé autrefois qu'à son extrémité au lieu d'avoir, comme aujourd'hui, des fenêtres espacées sur toute sa longueur. Voici, croyons-nous, la raison de cette irrégularité. Dans chacun des angles formés par l'intersection du chœur et des croisillons se trouve un bâtiment servant de dépendance à l'église et une petite chapelle communiquant avec le transept ; ces constructions, recouvertes aujourd'hui d'un toit à quatre pans, avaient jadis une toiture en appentis qui s'appuyait contre le chœur et en atteignait presque la corniche. On conçoit que celte disposition n'ait point permis de pratiquer des fenêtres dans la partie du sanctuaire contiguë aux croisillons.
Le 15 mai 1673, le chapitre résolut de rehausser le mur du chœur au niveau de celui de la nef, et, en l'année 1677, de la chaux avait été préparée pour l'accomplissement de ce travail, qui resta à l'état de projet.
A l'extrémité de l'abside, le haut du toit était orné d'un aigle, qui fut remplacé par un double aigle de cuivre tournant au moindre vent, après que la domination autrichienne eut remplacé dans notre pays la domination espagnole (résolution du 1er décembre 1719). Enlevé pendant la révolution brabançonne, puis replacé, cet emblème disparut définitivement eu 1794.
Le transept, aux croisillons, a la même hauteur que le chœur. La croisée est plus élevée ; mais, comme sa toiture et ses murs forment le prolongement de la grande nef, nous la décrirons en même temps que cette dernière.
La corniche et les corbeaux du transept ne sont point pareils à ceux du chœur ; on n'y trouve pas de têtes bizarres. Le croisillon droit a des corbeaux plus élégants que ceux du croisillon gauche, qui ont été renouvelés pour la plupart.
Chaque croisillon est éclairé par sept fenêtres : trois à l'extrémité, surmontées d'un pignon aigu, et deux de chaque côté. Ces ouvertures sont en plein cintre et pratiquées, comme les anciennes baies du chœur, dans le panneau d'une arcade simulée ; mais elles sont plus grandes et ressemblent beaucoup à celles de la nef, surtout la première à l'est, près du chœur, qui n'est point inscrite dans une arcade.
En examinant attentivement les murs latéraux du transept, on s'aperçoit que les fenêtres actuelles, bien qu'anciennes, ont succédé à d'autres fenêtres plus petites et plus étroites. D'après les traces qu'elles ont laissées, on doit croire que les ouvertures primitives étaient au nombre de trois, pour l'espace qui n'en a plus que deux ; en outre, une quatrième fenêtre encore apparente, quoique blindée, se trouvait pratiquée dans les murs orientaux des croisillons, à l'endroit correspondant au prolongement des collatéraux dans le transept.
Si l'on ajoute à ces diverses circonstances la présence de coutures très visibles à la jonction du chœur et du transept, on devra admettre que ces deux parties de l'église sont d'époque différente, au moins pour la région supérieure. A notre avis, une reconstruction partielle s'est effectuée, soit après les incendies de 1166 et de 1177, soit vers le milieu du XIIIe siècle, et c'est probablement à ces travaux que font allusion les chartes de 1244 et 1250, dont nous avons parlé plus haut. Nous attribuons particulièrement à cette dernière époque l'exécution du pignon qui amortit le transept méridional et dont nous allons essayer de faire comprendre la disposition. Du milieu du cordon qui règne au bas du gable s'élève une grande arcade simulée, en plein cintre, dans laquelle est sculpté en bas-relief un personnage assis : non pas la Vierge, comme l'a prétendu Schnaase, mais saint-Pierre, l'ancien patron de l'église. De chaque côté de celte arcade, il s'en trouve trois autres plus petites de moitié, puis une quatrième sous le rampant, encore moins haute. Le deuxième étage a sa partie médiane occupée par le cintre de la grande arcade appar-lainant à la rangée inférieure ; à droite et à gauche de ce tympan règne une série d'arcades moins importantes que celles du bas, accouplées deux à deux, les dernières plus petites ; à gauche une arcade manque au quatrième ou dernier couple ; au milieu on a marqué l'amortissement de cinq arcades qui auraient dû exister à la place du panneau de saint Pierre. Cet étage est séparé du suivant par une ligne de losanges. Le troisième étage rappelle le premier : comme dans celui-ci, nous rencontrons une arcade centrale, mais où le bas-relief est remplacé par des cintres géminés, surmontés d'un losange ; aux deux côtés se présentent trois arcades plus basses, qui se terminent par un amortissement rectiligne en angle aigu, forme plus rare en Belgique qu'en Angleterre, où les archéologues la considèrent comme caractère distinctif du style anglo-saxon. Le quatrième étage ne compte que quatre arcades, qui flanquent le grand cintre de la rangée inférieure. Enfin, le cinquième et dernier étage se réduit à deux arcades. L'ensemble de la construction dont nous venons de donner une idée et où plusieurs arcs accusent une tendance marquée vers la forme ogivale dénote évidemment la fin de la période romane, et nous inclinons à considérer ce pignon comme contemporain du cloître capitulaire.
Passons au vaisseau principal. La grande nef est plus élevée'que le chœur; elle se termine à l'orient, au-dessus de la croisée, par un pignon qui n'est percé que d'une baie carrée; plus bas on aperçoit deux fenêtres en plein cintre, qui ont été condamnées et dont l'extrados était à peu près à la hauteur des corniches latérales. Ces corniches et leurs corbeaux sont neufs : on les a refaits en 1860, en même temps que l'on reconstruisait, sur les plans de l'architecte Moreau, la toiture détruite par l'incendie de 1859 ; dans la nouvelle charpente on a substitué le fer à l'épaisse forêt des combles. La nef principale est percée, de chaque côté, de huit fenêtres en plein cintre ; nous en avons déjà décrit l'appareil grossier. On n'aperçoit plus aujourd’hui que la partie supérieure de ces ouvertures, le bas en est masqué par l'appentis des basses-nefs. La nef avait autrefois d'autres baies plus petites ; on en a muré deux de chaque côté de la croisée, à peu près au même niveau que celles du mur oriental, c'est-à-dire au-dessous de l'ancien plafond de l'église ; il en existe une autre dans les combles du contre-transept méridional. Toutes ces fenêtres supprimées paraissent antérieures à celles qui éclairent aujourd'hui l'église, tant à la nef qu'au transept.
Les collatéraux ou, comme on disait autrefois, les assentes, n'offrent rien de particulier; celui du nord a conservé ses anciens corbeaux; au sud ils ont été renouvelés. Les fenêtres sont entourées d'une arcade simulée, comme celles des croisillons ; à cela près, elles ressemblent et correspondent à celles de la grande nef; mais les huitièmes, vers l'ouest, font défaut : leur place est occupée par les petites chapelles qui cantonnent le contre-transept. Sur chaque collatéral s'ouvre une des portes de l'église ; celle du nord, qui communique avec le cloître, n'a rien qui attire l'attention; mais nous devons dire quelques mots du portail méridional que, depuis plusieurs siècles, on nomme les beaux huis et qui constitue le membre le plus orné et le plus élégant de la collégiale. Cette entrée se trouve au fond d'une ruelle ménagée entre les maisons qui tapissent le collatéral droit, et où il existait des étaux que le chapitre donnait en location (« estaux des merciers, estant es baulx huisses de la grande église») ; elle a un peu plus de trois mètres de largeur. Quatre marches séparent la rue du pavement de l'église ; sur la deuxième et la troisième marches reposent des colonnettes en retraite, au nombre de quatre ; le socle qui supporte leur base et qui est carré comme les redents compense la différence de hauteur de leurs points de départ ; leur fût, annelé vers le milieu, reçoit un chapiteau à crochets. Sur les chapiteaux retombent les deux tores d'une archivolte en plein cintre, dont le haut est chargé d'un dais ; le tympan est uni ; à sa partie inférieure, vers la place qu'occupe habituellement un linteau, se trouvent trois culs-de-lampe. Ces ornements, forts rares dans le XIIe siècle, nous engagent à attribuer le portail que nous venons de décrire et dont une élévation géométrale a été publiée dans le Journal de l'Architecture (année 1848, n° 8, p. 4) à la même époque à peu près que le pignon méridional du transept, malgré toute la distance qui sépare le fini gracieux de l'un de l'exécution grossière de l'autre. Nous sommes portés à croire que les nefs ont été, en même temps, l'objet de travaux de réparation considérables.
Les verrières de la nef furent refaites en vertu d'un ordre du chapitre du 2 juin 1650 ; peu de temps après (le 14 février 1651), ce corps accepta l'offre d'un anonyme qui voulait se charger d'en placer sept dans les assentes ou collatéraux.
Nous ne nous arrêterons pas au contre-transept, dont les bras sont moins longs que ceux du transept principal, mais s'élèvent à la même hauteur. Le croisillon droit est éclairé par deux fenêtres en plein cintre, au sud ; une troisième, à l'ouest, est blindée. Le croisillon gauche avait quatre fenêtres: une à l'est, une à l'ouest, et deux au nord; ces dernières ont été murées.
Il nous reste à examiner l'avant-corps, adjacent au contre-transept, qui forme le pied de la croix latine. Ce bâtiment, dans son état actuel, présente vers l'occident une façade large de 29 mètres, haute de 28, flanquée de deux tourelles rondes qui la dominent. Au milieu de cette façade s'élève une tour carrée, large de 12 mètres, haute de 14, de laquelle s'élançait jadis une flèche octogone d'environ 50 mètres, dont un orage avait détruit la pointe en 1804 et que la foudre incendia complètement en 1859. Au pied et au centre de la façade s'avance un portail à colonnes rustiques, surmonté d'une grande fenêtre ogivale.
L'ensemble de cette construction rappelle, soit par son élévation, soit par son plan, un grand nombre d'églises de l'Allemagne rhénane, mais particulièrement la cathédrale de Mayence, qui remonte en partie au commencement du XIe siècle, et l'église abbatiale de Laach, dont la première pierre a été posée en 1093 et qui a été consacrée en 1156.
La tour, qu'un cordon partage en deux zones, est percée vers le haut, à chacune de ses faces, d'une énorme baie d'abat-vent en plein cintre ; cette ouverture est divisée par un épais meneau, qui se bifurque à la naissance de l'arc, de manière à former deux ogives. Sous ces fenêtres, mais aux faces occidentale et orientale seulement, sont figurées deux arcades ogivales géminées, à tympan trilobé. Il suffit de voir cette lourde masse, appareillée en pierres de taille bleues d'assez grande dimension, pour reconnaître qu'elle appartient, non point au XIIIe siècle, comme l'a cru M. Piot, mais à la période de décadence du style ogival : elle date des années 1041 et suivantes. Lorsqu'il s'est agi de porter remède aux dégâts causés par l'incendie de 1859, on s'est demandé si la flèche moderne reproduisait fidèlement le clocher primitif et même si, dans le principe, l'église avait eu une tour. Pour résoudre la question, M. Piot invoqua le témoignage d'une ciselure qui orne la chasse de sainte Gcr-trude, d'un sceau du chapitre et d'un sceau de l'échevinage de Bollebeek (Revue d'histoire et d'archéologie, tome I, p. 11 8 ; Revue trimestrielle, tome XXVI, p. 114 ). Malheureusement ces documents, bien qu'ils donnent tous les trois une tour au portail occidental de Sainte-Gertrude, sont en complet désaccord sur la forme de cette construction. Ils sont en opposition plus flagrante encore avec une monnaie du XIe au XI11e siècle, citée par M. Piot (Revue de la Numismatique belge, tome I, pl. 5, p. 463; tome V, p. 234), qui représente d'un côté une tête de face dans un nimbe perlé, avec la légende S. Gerlruds., et au revers un portail d'église, avec une crosse dans la porte, couronné de deux tours reliées par un fronton semblable à ceux qui forment l'amortissement du portail de l'église des Apôtres à Cologne et de la collégiale de Bonn. Mais la question est tranchée par un acte du 1er septembre 1185, où il est formellement question de l'existence d'une tour. Cet acte, qui émane de Nicolas, archidiacre de Cambrai et prévôt du chapitre de Nivelles, fut passé dans cette ville, sous la tour (Actum anno Domini MCLXXXV, infra turrim Niviellœ, kalendas septembris). Les seules traces qui subsistent de cette tour sont cinq petites arcades à colonnettes romanes, que l'on aperçoit au bas de la face orientale de la tour actuelle, à la hauteur du laitage de la grande nef. On retrouve des arcades analogues dans l'église de Laach, où elles occupent la même place. La grande analogie que la partie occidentale de cet édifice présente avec la collégiale de Nivelles permet de croire que la ressemblance ne s'arrêtait pas à ce détail et que la tour de Sainte-Gertrude tout entière avait été imitée dans le temple rhénan. Le clocher de Laach est carré ; à sa base règne une galerie romane, qui est de niveau avec le faîte du vaisseau principal ; un peu plus haut s'opère, sur trois faces de la tour, une forte retraite adoucie par un glacis; au-dessus, chaque côté est percé de deux fenêtres géminées, puis s'amortit en un pignon dans lequel est inscrite une triple baie ; le toit est une pyramide obtuse, à quatre pans tangents aux extrémités des arêtes verticales de la tour. Il est probable, cependant, qu'en ce point, comme dans tout le reste de l'édifice, la décoration était beaucoup plus simple à Nivelles qu'à Laach.
La portion de la façade située immédiatement au-dessous du clocher a été reconstruite en même temps que ce dernier. C'est ce qui explique son revêtement en pierres de tailles bleues et la présence d'un grand arc de décharge en cintre surbaissé construit des mêmes matériaux et répété aux quatre faces de la tour. Deux énormes contreforts de même appareil partent des extrémités de cet arc et descendent en talus et en retraite jusqu'au porche hors d'œuvre ; ils ont été établis en 1855-1856. Sous le cintre s'ouvre une baie rectangulaire, que l'on a l'intention de remplacer par un quatre-feuilles. Plus bas apparaissent deux autres arcs de décharge en anse de panier ; l'arc supérieur marque la hauteur d'une coupole que renferme l'avant-corps et qui occupe le dessous de la tour ; l'arc inférieur était destinée couvrir une large arcade qui mettait en communication cette coupole avec une abside aujourd'hui supprimée. Cette vaste ouverture a été remplacée par un mur percé, vers le haut, d'une fenêtre ogivale (la verrière sous le clocher est mentionnée en 1618 ; la grande verrière en dessous des cloches fut réparée eu vertu d'un ordre daté du 9 août 1660), et vers le bas, d'une entrée dans l'église. Devant cette entrée se présente un petit porche précédé d un portail de style renaissance, construit en 1662. C'est pour pratiquer cette grande porte que l'on a indignement mutilé l'abside circulaire qui faisait le plus bel ornement de la façade occidentale. On en a supprimé le toit conique, la galerie, l'étage supérieur et presque la moitié de l'étage inférieur ; en un mot, on n'en a laissé subsister que deux pans de mur si intimement liés à la base de l'église qu'on n'aurait pu les démolir sans faire crouler la tour qui pousse au vide dans cette direction. Ces restes de l'abside sont encore ornés de ressauts rattachés par des arcatures plates, que nous retrouverons aux tourelles latérales.
Les deux parties de la façade qui flanquent le dessous du clocher et que nous désignerons du nom d'ailes, ont mieux conservé leur caractère primitif, bien qu'elles aussi aient subi d'innombrables restaurations. Elles sont entièrement revêtues de pierres de taille blanches ; des cordons de pierre bleue les divisent en quatre étages qui sont indiqués au sud et au nord par une faible retraite et que surmonte une espèce d'attique renfermé entre deux corniches de même pierre que les cordons. L'étage supérieur est le plus orné : à chaque aile sont tracées deux longues arcades en plein cintre, régnant sur presque toute la hauteur de l'étage; dans chaque arcade on a inscrit, l'une au-dessus de l'autre, deux baies géminées, dont le dessin a été publié dans le Journal de l'Architecture (année 1819, p. 68, pl. 9) ; les deux cintres accouplés dans ces baies retombent d'un côté sur l'imposte d'un pied droit, de l'autre sur une colonnette à chapiteau cubique, et sont surmontés d'un losange. Il est regrettable que dans la restauration de l'aile droite, qui s'est exécutée en 1861 sous la direction de l'architecte Coulon, la prudence ait fait une loi de suivre l'exemple donné en 1857 par l'architecte Moreau dans la réparation de l'aile gauche, et de murer du haut en bas le fond des arcades que nous venons de décrire. Il n'est pas moins fâcheux que l'on ait employé, au parement du côté gauche de la façade, des pierres des Ecaussinnes d'une couleur plus jaune et d'une dimension plus grande que celles de la maçonnerie ancienne auxquelles on les a associées ; du côté droit on s'est servi de pierres de Gobertange.
— Le troisième étage n'offre qu'un mur tout uni.
— Le deuxième étage est éclairé à l'aile droite par un oculus orné d'un quatre-feuilles ; une ouverture semblable doit être substituée à la fenêtre carrée de l'aile gauche, au-dessous de laquelle est encastré un agneau pascal.
— Le rez-de-chaussée avait jadis de chaque côté de l'abside une porte en plein cintre, donnant accès à un porche élégant ; on n'aperçoit plus qu'une seule de ces entrées, celle de l'aile gauche ayant été condamnée depuis longtemps ; mais leur rétablissement est décidé et ne tardera pas, croyons-nous, à s'effectuer.
L
es faces méridionale et septentrionale de l'avant-corps sont divisées en deux, dans toute leur hauteur, par les tourelles qui s'y trouvent engagées. Elles ont chacune, à leur dernier étage, deux arcades entièrement semblables à celles de la façade occidentale. Les fenêtres des étages inférieurs ne méritent pas d'être citées, sauf celles du rez-de-chaussée que nous décrirons plus loin.
Le côté oriental de l'avant-corps est caché en grande partie par les nefs ; à l'étage supérieur, chaque aile a deux arcades pareilles à celles de l'ouest. Ses corniches ont conservé des corbeaux anciens, tandis qu'ils sont tous neufs à la face opposée. Les deux tourelles latérales rappellent, non seulement les temples de Mayence et de Laach, que nous avons déjà cités, mais une foule d'autres églises allemandes contemporaines, telles quelles de Paderborn (Westphalie), de Trêves (Province du Rhin), de Limburg-an-der-Haardt (Palatinat) etc.
La tourelle du nord se nomme Tour Madame, parce qu'elle touchait à la chapelle abbatiale et à l'hôtel abbatial ; celle du sud est la Tour de Jean de Nivelles, ainsi baptisée à cause d'un jaquemart en cuivre doré qui s'y trouvait juché depuis fort longtemps et qui y sonna les heures jusqu'en 1704, puis les demi-heures jusqu'en 1859, en battant une cloche. Les tourelles, hautes d'environ 50 mètres et construites en pierres blanches, sont actuellement divisées en sept zones par des cordons de pierre bleue et se terminent par un toit conique. L'étage inférieur s'appuie sur un soubassement uni ; le cordon qui le sépare de la zone supérieure repose sur des ressauts, entre lesquels sont inscrites des arcatures romanes très plates, réunies deux à deux, de telle sorte que chaque cintre a l'une de ses extrémités qui porte sur un pilastre et l'autre qui retombe sur un modillon. Les cinq étages suivants ont un paiement tout à fait nu, dont la monotonie n'est interrompue que par les meurtrières qui éclairent l'escalier en hélice de l'intérieur. Le septième étage est à jour : il est percé de quatre fenêtres analogues à celles qui décorent la façade occidentale, avec cette différence, toutefois, qu'au lieu d'être planes elles suivent la courbe de la tourelle. Avant l'incendie de 1859, la Tour Madame n'avait que cinq étages ; les deux derniers sont donc nouveaux. La Tour de Jean avait à peu près la même élévation qu'aujourd'hui; mais son couronnement menaçait ruine et était d'ailleurs en désaccord avec la base: il se composait de huit arcades portées sur des pilastres de style renaissance ; on en a démoli et reconstruit les deux dernières zones. La tourelle septentrionale présente une particularité assez curieuse : les deux étages inférieurs surplombent vers le nord, tandis que le reste de la construction est d'aplomb. On est en droit d'en conclure que le haut de la Tour Madame a dû être rebâti à une époque déjà ancienne.
Plusieurs écrivains, parmi lesquels on compte M. Van Bemmel {Revue trimestrielle, tome XXII, p. 344), font remonter à l'abbesse Agnès et au VIIe siècle l'honneur d'avoir élevé l'avant-corps de la collégiale. M. Guillery va plus loin (Lettres sur l'Architecture, p. 451 et suivantes) et trouve dans ce bâtiment les restes d'un palais de Pépin de Landen, père de sainte Gertrude. Nous ne pouvons aucunement nous associer à l'opinion de M. Guillery qui ne s'appuie que sur une seule considération : l'élégance et la grandeur de l'avant-corps « trop large et trop haut », dit-il « pour l'office de porche qu'il remplit ». Nous avons dit précédemment que l'entrée actuelle est moderne et que, par conséquent, la coupole intérieure n'était nullement destinée à servir de vestibule ; mais, en fût-il autrement, personne ne songerait à voir un palais dans un bâtiment distribué comme celui qui nous occupe. Quant à l'ornementation, qui est évidemment plus complète à l'avant-corps qu'au reste de l'église, elle peut, croyons-nous, s'expliquer de deux manières : d'abord par la nécessité de décorer avec plus de soin la seule partie de l'édifice qui soit dégagée et exposée aux regards dans toute sa hauteur ; ensuite et surtout par le désir pieux de concentrer l'attention des fidèles sur le point qui rappelait plus particulièrement le souvenir de sainte Gertrude, comme le prouve la chapelle qu'on lui a dédiée et que d'innombrables croyants ont visitée.
Nous regrettons de ne pouvoir admettre davantage la manière de voir de M. Van Bemmel et trouver la moindre ressemblance entre l'avant-corps de la collégiale et Sainte-Sophie de Constantinople. M. Van Bemmel n'a pas remarqué sans doute que, si, comme il le dit, ce bâtiment avait eu jadis une seconde abside, vers l'orient, de manière à former un ensemble complet et isolé, sa hauteur n'aurait pas été proportionnée à sa surface. D'ailleurs, cette coupole à double abside eût été inaccessible ; car elle n'a jamais eu de communication avec les porches qui la bordent et qui, par conséquent, n'auraient eu aucune raison d'être. Ajoutons à cela, avec M. de Caumont, que la présence des voûtes en coupole dans une église n'est point un signe de haute antiquité et annonce le XIe ou même le XIIe siècle. Nous croyons que l'opinion de M. Van Bemmel repose sur une erreur de fait. M. l'architecte Carlier, qui a dirigé les recherches entreprises en 1850 et 1853, par ordre de l'administration communale, nous a déclaré que l'on n'a point opéré de fouilles à l'est de la coupole, c'est-à-dire au bas de la grande nef ; il en résulte naturellement que l'on n'a pu découvrir les fondements d'une abside orientale. Ce que l'on a trouvé c'est, à l'extérieur, le pourtour complet de l'abside occidentale ; puis, sous la coupole, des restes de maçonnerie qui semblent avoir été la base d'un autel ; et enfin, entre la coupole et la nef, des murs écrasés et lézardés par l'énorme pression de la tour.
M. Tarlier pense que l'avant-corps a dû être bâti au commencement du XIe siècle et que par conséquent il appartenait, comme le chœur, à l'édifice consacré en 1046. En lui assignant cette date, que confirment tous les détails de construction, on le rend antérieur aux nefs actuelles avec lesquelles il est très imparfaitement relié. Il serait du reste difficile d'arriver à une autre conséquence, dès que l'on admet la non contemporanéité de ces deux parties de l'édifice; car, si l'avant-corps n'avait pas existé d'abord comme point d'appui, il aurait été impossible d'équilibrer la poussée de toutes les arcades de la grande nef : or il est probable que le vaisseau a été reconstruit en grande partie après les incendies du XIIe siècle.
Telle est l'opinion de M. Tarlier. M. Wauters, se basant sur le luxe d'ornementation qui se révèle dans l'avant-corps, le croit d'une époque postérieure à la première moitié du XIe siècle, et suppose qu'en 1046 on n'avait élevé que le vaisseau de l'édifice, en commençant par le chœur.
Après avoir décrit successivement tout ce que les dehors de l'église de Sainte-Gertrude offrent de remarquable, nous allons en étudier l'intérieur. Nous examinerons en premier lieu la partie occidentale de l'édifice ; elle mérite sous tous les rapports d'attirer notre attention.
Comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'avant-corps se partage verticalement en cinq régions distinctes : la tour et ses dessous, les deux ailes latérales, les deux tourelles.
Nous avons peu de chose à ajouter à ce que nous avons dit précédemment des tourelles. Elles s'ouvrent l'une et l'autre à l'intérieur des porches dont nous parlerons plus loin, et sont exclusivement occupées par un escalier en hélice qui conduit aux divers étages des ailes et s'arrête au couronnement à jour. Ces escaliers ont environ 240 marches dansantes, leur échappée est de 2 m. 10 ; le dessous rampant des marches est revêtu d'un tuf très poreux.
Les ailes de l'avant-corps se divisent en quatre étages surmontés de combles, la séparation de ces étages est indiquée approximativement par les cordons extérieurs. Les deux côtés de l'étage inférieur ou rez-de-chaussée servaient primitivement de porches ; ils étaient ouverts à l'ouest et à l'est et communiquaient avec le parvis, d'une part, et avec les basses-nefs de l'autre. Au siècle dernier, celui du nord était converti en vestiaire, celui du sud, en retirade ou magasin de chaises. Actuellement l'aile droite est fermée à l'extrémité orientale et l'aile gauche à l'extrémité occidentale. Chacun de ces porches est divisé, comme à Mayence, en deux compartiments que sépare une porte carrée ; nous donnerons le nom de vestibule à la salle contiguë à l'église et nous réserverons celui de porche pour l’autre compartiment. Les porches, ne prenant jour que de l'ouest, n'avaient probablement aucune clôture de ce côté ; on en trouve la preuve dans l'existence, à droite et a gauche des baies d'ouverture, de niches adjacentes à la façade et destinées a recevoir des statues ; des portes auraient caché ces niches en s'ouvrant ou les aurait plongées dans l'obscurité en se fermant. Les cintres d'entrée n'ont plus conservé d'autre ornementation qu'un gros tore retombant sur des colonnes détruites en partie. Le porche septentrional a 3 m. 30 de longueur en œuvre (non compris, par conséquent, l'épaisseur du mur de la façade dans lequel sont, pratiquées les niches latérales) et 4 m. 60 de largeur ; il est recouvert d'une voûte d'arête en plein cintre s'élevant a 5 m. 10 de hauteur. Les quatre faces du porche ont pour décoration entre les pendentifs de la voûte une arcade en plein cintre ; ces arcs retombent sur quatre colonnettes romanes hautes de 1 m. 50, qui ont pour base un animal couché ressemblant à un chien ; peut-être a-t-on voulu exécuter des lions à l'imitation de ceux qui figurent au portail de plusieurs églises italiennes et même françaises (Arles, Mans etc. ), d'où la formule inter leones que portaient certains actes. Ces colonnettes sont haussées d'un socle carré de 2 mètres, se confondant avec les autres redents qui remplissent les angles de la salle. A l'est elles sont ornées de statues presque en ronde bosse, accolées au fût et un peu plus grandes que demi-nature. La statue du côté méridional représente Samson ébranlant les colonnes du temple de Dagon à Gaza ; le chapiteau figure des murs crénelés dominés par de hautes tours qui s'écroulent.
L'autre statue nous montre Samson enlevant les portes de Gaza ; le chapiteau est orné de feuillage. Ces deux sujets constituent un tout avec des bas-reliefs qui décorent une porte inscrite dans l'arcade orientale et servant de communication entre le porche et le vestibule. L'ouverture de la porte est carrée : elle a 3 m. 30 de haut sur 2 m. 10 de large. Le chambranle se compose de trois monolithes d'un grès roux assez rude, dont on a fait également les statues de Samson ; les jambages ont 0 m. 50 de largeur, le linteau a la forme d'un fronton surbaissé, privé par une ligne verticale de ses deux extrémités aiguës et n'ayant que 0 m. 60 de hauteur au milieu ; les deux bouts du linteau ont été raccommodés au moyen de deux pièces en calcaire bleu. Le bas des jambages est nu jusqu'à 1 m. 40 du sol ; la partie supérieure est décorée d'arabesques qui se prolongent sur le linteau et sont composées, pour chaque côté, de cinq rinceaux de pampres. Sur le montant gauche l'enroulement inférieur enlace un vendangeur portant un panier attaché à sa ceinture et coupant du raisin ; celui du milieu renferme une chèvre broutant les pousses de la vigne. Sur le montant droit un centaure fait pendant au vendangeur: un griffon armé de larges ongles et les ailes à demi-déployées fait pendant à la chèvre. Au fronton un même cadre réunit trois épisodes de la vie de Samson : Dalila coupant les cheveux à Samson. Samson vainqueur du lion de Thamnatha, les Philistins crevant les yeux à Samson.
M. Alvin, qui a décrit le premier ces sculptures intéressantes (Bulletin de l'Académie royale de Belgique T. XVII, p. 560 et planche; T .XVII, p. 188), n'hésite pas à les attribuer au XIe siècle ; si l'on remarque dans certaines figures plus de science et de naturel, dans d'autres un dessin lourd et indécis, cette différence peut s'expliquer fort bien par l'imitation partielle d'un modèle antique et ne doit pas empêcher de regarder les bas-reliefs et les statues comme formant un tout un et indivisible. Quant à la signification de ces scènes allégoriques, elle est facile à déterminer : on sait que les Pères ont pris Samson pour emblème du Christ, que la victoire sur le lion représente le triomphe sur les idolâtres, que les autres sujets rappellent les mystères de la passion et de la résurrection du Sauveur. Mais on a été plus loin et on a voulu trouver une valeur symbolique aux personnages inscrits dans les arabesques : M. Bock (Bulletin de l'Académie, tome XVII, p. 492) y reconnaît deux signes du zodiaque, le capricorne et le sagittaire, et en découvre un troisième dans le lion du fronton. Sans contester l'usage, qui a prévalu surtout au XIIe siècle, d'inscrire un zodiaque au portail principal des églises, nous ne croyons pas pouvoir admettre que l'on possède à Nivelles un exemple de cette coutume. Outre la difficulté de justifier la présence des signes zodiacaux au milieu d'autres groupes sans importance allégorique, on s'explique avec peine comment le complément du zodiaque n'aurait pas été sculpte*au porche méridional. En effet, cette entrée de l'église, semblable dans l'ensemble de sa disposition à celle que nous venons de décrire, n'en diffère que par les bas-reliefs de la porte du vestibule : ces ornements sont taillés dans la même pierre, mais ils sont plus frustes et le tympan du fronton ne montre qu'un seul personnage mutilé, l'archange saint Michel. Ajoutons, pour ne plus devoir revenir au porche de droite, que le tore dessinant l'archivolte du cintre occidental retombait sur des statuettes cariatides portées par une colonne ronde ; celle du côté gauche est. conservée avec l'inscription Gerdrudis ; par contre, à l'est le fût des colonnes est uni. On a trouvé dans les niches de ce porche deux statues grossièrement ébauchées.
Le vestibule du nord, c'est-à-dire la salle comprise entre le porche proprement dit et le collatéral, a 5 m. 20 de longueur sur 4 m. 90 de largeur. Il est recouvert d'une voûte d'arête, retombant sur quatre colonnettes romanes qui descendent jusqu'au sol. Dans le mur septentrional sont percées la porte de la tour Madame et une baie en plein cintre ébrasée intérieurement, dont le tableau est garni d'un redent à neuf retraites. Le vestibule du sud est tout à fait pareil ; seulement, dans la restauration qui s'opère actuellement, on a ébrasé la fenêtre en dehors et en dedans ; les retraites extérieures sont au nombre de six.
Abandonnons maintenant le rez-de-chaussée pour nous occuper du deuxième étage, dont la distribution est presque identique. La différence principale consiste en ce que l'on n'a ici à chaque aile qu'une seule salle divisée en deux compartiments, l'étranglement qui sépare le porche du vestibule ayant disparu pour faire place à un large arc doubleau. Cet arc porte sur quatre colonnes romanes à chapiteaux variés; il fait pendant à deux arcades simulées à l'est et à l'ouest, qui s'appuient chacune sur deux colonnes romanes ; au nord et au sud quatre autres arcades plus petites complètent la décoration. Vers l'extrémité orientale de la salle se trouve une espèce d'abside en cul de four occupée par un autel. Cette niche empiète sur l'intérieur de l'oratoire de manière à réduire le compartiment de l'est à la même longueur que celui de l'ouest ; chacun d'eux est recouvert d'une coupole ovale sur pendentifs. Dans le mur occidental est percé un large oculus. Sous l'arc doubleau s'ouvre la porte de la tourelle ; à côté on remarque une baie ébrasée eu dedans et correspondant à celle du rez-de-chaussée. Le mur contigu à la tour centrale est plein aujourd'hui ; autrefois, comme l'ont démontré les recherches de M. Carlier, les deux arcades simulées étaient à jour et se subdivisaient en deux autres arcades plus petites ouvertes sur la grande coupole de la tour. Cette disposition élégante transformait chaque oratoire en tribune ; on a dû y renoncer par suite de la rupture des colonnettes, broyées sous le poids du clocher. L'oratoire adjacent à la tourelle Madame était sous l'invocation de sainte Agathe ; il sert aujourd'hui de réceptacle aux harnais du char de Sainte-Gertrude. L'oratoire voisin de la tourelle de Jean était dédié à la patronne de Nivelles ; jadis il était l'objet d'une vénération toute particulière et les pèlerins s'y portaient en foule pour passer entre le mur et l'une des colonnes de l’arc doubleau ; la trace de leurs genoux est profondément imprimée dans la pierre qui sert de socle au monolithe. Pour arriver plus aisément à l'oratoire de Sainte-Gertrude, ou, comme on disait anciennement, au Trou de Sainte-Gertrude, on a pratiqué un escalier spécial, qui commence sous la coupole centrale (où il compte 11 marches), s'engage dans l'épaisseur de la muraille (où il a 24 marches) et débouche à peu près vis-à-vis de la porte de la tourelle. Le 31 juillet 1684, Ordre fut donné par le chapitre de fermer la porte qui donnait accès à la chapelle du Trou de Sainte-Gertrude, et de ne l'ouvrir qu'à certaines heures, lorsqu'on y dirait la messe. C'était là que s'assemblaient les bénéficiers et communs chapelains de la collégiale.
Le troisième étage est moins remarquable et en même temps moins vaste que les précédents. En effet, ceux-ci occupent tout l'espace compris entre les collatéraux et la façade de l'église, c'est-à-dire toute l'épaisseur de la grande coupole ; mais, une fois parvenues au-dessus des basses-nefs, les ailes de l'avant-corps se réduisent à leurs propres dimensions, qui apparaissent à l'extérieur, de chaque côté des tourelles latérales. La salle du troisième étage n'a donc que 7 m. 80 de longueur, sur 6 m. 20 de largeur. Elle est éclairée par deux meurtrières, flanquant la porte de la tourelle. Contre le clocher, à l'est, est l'entrée des combles de l'église ; à l'ouest, une ouverture condamnée, qui donnait accès à la galerie de l'abside occidentale. Cette salle était probablement planchéiée, car le bas en est bosselé par les coupoles de l'étage inférieur. Elle est recouverte d'une voûte moderne en briques, qui.est assise sur les anciennes retombées. Si nous ne parlons que d'une salle en donnant ces détails, c'est qu'en réalité il n'y a pas ici de différence sensible entre l'aile droite et l'aile gauche de l’avant-corps.
Le quatrième étage se trouve au niveau de l'extrados de la grande coupole. Il était éclairé par la rangée inférieure des fenêtres géminées que nous avons décrites en nous occupant de l'extérieur de l'avant-corps ; mais la plupart de ces ouvertures ont été murées par mesure de précaution. Les deux salles de cet étage communiquaient autrefois avec le clocher, qui les sépare, par une large arcade surmontée d'un cintre en pierres blanches ; on a été obligé de remplir aussi ce vide et de ne plus laisser qu'un passage étroit. Les voûtes sont neuves et construites en briques ; elles permettent d'apercevoir, surtout vers l'est, des vestiges d'anciennes petites coupoles et d'une corniche fort simple. A la hauteur des reins de la voûte et dans l'épaisseur des murs régnait, sur trois faces de l'aile droite, un couloir voûté, éclairé par la rangée supérieure des fenêtres géminées de l'avant-corps ; cette galerie aboutissait à une tourelle hexagone conduisant au carillon de la tour. On vient de démolir la tourelle et de supprimer en partie le couloir. Nous ignorons si, avant la restauration de l'aile gauche, on y remarquait la même particularité.
Les combles, qui ne sont pas encore entièrement rétablis, n'ont rien qui attire les regards ; ils sont en communication avec le clocher.
Le centre de l'avant-corps est occupé par une belle coupole sur pendentifs dont le dernier incendie a constaté la solidité, car elle a résisté aux secousses violentes provenant de la chute des cloches et à la chaleur excessive développée par la combustion de la charpente de la flèche. Cette coupole a une hauteur de 18 mètres et atteint à la même élévation que les trois premiers étages des bâtiments qui la flanquent; son diamètre est de 9 m. 30. Jusqu'au XVIe siècle les quatre faces du rectangle dans lequel elle se trouve inscrite étaient percées d'arcades à jour : celles de l’est et de l'ouest s'ouvraient jusqu'au sol et communiquaient avec la nef et l'abside ; les deux autres présentaient de petits portiques pratiqués au niveau des oratoires latéraux de Sainte-Gertrude et de Sainte-Agathe. Actuellement les quatre murs sont bien encore décorés d'arcades en plein cintre portant sur des pilastres, mais elles sont toutes simulées, sauf celle de l'est; les panneaux du sud et du nord sont pleins ; l'arcade occidentale est percée d'une porte et d'une fenêtre en ogive, contemporaines du portail construit en 1662: sa hauteur ancienne est indiquée à l'extérieur par le premier des trois arcs de décharge que l'on remarque sur la façade.
Au-dessus de la coupole, la tour avait un deuxième étage voûté; nous ignorons à quelle époque a été démolie la voûte dont on n'aperçoit plus que les retombées en tuf dans les angles. C'est à cet étage que correspond la baie rectangulaire que l'on remarque au haut de la façade. Deux cintres de pierre blanche, partiellement remplis par une maçonnerie neuve en briques, mettent le clocher en communication avec les ailes de l'avant-corps.
Le troisième étage, séparé du précédent par des poutrelles en fer, est destiné à recevoir les nouvelles cloches. Au-dessus de l'ancienne voûte chaque face de la tour est consolidée par un grand arc de décharge surbaissé, en pierre bleue, qui date de la reconstruction de la tour en 1641. Dans le mur oriental se trouvent deux ouvertures par lesquelles on découvre les cinq colonnettes romanes que nous avons signalées en décrivant l'extérieur de l'édifice. Plus haut, à cette face ainsi qu'à celle de l'ouest, deux fenêtres blindées, s'amortissant par un segment de cercle, indiquent la place des ogives géminées visibles au dehors.
Le quatrième étage, où était placé le carillon, est percé de quatre grandes baies en plein cintre garnies d'abat-son. Il recevra, parait-il, une nouvelle flèche octogone à charpente en fer.
Revenons à la coupole. Si, de l'arcade qui la rattache à l'église, on contemple le vaisseau que l'on a devant soi, on ne peut s'empêcher d'en admirer les vastes proportions. La nef centrale, séparée de ses collatéraux par deux rangées de piliers carrés portant des arceaux en plein cintre, est recouverte d'une voûte d'arête à nervures croisées et arcs doubleaux, haute de 18 m. 75, qui s'étend au même niveau jusqu'à l'extrémité du chœur, c'est-à-dire sur 77 m. 80 de longueur. Les basses-nefs ont 10 m. 60 d'élévation ; le transept et le contre-transept sont plus hauts.
Le chœur, que l'on appelait jadis le Chœur des chanoines, le Chœur des seigneurs (Chorum dominorum) ou le Chœur de Saint-Pierre, fut, en 1669, la cause d'un procès entre les deux grandes subdivisions du chapitre. Les chanoines soutenaient qu'il était spécialement affecté à leur usage, tandis que, d'après les chanoinesses, ils devaient principalement officier dans l'église Saint-Paul. A cette occasion, il se fit, le 3 mars 1670, une visite du grand chœur et du chœur des demoiselles, dont le récit nous a fourni des détails très intéressants. La querelle se termina par une transaction : le chœur fut abandonné aux chanoinesses, sauf que, dans certaines occasions exceptionnelles, lorsqu'il y avait un office commun à tout le chapitre, elles occupaient le chœur des demoiselles ou des dames (1670). Le chœur proprement dit n'a que 19 m. 10 de longueur en œuvre ; mais en comptant la croisée, que l'on y a annexée, il a 31 m. 30. Sa largeur est de 9 m. 65, il est éclairé de chaque côté, comme nous l'avons dit précédemment, par trois fenêtres modernes, qui le divisent en autant de travées. Trois autres fenêtres existaient jadis à l'orient ; la plus grande, cachée par le maître autel de Sainte-Gertrude, est encore très reconnaissable à ses deux colonnes romanes octogones supportant un tore d'archivolte ; les petites correspondaient aux niches ornant aujourd'hui le mur du fond.
La vôute en plein cintre qui surplombe le chœur porte la date 1753 ; elle est construite en bois et ménagée dans la hauteur des combles. Le sanctuaire occupe les deux dernières travées du chevet ; il est plus élevé que le reste de l'église. Cette différence de niveau provient de l'existence d'une crypte, qui s'étendait jadis jusqu'au transept et dont on a supprimé la moitié en 1753, en même temps que l'on faisait disparaître le jubé placé à l'entrée du chœur. Deux escaliers de marbre noir, séparés par une riche balustrade en cuivre, conduisent au sanctuaire ; ils s'appuient aux murs du nord et du sud et ont chacun huit marches. Entre ces escaliers s'ouvre la porte de la crypte, dans laquelle on descend par onze marches et dont nous allons faire connaître la disposition.
La crypte s'appelait anciennement la Grotte ou la Vieille Église, et la tradition la considérait comme l'ancien temple de Nivelles, au temps de la patronne. Il est à regretter que ses dispositions intérieures aient plus d'une fois été modifiées : d'abord, en 1612, lorsque sa voûte fut reconstruite, probablement vers l'extrémité occidentale ; puis au siècle dernier Elle a la forme d'une basilique, divisée en trois nefs par deux rangs de piliers carrés épais de 0 m. 55 ; elle est couverte d'une voûte d'arête surbaissée, avec arcs doubleaux et formerets. Les chapiteaux qui reçoivent les retombées de cette voûte consistent en un abaque, composé d'une plinthe reposant sur un filet en retraite qui la sépare d'un chanfrein. L'abside sert d'emplacement à un autel, dont la pierre consacrée est de même espèce et a les mêmes moulures que les chapiteaux. La nef principale a, entre piliers, 3 m. 13 de largeur; les autres n'ont que 2 m. 70; elles sont toutes trois éclairées par une petite baie à l'orient et ne comptent plus que trois travées, inégalement espacées. La plus rapprochée de l'abside mesure 3 m. 15, les autres 2 m. 55. Les travées plus voisines du transept ne sont pas entièrement détruites : on s'est borné à défoncer la voûte, sans démolir les piliers. Elles étaient au nombre de trois et s'étendaient jusqu'à la croisée exclusivement. Des fouilles exécutées tout récemment ont montré que la crypte avait primitivement deux entrées, l'une à gauche, l'autre a droite, s'ouvrant sur les croisillons du transept. Actuellement, on compte dans la crypte 4 piliers isolés et 8 autres engagés dans les parois ; du côté occidental plus rien ne déborde le mur : les abaques eux-mêmes sont noyés dans la maçonnerie. La largeur totale des trois nefs, dans œuvre, est de 10 m. 45; celle du chœur n'est que de 9 m. 65 ; il en résulte que les murs supérieurs reposent de 0 m. 40 sur les chapiteaux des pilastres du dessous. Une disposition aussi hardie est, à nos yeux, la preuve que le chœur et la crypte ont été construits d'un seul jet ; ce qui le démontre encore, c'est que les parements extérieurs se continuent dans un même plan et sans couture sensible. Entre les pilastres de la crypte sont pratiquées huit niches modernes en briques, dans lesquelles on a placé des statues sur d'anciens culs-de-lampe : à gauche se trouvent celles de saint Paul, saint Pierre et sainte Madeleine ; à droite, celles de sainte Gertrude, saint André et saint Jean ; à l’entrée, saint Amand et saint Feuillien. Vers l'angle S.-E. de la crypte on remarque un puits alimenté par une source jaillissant de la roche ; cette eau passe pour avoir une vertu miraculeuse ; mais il est bien difficile d'admettre qu'elle indique l'endroit où sainte Gertrude a été enterrée. Il existait autrefois, dans la crypte, un autel avec un bénéfice dit de Saint-Amand ; on y desservait aussi une fondation établie par Mlle de Créquy. Enfin, on en célébrait tous les ans la dédicace, sous le nom de dedicatio veteris ecclesiœ. Pour terminer ce qui concerne cette partie de l'édifice, disons qu'elle est pavée de petites dalles, sur lesquelles nous n'avons rencontré que les deux inscriptions suivantes :
1° D. 0. M. | Reposent dans cette Eglise | Mrs Joseph Gaudrè chanoine | de cette Collégiale mort | le 27 7bre 1727, Jean | Philippe Gaudrè chapelain | mort le 1er Xbre 1764 et de (sic) | Joseph Gaudrè chapelain | et jadis tresorier de ce | nble et vhble chapitre mort | le 14 7bre 1772 | R. I. P. ;
2° D. 0. M. | Ici devant repose le corps | de Mr Paul J. Ph. Piercoz prêtre | chapelain et semainier de la | collégiale décédé le 14 | février 1763 âgé de 61 ans | R. I. P.
L'abside de la crypte s'élève au-dessus du sol derrière le chœur, où elle forme un petit réduit pavé de carreaux émaillés, qui servit jadis de dépôt des archives ducales du Brabant. (Voir plus haut).
Le maître-autel date du siècle dernier, mais seulement pour les accessoires, qui proviennent de l'église supprimée de Notre-Dame. Quant à la table primitive, elle existe encore et elle recouvre deux cercueils : ceux de Pépin de Landen et de sa femme Ide, ainsi que le dit positivement un auteur qui écrivait il y a deux siècles, Rebreviettes. Derrière l'autel s'élève un retable de marbre noir, en forme de portique, dont la corniche est soutenue par quatre colonnettes ; dans l'intervalle sont enchâssés huit petits bas-reliefs d'albâtre retraçant les principaux miracles de sainte Gertrude. Ce monument de style renaissance fut exécuté à la suite d'une résolution du chapitre, en date du 16 avril 1629. Maître Jean Thonon, sculpteur, qui demeurait à Dinant, se chargea d'exécuter, aux conditions suivantes, une « table d'autel pour le grand autel madame Sainte-Gertrude », moyennant 800 florins et 50 florins do vins. D'après le contrat, la table a 8 1/2 pieds de large sur 7 de haut ; au sommet règne une corniche de marbre noir, avec architrave et frise d'albâtre ; plus bas se trouvent quatre colonnes de jaspe, avec bases et chapiteaux à la corinthienne, l'emplacement pour mettre une peinture, deux niches , chacune occupée par une statue d'albâtre, de 2 1/2 pieds de haut, surmontée d'une aiguille de jaspe, et six chérubins d'albâtre, le tout reposant sur un piédestal de marbre, avec quatre aiguilles de jaspe. Au milieu il y a un reposoir du saint Sacrement, avec quatre colonnes de jaspe à la corinthienne, vases et chapiteaux d'albâtre, timbre du dôme en marbre avec le pélican et trois festons d'albâtre. Le contrat, qui fut signé le 31 mai 1629, stipule l'achèvement du modèle dans les huit jours, et celui du monument dans les six mois. Cette décoration fut complétée, quelques années après, par l'établissement autour de l'autel, d'une clôture en marbre, avec balustres de marbre blanc d'Italie et soubassement de pierres des Ecaussinnes ; François Wanson, marchand de pierres demeurant à Namur, se chargea de la fournir, pour 580 florins (17 novembre 1636). L'autel dû au ciseau de Thonon se trouve représenté dans la Vie de sainte Gertrude, par A. Ryckel ; on l'aperçoit au travers d'une porte de l'église, avec la châsse gothique de Marbrien d'Ortho, que surmonte une tourelle. Par son testament, en date du 6 décembre 1623, l'abbesse de Hennin avait légué 1,000 florins, « en avancement d'une table à l'autel Sainte-Gertrude ».
Sur le retable de l'autel et devant un tableau ovale représentant un Crucifiement, d'après Van Dyck, repose une grande armoire en cuivre, donnée, au commencement du XVIe siècle, par le doyen Marbrien d'Ortho, pour y renfermer la châsse de sainte Gertrude. Ce coffre était entouré jadis de la belle balustrade qui sépare aujourd'hui le sanctuaire du chœur et qui provient du même chanoine. Il a environ deux mètres de hauteur et appartient, par ses ornements, à la décadence du style ogival. Il s'ouvre sur trois de ses faces, pour permettre de voir la châsse qu'il contient ; les portes sont à deux battants : il y en a deux par devant et une de chaque côté : on prétend qu'il y avait aussi deux portes par derrière et qu'elles ont été volées pendant la révolution française. Le chanoine Le Hoye avait fait restaurer celte châsse de cuivre et enlever le tourillon (ou tourelle) qui la surmontait, comme nous l'apprend une résolution par laquelle le chapitre approuva cette modification, le 16 novembre 1753. La châsse de cuivre porte la devise du fondateur : Orte jam sole. Depuis sa récente restauration, la châsse de Sainte-Gertrude est recouverte d'une enveloppe en glace en forme de cercueil ; elle renferme, dans un coffre en bois, les ossements de la sainte, qui sont fort délicats, avec un voile blanc et un voile noir. Ces ossements furent visités le 8 juillet 1292, mais l'abbesse qui vivait alors étant morte l'année suivante, les dames qui lui succédèrent, craignant qu'une cérémonie semblable ne provoquât la demande d'une partie des restes de la sainte, y mirent constamment opposition. La reine-régente d'Espagne, ayant fait demander une fraction de ces reliques, par l'intermédiaire du gouverneur général, marquis de Caracena, n'obtint qu'un refus du chapitre (11 mai 1662). Les chanoines conservaient aussi le peigne de la sainte ; ils ne consentirent, le 19 novembre 1705, à en concéder une dent, que sous promesse de fonder une grande messe hebdomadaire, en l'honneur de sainte Gertrude. En 1794, le corps saint fut transporté en Allemagne, à l'approche des troupes françaises ; ce ne fut que onze à douze ans après que Nivelles en récupéra la possession, par acte passé le 27 germinal an XIII, entre les chanoinesses existantes, d'une part, le maire, le curé primaire et les marguilliers, d'autre part. Les reliques se trouvaient alors à Berg-op-Zoom, d'où elles arrivèrent le 6 vendémiaire an XIV (27 septembre 1805). On les déposa à l'église du Saint-Sépulcre, et le lendemain, jour de la Saint-Michel, le clergé les conduisit processionnellement à l'antique collégiale, au milieu d'un immense concours de monde. Quatre anciens chanoines portaient le cercueil vénéré de la fille de Pépin.
Le coffre actuel en bois en a remplacé, en 1793, un autre qui était entièrement « pourri » et servait à cet usage depuis le 24 septembre 1574. De la fin du XIIIe siècle date la châsse, qui constitue un de nos plus beaux spécimens d'orfèvrerie du moyen âge. La convention qui fut conclue à cette occasion, le dimanche avant la Saint-Mathieu 1272, entre le chapitre et les orfèvres Colard de Douai et Jacquemon de Nivelles, présente des détails très-intéressants : La châsse doit être, au moins, aussi longue que l'ancienne, avoir une largeur et une hauteur proportionnée, et reproduire « la pourtrature » ou le modèle exécuté par maître Jacques l'orfèvre, moine d'Anchin. Il ne peut s'y trouver que de l'or, de l'argent et les pierres qui seront remises aux deux orfèvres. L'affinage a lieu aux frais de ceux-ci, sauf que le plomb nécessaire pour cette opération est fourni parle chapitre. Le déchet résultant de l'affinage est supporté par le chapitre, à qui doit être rendue la cendrée qui en résulte. Le chapitre prend aussi à sa charge la fourniture du métal et le paiement des ouvriers. L'œuvre entière peut contenir 350 marcs d'argent, avec une tolérance de 20 marcs en moins ou en plus ; pour la mise en œuvre de chaque marc, évalué à 13 sous et 4 deniers esterlings, les orfèvres reçoivent 20 sous parisis. Avant de procéder à la dorure, chaque partie d'argent est pesée ; plus tard, on la repèse de nouveau, afin de déterminer la quantité d'or qui a été employée. A la demande de Colard et de Jacquemon, Jacques d'Anchin apposa également son sceau à cet accord, qui a été publié par M. Van Hasselt dans les Annales de l'Académie d’Archéologie de Belgique, et sur laquelle Emile Gachet a écrit un bon commentaire. D'après Molanus, la translation des reliques dans la nouvelle châsse s'opéra le 31 mai 1298, date qui est dénaturée en celle du 31 mai 1208, dans A. Ryckel et quelques chroniques locales. La piété des derniers siècles décora la châsse d'une foule de bagnes et d'autres objets de prix, qui, dans la suite, furent aliénés pour payer des dépenses urgentes.
Les nombreux voyages exécutés par la châsse ont exigé des réparations fréquentes. Le 7 avril 1639, on l'orna d'anges d'argent, pour lesquels on avait donné cent patacons et un chêne. On y travailla probablement à la fin du XVIIIe siècle, car, il y a quelques années, on y voyait deux médailles, l'une de Marie-Thérèse, l'autre de Léopold II, que l'on a enlevées lors de la dernière restauration. Cette opération, entreprise en 1857 par M. Varigar, de Bruxelles, a coûté 2,800 francs ; elle a été suivie d'un nettoyage à fond nécessité par l'incendie de 1859.
La châsse représente une église gothique, terminée aux deux extrémités par un mur plat avec portail ; au milieu de chaque face latérale se trouve un autre portail, rappelant un bras de transept, mais d'une très faible saillie. La toiture révèle trois nefs intérieures. Le vaisseau principal est recouvert d'un toit à deux égouts, dont le faîtage est orné d'une crête enrichie de pierreries ; ses murs latéraux sont garnis de nombreuses arcades ogivales simulant la claire-voie. Les collatéraux ont des combles en appentis ; chacun d'eux est creusé, à l'extérieur, de huit niches renfermant des statuettes. La chasse a 4 m. 80 de longueur, 0 m. 54 de largeur et 0 m. 68 de hauteur non compris les fleurons qui la surmontent. Le tout est en argent, dont la plus grande partie est dorée, repoussée ou ciselée et chargée d'émaux, de pierres fines et de camées antiques. Le toit de la grande nef est couvert de bas-reliefs retraçant une douzaine d'épisodes de la vie de sainte Gertrude ; celui des basses-nefs est revêtu d'ornements réguliers alternants, qui représentent, l'un, un lis enfermé dans un losange, l'autre, l'ancien portail occidental de l'église. Nous n'essaierons pas d'énumérer les colonnettes, les roses, les pinacles, les festons, les mille détails, en un mot, qui enrichissent cet admirable reliquaire. Nous nous contenterons de dire que le portail occidental (dans la position que la châsse occupe habituellement au-dessus de l'autel) renferme un Christ en croix, ayant à sa droite sainte Agnès et trois apôtres, à sa gauche sainte Marthe et trois apôtres ; le portail oriental, sainte Gertrude, ayant de chaque côté quatre apôtres ; le portail méridional, la Vierge avec l'Enfant Jésus ; le portail septentrional, le Père éternel. Indépendamment de quatre séraphins qui dominent les portails latéraux, seize anges sont disséminés autour de l'édicule.
Aux deux côtés de l'autel on conserve, dans des châsses de bois, des reliques du bienheureux Pépin de Landen et de sainte Iduberge. Près de ces châsses sont placées deux grandes statues des parents de sainte Gertrude, exécutées en 1757 par le sculpteur Anrion. Devant l'autel, contre la balustrade en cuivre qui limite le sanctuaire, on lit sur une dalle de marbre blanc encadrée de marbre noir, l'inscription suivante: Reposent en cette Collégiale les très | Hauts et très Puissants Princes, le Ducs | de Brabant, de Glorieuse Mémoire. | Pépin P Père de Ste Gertrude, le 21 Février | l'an 646. | Otthon, l'an 1005. Gerberge sa Sœur, | aiant épousé Lambert Comte de Mons, | et de Louvain, deceda l'an 1016, et luy | l'an 1045. Henri 1er Fils du Comte Lambert j l'an 1038. Lambert son Frère, l'an 1051. | Henri 2e l'an 1068. Henri 3e l'an 1090. | Henri 4e l'an 1095.
La balustrade du sanctuaire avait été cédée à un sieur Lepage, en garantie de 505 florins 12 sous, dus par le chapitre pour fourniture de vin. En 1818, les héritiers Lepage la restituèrent à l'église et consentirent, par une transaction en date du 9 janvier, à limiter à 100 florins le montant de leur créance. De temps immémorial, le chœur était bordé de stalles (sedes seu sedilia), où les membres du chapitre prenaient place. Elles furent ôtées du temps de l'abbesse Elisabeth ; mais une sentence arbitrale, rendue a Louvain, au collège du Faucon, le 1er mars 1520, invita l'abbesse à les faire replacer, comme constituant à la fois un ornement pour l'église et un objet d'utilité. Les formes qui existaient en 1670 remontaient à une époque assez reculée : elles dataient de l'année 1402. Elles étaient doubles, comme elles le sont encore. On comptait trente-huit « hautes formes » ou formes du rang postérieur, dont quatre contre le doxal, c'est-à-dire vers la nef. Les chanoinesses ne pouvaient y prendre place que sept ans après leur sortie des écoles. Les premières, en venant de la nef étaient occupées : celle de gauche (du côté de l'évangile ou des dames), par l'abbesse ; celle de droite (du côté de l'épitre ou des chanoines), par le doyen. Toutes deux offraient des armoiries: ici, celles d'un prévôt de la famille d'Erps ; là, celles du chapitre même. Le prévôt se plaçait à côté du doyen. Seize formes basses, dont deux en avant du doxal, servaient aux curés, chapelains, vicaires, chantres et officiers.
La travée inférieure du chœur, qui a été réunie à la croisée vers le milieu du siècle dernier, est encore bordée de deux lignes de stalles en chêne sculpté. Elles occupent 14 mètres de longueur ; chaque ligne se compose de deux rangs de stalles : celles du haut, au nombre de 20 de chaque côté ; celles du bas, au nombre de 16. Une grille de fer battu clôture le chœur, en reliant les deux lignes de stalles, qui l'ont vers l'ouest un léger retour d'équerre. Vue de la grande nef, cette disposition ne produit pas un mauvais effet; mais elle entraîne inconvénient d'intercepter toute communication entre les deux croisillons du transept et, par suite, d'entraver singulièrement la circulation.
Il serait désirable que l'on rétablît le chœur a son ancien niveau, en relevant la crypte, et que l'on reculât toutes les stalles vers l'orient de manière à dégager la croisée. Il n'y aurait pas grand mal à supprimer, par la même occasion, les boiseries qui surmontent les stalles et se prolongent jusqu'au sanctuaire ; elles servent d'encadrement à 16 tableaux fort médiocres, représentant plusieurs scènes de la vie du Christ et divers sujets religieux. Ces tableaux sont tous du même maître et datent pour la plupart de 1760 ; l'un d'eux (Résurrection de Lazare) porte la signature F. Dumesnil pinxit Bruxellœ 1161 ; un autre (Sacrifice d'Abraham) a été crevé par mégarde et relégué dans la sacristie ; au lieu de le restaurer, on l'a remplacé par une nouvelle toile, signée Philipkin 1848, qui se marie fort mal aux anciennes. Au milieu du chœur, en avant de l'entrée de la crypte, on lit, sur une pierre bleue, encadrée de blanc, qui a été placée en 1727 : Hic jacet a mense | februario anni 1528 i Marbianus Orto | hujus ecclesiœ décernas | alque canonicus qui hoc | feretro œreo aliisque | donis eam decoravit. Ce savant ecclésiastique fut enterré entre les autels de Sainte-Gertrude et de Saint-Pierre, sous une tombe qui avait été disposée de manière à ce qu'on pût y placer une lame d'airain, que l'on ne posa jamais. Marbrien avait été institué par l'abbesse de Langastre son exécuteur testamentaire. La collégiale lui dut un grand chandelier de bronze, à sept branches, qui s'élevait au milieu du chœur, et un pupitre orné d'un aigle, également de bronze, qui servait aux chantres choristes. L'un et l'autre portaient pour inscription : De bonis bonœ memoriœ dominœ Mar-garetœ de Langastre abbatissœ hujus ecclesiœ. Le lutrin actuel, qui est en marbre, provient de l'église des Récollets, et a été cédé en échange par le conseil des hospices (30 juin 1818). Plus près de la nef on voyait, au siècle dernier, le « petit pupitre, à l'usage des dames ».
Le Grand théâtre sacré du duché de Brabant (La Haye, 1734, tome I, 2e partie, p. 10) donne deux planches gravées représentant les tombeaux de Péronne de Fontaines et de Jeanne de Montenaeken, sa mère; ces pierres sépulcrales, qui étaient placées respectivement au milieu du chœur et de la nef, n'existent plus aujourd’hui. Elles portaient les inscriptions suivantes :
1° Cy gist noble Damoiselle perone de Fontaines | fille de Baudewyn de Fontaines fils aisné de Messe Baudewyn, espouse | de Jean de Herzelle escuier laquelle très- | passa l'an XVe et XVIe le XXIIe de Mars, pries pour l'ame (avec l'écu de la défunte et huit quartiers : Hennin, Barlamont, d'Hilly, Bethune ; Montenacke, Meldert, Rêves, Huldeberghe) ;
2° Cy gist noble Damoiselle Jehanne de Monte- | nake fille du vicecomte de Montenake, jadis espouse a noble escuyer Bau | duien fils aisné du Seignr. de Fontaine | laquelle trespassa l'an XVe et quattre le iiije d'Octobre, prie pour l'ame (avec l'écu de la défunte et huit quartiers : Montenake, Rercveke, Meldert, N...; Rêves, Sesere, Huldeberghe, N....).
Le jubé se trouvait jadis à l'entrée du chœur, qu'il séparait de la nef. On y voyait un autel dédié à sainte Cécile, la patronne des musiciens. En vertu d'un contrat en date du 1er mars 1612, les grandes et les petites orgues furent restaurées par le maître organiste Antoine Rombault, pour 100 florins. Le 24 juillet 1640, le chapitre signa une autre convention avec maître Nicolas de Rover, organiste du gouverneur général, qui se chargea de renouveler les orgues, et à qui 600 fl. furent payés le 11 octobre suivant. Avant la suppression de ce jubé, on entrait dans le chœur par deux portes latérales qui existent encore derrière les stalles et sont pratiquées au-dessus des anciennes portes de la crypte.
La grande nef a 46 m. 50 de longueur, y compris le contre-transept voisin de la coupole, sur 11 mètres de largeur dans œuvre. La croisée a la même largeur, tandis que le chœur n'a que 9 m. 65. La voûte est en plein cintre et en briques, comme celle de la croisée; elle a été construite en 1650, aux frais de l'abbesse Adrienne de Lannoy, dont elle porte l'écusson aux trois lions couronnés ; vers la naissance de ses retombées, à la hauteur de 11 m. 70, règne un entablement de style renaissance imité de l'ordre toscan. Primitivement, il n'existait que des plafonds, comme le prouvent les traces de peintures encore visibles aux reins des voûtes et l'absence de contreforts extérieurs. Le vaisseau compris entre la coupole et le chœur est divisé en 10 travées par deux rangées de piliers carrés, les derniers engagés. Ces piliers, épais de 1 m. 20, ont toujours eu leur forme actuelle, sauf les quelques moulures appliquées au siècle dernier; on a prétendu à tort et bien à la légère qu'ils étaient primitivement des colonnes rondes que l'on a transformées en prismes. La grande nef est éclairée, de chaque côté, par huit fenêtres en plein cintre, bordées d'un bandeau. La première travée, en partant du pied de la croix, constitue le contre-transept ; elle a neuf mètres de largeur, tandis que les suivantes n'en ont que la moitié. La cinquième travée correspond aux entrées latérales de l'église. La dixième travée appartient au transept. Les piliers qui suivent les 1ère, 5e et 9e travées sont cantonnés en croix de pilastres fort saillants. Les arcs doubleaux extrêmes sont plus larges que ceux des travées intermédiaires. Anciennement la nef était pavée d'un grand nombre de pierres tumulaires; elles ont été remplacées en 1772 par le dallage actuel.
La neuvième travée, dans laquelle s'ouvre la grille du chœur, est occupée par deux bas-autels ; elle est clôturée par un banc de communion orné de rinceaux de vigne en chêne sculpté et provenant de l'ancienne église des Carmes. A l'autel de gauche, ou du Saint-Sacrement (autel privilégié, où se célébraient tous les offices de la nef, au siècle dernier), se voit une Mater dolorosa ; à l'autel de droite ou de la Vierge (jadis, de Saint-Charles, dit aussi de dix heures), est placé un tableau représentant saint Charles Borromée pendant la peste de Milan. Ces deux autels devraient disparaître, si l'on venait à dégager la croisée ; les besoins du culte n'en souffriraient point, car il resterait encore huit autels dans l'église.
Les cinq premières travées de la nef, en partant de la croisée, constituaient jadis ce que l'on nommait le Chœur de la nef, et étaient bordées, sur les côtés, par une cloison qui faisait retour dans la nef. Devant cette cloison, dans les quatre premières travées, se trouvaient des bancs réservés : à gauche, aux chanoinesses, à droite, aux chanoines et chapelains. Le dernier banc de cette rangée était occupé par le prévôt. Dans l'espace intermédiaire, sur une rangée, étaient disposés quatre chandeliers, dits les Chandeliers des jurés. L'abbesse se plaçait à gauche, sur un siège isolé, et tournant le dos au restant de la nef ; devant elle il y avait un banc pour les échevins ; à droite, également adossés au restant de la nef, se trouvaient les doyens des métiers, et, entre ceux-ci et le prévôt, les jurés.
Contre les piliers compris entre les portails latéraux et le transept sont placées de grandes statues, qui se suivent dans l'ordre suivant en partant de l'ouest : à gauche, saint Thomas, saint Jean, saint André, saint Pierre ; à droite, sainte Gertrude, saint Jacques et saint Paul ; à l'avant-dernier pilier du sud, la statue est remplacée par une chaire de vérité signée Delvaux Ft et représentant Elie dans le désert d'Horeb. Quatre de ces statues sont dues au ciseau de Delvaux, comme nous l'apprend une inscription gravée sur le saint Jacques : « S. Piere, S. Paul, | S. André, S. Jaque | fait par Laurent Delvaux | sculpteur | de la cour | 1750 ». Les trois autres statues sont médiocres ; l'une d'elles est signée Anrion. Il y a quelques années on voyait encore, sous les deux statues les plus rapprochées du chœur, deux banderoles avec les inscriptions suivantes :
1° Donné par très noble et très illustre seigneur | Louis Albert baron de Dongelberge | Et de Corbecque élu prévôt de ce très noble | Et très illustre chapitre le 10 décembre 1750 ;
2° Charle Bonaventure comte vander Noot baron de Schoonhove et Marelz etc. chambellan de | Sa maj : imp : son conseiller d'épée du conseil d'état, grand bailly de Nivelles et du roman | Pays wallon Brabant etc. et Catherinne Philippinne née baronne de Waes, | son épouse, père et mère de Marie Félicité Philip, née comtesse Vander Noot | Chanoinesse de ce très illustre chapitre de Nivelles, ont donné cet apôtre l'an 1756.
La chaire que nous venons de citer est en chêne sculpté ; elle avait été exécutée pour l'église des Carmes ; lors de la suppression de cette église, elle fut transportée à Sainte-Gertrude, et le corps de Delvaux, qui reposait au pied de son œuvre, fut enterré au cimetière Saint-Pierre. Au bas de la chaire on voit Élie dormant appuyé sur le bras gauche ; près de lui se tient un ange portant un pain et ayant une gourde à ses pieds ; derrière eux s'élève un tronc d'arbre qui soutient la cuve, le long de laquelle il se ramifie. Il est fâcheux que cette belle œuvre ne soit pas complètement achevée et que l'on ne remplace pas par un escalier décent l'espèce d'échelle que doit gravir le prédicateur. Nivelles faillit perdre cette chaire vers 1815 ; le doyen l'avait vendue a l'évêque de Namur, pour la cathédrale de Saint-Aubain ; déjà on se préparait à la hisser sur les chariots qui devaient l'emporter, lorsque la régence fit signifier opposition à l'enlèvement.
Une autre chaire de vérité, celle qui fut exécutée pour la collégiale, se remarque du même côté de l'église, à la troisième travée. Elle est en marbre et en chêne et représente Jésus avec la Samaritaine. Ces deux personnages sont séparés par le puits de Jacob ; Jésus est assis à la droite du spectateur, ayant un bras ramené vers la poitrine et l'autre abandonné sur la jambe ; la Samaritaine est debout, les deux mains appuyées à sa cruche, qui est posée sur la margelle du puits. Derrière le groupe, tout entier en marbre blanc, se trouve un arbre de même matière supportant une cuve en bois sculpté; il se bifurque d'abord pour recevoir l'abat-voix, au-dessus duquel il se ramifie ensuite en branches peu gracieuses. La cuve est ornée de trois médaillons de marbre, qui rappellent les paraboles de l'Enfant prodigue, du Semeur et du Père de famille. L'abat-voix, qui est en bois, soutient plusieurs têtes d'ange en marbre. Deux escaliers, bordés de rampes en chêne admirablement fouillé, conduisent à la tribune. Cette superbe chaire a été exécutée par deux artistes : le marbre est travaillé par Laurent Delvaux, de Garid, le bois par Philippe Lelièvre, de Nivelles. Trois inscriptions nous renseignent sur l'origine de ce beau morceau de sculpture : derrière la cuve, à l'intérieur de la rampe qui forme balustrade, est gravée la date anno 1772 ; sur la rampe de gauche, on lit P. Lelièvre ; et enfin, au pied de la Samaritaine est inscrit le nom Lat Delvaux. N'oublions pas de dire que cette dernière statue représente la fille de Laurent, c'est-à-dire Henriette Delvaux , qui devint plus tard madame Baugniet. On a conservé la convention conclue pour l'exécution de la chaire de Sainte-Gertrude ; à cause de l'intérêt qu'elle offre pour l'histoire de l'art, nous croyons devoir la publier d'après l'original que possède M. François Charlier, de Nivelles.
« Cejourd'huy 13 d'octobre 1770 Mademoiselle Vandernoot et monsieur Le Hoye respectivement chanoinesse et chanoine du noble et vénérable chapitre de la collegialle Se Gertrude à Nivelles à ce autorisés par résolution capitulaire du 22 de septembre de l'année courante ont convenu avec le Sr Delvaux sculpteur de la Cour et de son altesse royale pour un groupe de marbre blanc à servir de base pour une chaire de prédication à placer en la ditte collegialle, en la forme et manière suivante. Primes que ledit Sr Delvaux promet de faire et d'exécuter suivant les règles de son art un groupe de marbre consistant en deux figures, dont l'une represente le Sauveur et l'autre la Samaritaine au bord d'un puis, et deriere un tronc d'arbre le tout de marbre blanc statuaire pour servir de base à la ditte chaire de prédication, et être posé sur une plainte de marbre noir ainsy que les deux escaliers suivant le model qui à été vu et agrée par ledit noble et vénérable chapitre.
Que ledit groupe devra être de la hauteur et proportion qui est déterminé sur les blocs de marbre qu'il est actuellement en devoir d'apretter pour ledit ouvrage. Qu'il s'oblige aussy d'exécuter et livrer trois medaillons de marbre blanc en relief, pour être posés dans les trois panneaux de la cuve de laditte chaire d'une grandeur et proportion convenables et representant les sujets dont il sera convenu.
Qu'il sera tenu de veiller et prêter ses soins pour la perfection de l'ouvrage en bois, et d'exécuter le génie qui est au-dessus du ciel de laditte chaire ainsy que les tetes des génies qui entrent dans les ornemens, pourquoi on lui livrera le bois apprelté.
Qu'il livrera aussy à ses frais les trois pleintes de marbre noir dont l'une est pour placer le groupe et les deux autres pour servir de première marche des escaliers, et sera tenu de placer à ses frais en laditte collegialle tous les ouvrages en marbre dépendant de son entreprise.
Au moyen de quoy laditte Demoiselle Vandernoot et Mr le chanoine le Hoye en leur ditte qualité de maitresse et maître de laditte fabrique paieront et compteront audit Sr Delvaux une somme de dix mille florins argent courant pour cet ouvrage et entreprise y compris la livrance du marbre et le model. Acompte de laquelle ajant receu le 12 de juillet 1770 celle de trois mille florins il ne luy reste plus à pajer que celle de sept mille florins, qui luy sera pajé par termes à raison de trois cens florins par an, à commencer le 1 d'août de l'an 1771 et ainsy d'an en an jusqu'à l'extinction de laditte somme restante, de sorte que le dernier paiement échoira le 1 d'août de l'an 1794 et sera de cent florins.
Tout quoy a ete accepte de part et d'autre avec promesse de fidèlement accomplir le présent accord et de ne demander jamais aucun intérêt pour ces sept mille, sous obligation en forme et notamment des biens de laditte fabrique pour assurance du paiement des dittes sommes aux termes limités.
Aiusy fait et convenu le 13 8bre 1770. «Ont signé : Laurent Delvaux, VanderNoot, Js. Le « Hoye ».
Lelièvre demanda et obtint 1.000 florins pour la sculpture en bois, et le menuisier Nicolas Bonnet 1,450 florins pour la façon, la fourniture et l'apprêt du bois (résolution du chapitre, du 22 septembre 1770). Une gravure assez mauvaise de cet objet d'art se trouve dans la Belgique monumentale, tome I, p. 271.
Les piliers de la nef, probablement les plus voisins du contre-transept, étaient jadis garnis d'autels, que le chapitre, de commun accord avec l'abbesse, résolut de démolir, le 9 avril 1681. Celte opération ne s'effectua pas immédiatement; ce ne fut que le 15 juin 1685 qu'on sollicita de l'évêque (qui l'accorda trois jours après) l'autorisation de transférer ailleurs les fondations de ces autels. Il fut alors décidé qu'on dirait :à l'autel du Vénérable les messes de la chapelle ou autel de Saint-Joseph,, dit de Notre-Dame del Gamme et de Saint-Jean-l'Evangéliste ; à l'autel privilégié les messes du bénéfice de Saint-Agnès ; à l'autel de Saint-Michel les messes du bénéfice de Saint-Nicaise ; à l'autel de Notre-Dame des Sept Douleurs les messes du bénéfice de ce nom, dit aussi de Notre-Dame de Pitié ; à l'autel de Notre-Dame des Quinze Degrés les messes du bénéfice de Saint-Nicolas et de Sainte-Gertrude au Pilier ; à l'autel de Notre-Dame du Mont-Carmel les messes du bénéfice de Sainte-Marguerite et de Saint-Jean. Quelques membres du chapitre ayant offert de se charger do la démolition de quatre de ces autels, pourvu qu'on les laissât disposer des balustres, bancs et autres matériaux devenant disponibles, le chapitre y consentit, en enjoignant toutefois de respecter les épitaphes existantes en ces endroits (24 juin 1688).
Ce que l'on appelait l'Image de Sainte-Gertrude au Pilier se trouvait vers le milieu de la nef. Il y avait là anciennement une couche où on déposait les malheureux attaqués du charbon, dans la conviction qu'ils seraient guéris par l'intercession de la patronne de Nivelles. En 1346, le mardi avant la Sainte-Marie-Madeleine , l’écolâtre Nicolas Camus fit un don aux « pauvres malades qui giront en l'église madame Sainte-Gertrude » ; au mois de septembre 1322, le chapitre, du consentement du doyen, Thierri Dulemo, et de la doyenne Helwide de Chamont, « proviseurs des biens des malades dou piler », les gratifia d'une maison située au Marché, et par son testament, l'abbesse Yolende de Steyne laissa dix livres pour acquérir des rentes en faveur des « pauvres malades qui viendront à ce pilleir ». Ces donations presque simultanées indiquent l'époque où prévalut l'usage d'exposer de la sorte les malades ; les légendaires nous apprennent qu'il avait complètement cessé au XVIIe siècle, par suite, disent-ils, de l'extension de l'hérésie, et des habitudes de bienséance, auraient-ils pu ajouter.
Pour terminer la description de la grande nef, il ne nous reste plus qu'à faire connaître deux petits monuments funéraires en forme de portail qui sont attachés aux piliers cruciformes du bas de l'église. Celui de gauche est surmonté d'un saint Hubert, avec la date 1553, qui s'appuie sur un fronton où se trouve le Père éternel ; plus bas s'ouvre une large arcade qui renferme un groupe en haut relief composé d'un grand nombre de personnages et représentant le Christ condamné par Pilate. Ce sujet est sculpté en pierre ; jadis les détails étaient peints et dorés et des volets fermaient le portail. On y lit encore l'inscription suivante : Cy-devant gist sire Hubert Kerssan, chanoine de céans et | chappelain de très noble et vertueuse Dame madame | Marguerite Destourmel, et trespassa le XVII de jung lan | de grâce mil Ve lxxiij, duquel la mère Marie-Henri | gisante en l'église des Cordeliers trespassa le XXVII | de febvrir lan MVe et XXVII.
Au monument de droite, on voit le Christ en croix avec la Vierge et Marie-Madeleine. Des écus armoriés bordaient ce bas-relief ; ils ont été arrachés, mais on pourrait les replacer au moyen de l'inscription : Cy-devant gyst le corps de | feu noble et illustre Damoiselle | Madamoiselle Anne de Crequy | vivante chanoinesse du noble | et illustre collège de madame | Ste Gertrude à Nivelle. Laquelle | trespassa le 14e febvrier 1635. | Prie Dieu pour son âme.
Nous ne dirons rien de deux tableaux, suspendus au mur occidental de la grande nef, qui reproduisent les traits de saint Ignace de Loyola et de saint François-Xavier.
Les collatéraux ont la même longueur et le même nombre de travées que la nef centrale ; comme elle, ils sont recouverts d'une voûte d'arête à nervures croisées et arcs doubleaux ; mais cette voûte est ogivale. Nous avons déjà fait remarquer que les croisillons du transept et du contre-transept s'élèvent à une hauteur intermédiaire entre celles du grand vaisseau et des bas-côtés ; nous devons ajouter une particularité propre au contre-transept, c'est que les nervures, au lieu d'être des croisées d'ogives, sont disposées en tiercerons et bernes ; disons encore que les arcs doubleaux des piliers cruciformes sont plus larges que les autres. Chaque collatéral est éclairé par sept fenêtres en plein cintre, correspondant à celles de la grande nef ; la place de la huitième fenêtre est occupée par une petite chapelle qui flanque à l'est le contre-transept. De belles boiseries, dont le placement fut autorisé par le chapitre, le 4 février 1740, garnissent les murs jusqu'à la hauteur des fenêtres et encadrent douze grands tableaux de peu de valeur ; elles sont interrompues vers le milieu par la saillie des portails latéraux en bois sculpté. Signalons enfin une irrégularité assez fréquente dans les églises du moyen âge : la basse-nef méridionale a 6 m. de largeur dans œuvre, l'autre n'a que 5 m. 70.
Les tableaux de la nef gauche représentent respectivement, en commençant de l'ouest, l'Annonciation, la Fuite en Egypte, la Naissance du Sauveur, l'Adoration des Mages, la Purification et le Sauveur au Temple. Ils sont accompagnés d'inscriptions que nous croyons devoir reproduire, à cause des renseignements qu'elles contiennent sur les titres et qualités des donateurs.
1° Deo Opt° Max° | Donné par Jean-Bapte Le Mercier | licenliez-ès-loix, en mémoire de feu | mr Martin du Try, son oncle I chanoine de cette ille collégiale | qui trépassa le 3 d'août 1741, | le corps duquel repose cy-devant. | Requiescat in pace.
2° Deo Opt° Max° | Donné, 1754, | par le sr Joseph-Adrien Lescart | licencié-ès-loix et Bailly | de la prévoté de ce noble | et vénérable chapitre.
3° François-Philippe Taye, marquis de | Wemmel et d'Assch'e, comte de Marquette et du St Emp. etc. | Brigadier général des armées du Roy d'Espagne, commandant | en chef son infanterie Walonne, son chambelan et comman- | deur de son ordre militaire de St Jacque etc, | ét Caterinne-Louyse de Cotereau, née marquise d'Assche, | son épouse, père et mère d'Henriette Taye, née marqui- | se de Wemmel, chanoinesse de ce très illustre chapre, | ont donné ce tableau l'an 1754.
4° Deo Opt0 Max | Donné en 1745 par très-noble et très-illustre seigr Antoine-Jacque-Marie de Spontin, né comte | de Beaufort, viscomte d'Esglaye et d'Odem-bourg, baron de Freyr etc., etc., élu prévôt | de ce très noble et vénérable chapitre le 23 de Janvier 1745. | En mémoire de Dame Janne de Spontin | prévote de ce très noble et très illustre | chapitre, décédée le 23 de jun 1449 ; fille de | Mesre Robert de Spontin, comte de Beaufort, chevalier | seigr de Wavre, Houtain, Beauraing, Gedinne etc., et de Dame | Sibile de Gavre, son épouse ; et en mémoire de Marie de Spontin | prévote et d'Agnès de Spontin aussi chanse de ce dit chapitre, | fille de Mesre Guillaume de Spontin, Beaufort, chevalier | seigr de Wavre, Houtain, Courière, .Faubec etc., et de | madame Jeanne de Namur.
5° Deo Opt° Max° | Haute et puiste Dame Marie-Anne-Joseph, née des marquis de Salures Bernemicourt, veufve de haut et puissant | Seigr Messire Eustache-Eugenne, Baron d'Asignies, Seigr et Baron de Baillieul d'Asignies, | Meurchin, sire Bertoul et autres lieux, chef de cette noble et très ille Maison, | a donné ce tableau en mémoire de | noble et très ille Demoiselle Catherinne | de Lahameyde, chanoinesse de ce noble et | tres ille chapitre, tante maternelle | à feu ledit seigneur Baron, | laquelle est décédée le | XIV IXbre MDCCXXXIV.
6° Deo Opt° Max° | En mémoire de dame Ide de Looz-Corswarem, chansse de ce très n. et très ille chapitre en 1294, | fille de Messire Arnould |, sire de Corswarem Château-Estienne, chlr. etc. etc., et | de Made Eléonore de Limbourgh , de Lumen etc., Dame de Nyel etc. etc. etc. | Donné en 1741 par très ille et puisst seigr | Charles-Louis-Auguste-Ferdinand-Emmanuel Prince | de Corswarem-Looz etc., des souverains princes et comtes | de Looz et de Hasbaye etc., comte de Nyel et du S Empire, | baron du Maisnîl, d'Éscaus-sinnes, St Remy etc. etc., seigr d'Henrypont, | Trivières, la Folie ;. Huileux, Manissart, etc. etc., | Gentilhomme de la clef d'or et chambelan | de feue Sa M. | etc., au service de S. A. S. | gouvernante gene des Pays-Bas etc.
Les tableaux de la nef droite représentent, en commençant du bas de la croix, le Triomphe de l'Eglise, le Saint-Esprit descendant sur la Sainte-Vierge, l'Ascension de Notre Seigneur, Saint-Pierre marchant sur l'eau, l'Apparition de Jésus-Christ à Saint-Thomas et la Résurrection. En voici les inscriptions :
7° Deo Opt° Max° | Ferdinand-Gaston-Joseph-Alexandre duc | de Croy, comte du Roeux, payr de Hainaut, prince | du St Empire, Grand d'Espagne héréditaire de la | première classe, et Maximilienne-Thérèse | d'Ongnies, comtesse de Coupigny, duchesse de | Croy, son épouse, ont donné ce tableau | le premier de l'an 1743.
8° Donné, l'an 1742, par Monseigneur Paul-Godefroy, comte de Berlo, évêque de | Namur, qui fut élu prévôt de ce très noble et très illustre chapitre le 16e | Xbre 1732, nommé à l'épiscopat le 5e juin jour de la Pentecôte 1740. | Pour mémoire de Dame Ursule | Antoinette comtesse de Berlo et de feue | Dame Louise Angélique comtesse de Berlo, dédée | le 30e XI 1704, toutes deux sœurs du dit | seigneur évêque et chanoinesses | de ce même chapitre.
9° En mémoire de très noble Dame Claire mar- | quise de Vignacour, d'Orton, en son temps prévote | de ce très illustre et vénérable chapitre de Ste Gertrude, décédée le 11 d'août 1701, | donné par sa nièce très noble Dame Anne-Louyse | marquise de Vignacour aussy prévote du même | chapitre, décédée le 19 d'octobre 1743, | dont le corps repose cy-devant. | Requiescant in pace.
10° Donné par Théodore-Ignace de Petimon | chanoine de ce n. et v. chapitre l'an 1740, | en mémoire de sa bienfaitrice très haute | et très puissante Dame Marie-Françoise de Berghes, | abesse séculière de cette illustre collégiale, | Dame et princesse de Nivelle | et du St Empire, décédée | le XXVI IXre M.D.CC.XXIV.
11° Deo Opt° Max° | En mémoire de très haute et très puissante Dame Issabeau de Herzelles, abbesse | séculière de cette illustre collégiale, Dame et princesse de NivelIes et du | St Empire, décédée le premier Xbre l'an MDXIX. | Donné l'an 1740 par très illustre | seigneur Messire Guillaume-PhiP de Herzelles, | abbé de la noble et célèbre abbaye de Ste Ge à Louvain, | de l'ordre des chanoines réguliers de St Augustin, | assesseur et trois fois député ordinaire des seigr | Etats de Brabant, juge et conservateur | des privilèges de l'Université de | Louvain, ensuite nommé à l'évêché d'Anvers et sacré le 19 may 1743.
12° Anno. Praeslat mori quam foedari. 1742 | Donné, en 1742, par | Joseph-Philippe-Hiacynthe duc de Corswarem, né comte | de l'Empire Romain, .
Le portail en bois sculpté qui communique avec le cloître est orné de deux médaillons représentant saint Augustin et saint Grégoire ; on y lit cette inscription : « Très haute et puissante Dame Caroline, née comtesse de Berlaymont, | abbesse séculière de celte église, princesse de Nivelles et | du St Empire, décédée le 4e de mars 1743 ».
Le portail opposé est plus riche : deux belles statues allégoriques le surmontent, indépendamment des médaillons de saint Ambroise et saint Jérôme qui l'ont pendant aux deux autres docteurs, et d'un troisième médaillon, placé à gauche de la porte, qui représente saint Jean Népomucène. Il est aussi accompagné d'une inscription : « 1730. Don fait par Charlotte-Emanuel. née | Baronne de Poelgeest. chanoinesse de Nivelles, | dernière du nom et des armes de cette très illustre | maison, | décédée la dite année le 23 décembre». L'objet d'art le plus intéressant que possède la nef septentrionale est un petit monument en pierre sculptée qui est encastré dans le mur voisin de la porte du cloître et que l'on a eu la malencontreuse idée de peindre couleur chocolat. On y voit Notre-Dame des Sept-Douleurs placée sous un portail et entourée de sept médaillons renfermant des épisodes de la vie du Christ, avec l'inscription : Cy auprès gist sire Salmon | ade cappelain de cest égleise | quy trespassa le 24e jour | de junn l'an XV et LX | Priez Dieu pour son âme.
Contre le pilier contigu à l'autel du Saint-Sacrement est suspendue une tablette en bois doré qui porte l'inscription suivante : « D. O. M. | La fabricq de Madame | Ste Gertrude estant | héritière mobilière de feu | Noble et Illustre Damlle | madamoiselle Elisabeth Duyvê | noirde de Warmonde at faict | vouter ce Chœur D'une partie | de Ses Biens en Sa mémoire Laquelle, | après avoir vescu fort Exemplaire | ment en L'Estat De Chanonesse | de Ceste Eglise L'Espace de 70 | ans, Est Décedée Le 25. de febr | 1647. Le Corps de Laquelle | est réposant proche de | La Chapelle Nostre Dame j de Sept Douleurs». Cette tablette, outre l'écu de la défunte, a huit quartiers : Diiyvenvoirde, Iselsteyn, Maetenes, Woude; Egmont, Spaeingien, Forest, Cats.
Vis-à-vis est placé un tableau représentant sainte Marie d'Oignies, avec l'inscription : «Sainte Marie d'Oingnies, protégez Nivelles votre patrie ».
Un Ecce homo, d'après Rubens, attaché à la paroi occidentale, et un saint Antoine de Padoue, suspendu au dernier pilier, sont les seuls tableaux qui nous restent à citer dans celte partie de l'église. Nous en aurons achevé la description, après avoir dit que la dixième travée (celle du transept) possède un grand crucifix et est obstruée par un ignoble jubé que, déjà du temps du chapitre, il était question de faire disparaître, pour le reconstruire au bas du temple.
Dans la nef méridionale nous n'avons plus à mentionner que trois tableaux : un Couronnement d'épines, à la paroi occidentale ; une Elévation de la Croix, à l'extrémité opposée, contre les stalles ; une Vierge couronnée d'un nimbe étoile, à droite, près du transept. Celte dernière peinture est accompagnée d'une inscription : Dono reverendi Domini Adriani | André canonici hujus eclesiœ | qui obiit décima quinta | septembris MDCCIII. Près de là, se trouve enchâssée dans la muraille une sculpture eu marbre représentant un squelette avec un sablier et un ange dans l'angle supérieur; voici l'inscription qu'on y lit : Icy-devant gist le corps du Sr Jacque | Hailliart, en son vivant secrétaire | de ce noble et vénérable chapittre, | qui trespassa le 28 7bre 1680. | Requiescat in pace.
Au bout de la nef droite, à côté de l'escalier de la sacristie, s'élève un corps de maçonnerie qui fait pendant au jubé ; il supporte un frontispice orné de colonnes torses à rinceaux dorés et surmonté d'une Adoration des mages ; le milieu est occupé par un tableau attribué à Van Thulden, où l'on voit la Vierge et le Sauveur intercédant pour une âme du purgatoire. Cet ensemble un peu théâtral occupait autrefois le maître-autel.
Sous cette construction s'ouvre une cave dont le niveau correspond à celui de la crypte et qui semble avoir servi d'entrée aux alloirs. Nous avons déjà cité à plusieurs reprises ces galeries voûtées, qui constituaient une espèce de promenoir autour du chœur ; on en voit encore des restes dans plusieurs maisons adossées au chevet de l'église et particulièrement dans la cour du libraire Cuisenaire. Les alloirs furent souvent, depuis le XVIIe siècle, occupés par les troupes. Le 18 octobre 1673, le baron de Beauvilliers fut autorisé par le chapitre à y placer des chevaux. Le 13 octobre 1682, le chapitre permit à la ville d'établir le poids public a l'extrémité des alloirs, mais seulement pour quatre à cinq ans. Enfin, en 1746, on convertit cette partie de l'édifice en greniers à foin, mais seulement dans sa partie voûtée, « du côté de l'aile où est la grotte de sainte Gertrude ou vieille église », et non de l'autre côté, qui n'était recouvert que d'un plancher. Les alloirs sont aujourd'hui en partie fermés, en partie convertis en habitations particulières ; ou y pénètre encore, du côté du Marché au bétail, par une petite allée dans laquelle on remarque les restes d'une ancienne porte. Si la nef méridionale n'est pas riche d'objets d'art, en compensation elle possède trois inscriptions fort intéressantes, gravées sur des planches de cuivre.
La première plaque est suspendue au mur de la croisée, entre l'escalier de la sacristie et un confessionnal ; elle a 1 m. 20 de hauteur sur 0 m. 80 de largeur. Au haut se trouvent cinq écussons et une composition gravée représentant sainte Gertrude agenouillée devant la Vierge et l'Enfant Jésus et ayant derrière elle sainte Ide (?) et le démon sous la forme d'un monstre. De la bouche de sainte Gertrude sort une banderole avec ces mots : Jhesu Christe fili dei vivi miserere michi peccatrici. Aux angles sont les animaux, attributs des quatre évangélistes. Plus bas se lit une inscription de vingt-huit lignes, gravée en relief en caractères gothiques, dont voici la transcription fidèle :
+ institucion . et . ordonnanche . de . la . messe . de . XI . heures . ordonnée . par . noble . dame . margarite . de . scornay . | par . la . grâce . de . dieu . abbesse . seculere . delle. église . collégiale . madame . sainte . gertrud . et . dame . de . nivelle . dioce | de . liege . Considérant . que . en . tant . que . on . est. vivant . en . ce . monde . transitoire . on . doit. tousjours . entendre et | labourer . a . fere . mesment alle . exaltation . et accroissement . du divin . office . bonnes et hônouraubles .oevres | qui. soient . resplondissans devât dieu Et . entre . les . aultres . œvres : spirïtueles . desmouvoir . et attraire . tou | tes . personnes . a . dévotion . et . visenter . sainte . église . au . mains . une . fois . le .jour . pour . regracyer . dieu . le . loer | et. pryer . pour. les . âmes . de . tous . les. trespasses et speciaulmët . les . occupes . en . leur . afléres.. et labeurs . pas | sans et allans . par . chemin . et. tous . aultres Icel | e . dame . a ce . regart . par dévotion . meute . a . loneur . de . dieu | nostre . créateur et misericors . rédempteur . de . la . benoite . viergene . marie . la . tresglorieuse . mère . de . madame . sâite | gertrud . sa . patrone . et . de . tous . les . sains . et . saintes . de . paradis . a . ordonne . et . par . ceste . présente . ordône et estaubli | a . cé-lébrer . dévotement . sur . lauite . nostre . dame . situe . deles. la . capelle . sainte . gertrud . vers . les . achintes . des | biauls . hiusses (sic) . de . la . ditte . église . madame . sainte . gertrud . en . basse . voix . perpetuellemêt et_a tousjours . cascun | jour . de . lan . par . les . comuns . capellains dicelle église a XI heures . messe . servant . a . jour . le . propre . messe . ya . et .se | non . le. lundi . messe . de . re-quiem . le . mardi . du . saint. esperit. le. merquedi . de . madame . sainte . gertrud . le . juedi (sic) . du | saint . sacrement. le venredi . de . la . sainte . croix et . le . samedi . de . nre . dame . Et . oultre . ce . de. ossi . canter . en . habit . deglise | a . simple . cant . sur . le . dit. aulte . entre . mâtine . et. prime . atousjours . et . perpetuelement . par . iceux . cômuns | capellains . quatre . aultres . messes . assavoir . lune du . saint . esperit . le . nuit . de . tous . les . sains . lautre . le . jour . sait | jehan . ewangeliste . et . de . celi . la . tierche . le . jour . sainte . margarite . et. delle . et le . quarte . de . requiem . le . jour . saint | marcque . pourveu . que . en . cescûne . dicelles . et. desdittes . messes . de . XI . heures . le . capellain . célébrant. y . dira . ou | chantera une . collecte . de . requiem Et. que . après . XI. heures . sonnées . sans, malengien . le . célébrant . desdittes | messes . sonnera . une . fois . et . puis . se . vestira . et . vient . devant. et . si . vesti .fera sonner . une . aultre . fois En oultre | la. dite . dame .a. especiaulment. ordonné et devise . que . se . faulte . avoit . de . célébrer . lesdites . messes . et fere ce et ensi | que . par . dessus . est . déclare . que . toutes et quantesfois .que . le . capellain . adce . ordonne . pour le jour . qui ceste | faulte . fera . ou . cômettera . en . nom . de . paine . perdera et sera . prive . de . le . vaileur . de . la . portion . ou . quotte . dune . | messe . du . sallaire . sur . ce . ordonne Et . sera . tantost . icelle . faulte . cômise. et . advêne . par . le . recheveur . desdis cômuns [ ca-pellains . distribuée et donnée . a . equale . parchon. a . clerc . de . la . fabricque . et . a . tresorir . pour . le . tamps . de . la | ditte . église .qui. sur . ce . aront et avoir . deveront . côme . a. ce . ordônes . par . la . ditte . dame . a . tousjours . speciaul . regart . | et nieutmains seront .lesdis . comuns . capellains . tenus, de . faire . icelle . faulte . restorer . ensi . quil . ap-partendra.
Cette planche est percée d'un grand nombre de trous ronds qui servaient probablement à retenir un émail noir, remplissant les creux du relief. D'après les détails donnés par l'inscription, il paraît que la messe de onze heures fondée par l'abbesse Marguerite d'Escornaix devait se célébrer dans le croisillon droit du contre-transept, où se trouve aujourd'hui l'autel de Notre-Dame de Hal.
La deuxième plaque est attachée au pilier cruciforme près de l'autel de la Vierge Sous un Christ en Croix entre les deux larrons, on lit cette inscription :
Chydevant gist feu honorable personemaistre Jehan du trilz. Jadis | vicedyen Chantre escolastre et Chanoine de ceste egl(is)e desaincte | gertrud le quel a fondé A cest autel une Messe cotidiane A | célébrer par les chappellainsco(m)munsch(ac)unJourdelan | Alheure de X heures. Avecq ce Encore une Messe chantée de la | saincte Croix ch(ac)ua vendredy de Jan a lautel sainct pierc ou | cuer Dicelle Eglise. Desquelles fondations Iceulx cappellains | En rechoipvent les deniers, le quel trespassa le XIe jour de | Novenbre lan XVe XXXIX . priez dieu pour son ame.
La troisième plaque de cuivre est suspendue à l'autre pilier cruciforme, vers le milieu de la nef. Huit quartiers y sont gravés :
Goldacker , Witzieben , Goldacker, Hopffgarten ; Waldow, Knobelsdorff, Schierstedt, Blauckenfenis. On y lit la longue inscription que voici :
D. 0. M. | ici à côté au pied de L'image Ste Gertrude | en la gtle nef, repose Le corps de très Noble et | très illustre Demoiselle, mademoiselle | Elisabethe Cunegonde Augustine Goldacker i Chanoinesse de ce Noble et Vénérable Chapitre | fille de Messire Burckard Goldacker, Seigr | D'ufhoven Et de Dame helene de Waldow. | Cette Demoiselle née de parents Luthériens | avoit été instruite Et Elevée dans la | religion de Ses père et mère, mais Le | Ciel qui L'avoit formée pour un vaSe | D'Election permit qu'elle ouvrit les | yeux à La Lumière de La Vérité, et les | fermât pour toujours aux ténèbres Des | Erreurs et du mensonge, ce Changement | et Cette Conversion quoi que miraculeuse | dans toutes Ses Circonstances ne Laissa | pas de lui attirer La Colère et L'indignation j de Ses Parens, mais ayant Le Cœur plus | sensible aux attraits de La Grâce qu'a j ceux de La Nature, Elle abandonna Ses | parens et Ses Biens pour ne Suivre que | Dieu Seul, La Divine providence La | conduisit dans Ce Chapitre, où elle a | Donné L'Exemple D'une parfaite humilité | et où elle a été un modèle achevé de toutes | les vertus, par la pureté de Ses Mœurs | Sa parfaite union avec Dieu et par tant | D'autres Dons qu'elle avoit reçus du Ciel | elle a été pendant Le reste de Sa vie Lamour | et Les Délices de Son Chapitre, L'objet de | L'Estime et de La vénération de tout Le peuple ; | Enfin elle mourut Le 29. de Novembre 1690 | En odeur de Sainteté, et Selon L'opinion commune | En véritable Epouse de Jesus-Christ. | Cronique, | goLDaCker ah ton sort est DoUX | tU Vas posseDer ton epoUX. | Requiescat in pace. |
Après nous être occupé des nefs de l'église nous avons à en examiner les transepts et les chapelles en hors d'œuvre. Les croisillons, ou partie du transept, qui déborde les collatéraux, ont, dans œuvre, 10 m. 80 de longueur, sur 9 m. 70 de largeur. Ils sont recouverts d'une voûte d'arête qui les divise en deux travées, éclairées par sept grandes fenêtres; on aperçoit en outre une huitième fenêtre, blindée, dans le mur occidental. Chaque croisillon est flanqué, à l'est, d'une espèce d'absidiole, carrée comme le chœur et renfermant un autel. Ces petites constructions, qui n'ont que 5 m. 80 sur 5 m. 40, sont éclairées chacune par deux fenêtres percées dans la paroi la plus éloignée du chœur. Le bras gauche du transept est connu sous le nom de Chœur des Dames ; le bras droit, sous celui de Chœur du Vénérable. Les autels des absidioles sont respectivement dédiés à Notre-Dame-d'Ittre et à Saint-Joseph.
Jadis il existait, sous le Chœur des Dames, une crypte spacieuse, que l'on appelait la Vieille Grotte (ès cloîtres devant la Vieille Grotte, 1636). Cette crypte, comme celle du chœur, était voûtée et soutenue par de très anciennes colonnes ; ses voûtes souffrirent lors de restaurations effectuées à l'église en 1642 et furent alors rétablies. La crypte du Chœur des Dames avait sa principale entrée par le cloître, près d'un Dieu de pitié ou crucifix dont nous avons parlé, et auquel l'évêque de Namur attacha 40 jours d'indulgences pour ceux qui y prieraient le vendredi et durant a semaine-sainte (15 octobre 1630). Là se trouvaient aussi des degrés ou escaliers conduisant au chœur (« au Dieu de pitié, au cloître, au pied des degrez du « Chœur des Demoiselles »), dont la porte faisait face à l'autel. Suivant une description minutée en l'an 1670, la crypte était enfoncée de cinq degrés et l'on y arrivait par une ancienne structure, dont la voûte était soutenue par quatre piliers. A cette époque, il y avait dans la crypte un autel, avec des messes fondées ; on y voyait aussi des confessionnaux et des chaises. La crypte a disparu au siècle dernier. Déjà, le 2 mai 1750, sur les représentations du chanoine Le Hoye, que les fenêtres n'y « étoient plus en assurance », le chapitre ordonna d'en faire treiller ou griller deux et boucher deux autres. En 1772, on substitua à la grotte deux caveaux qui ont encore leur entrée par le cloître. Ils se composent de deux compartiments voûtés, bordés de niches où l'on déposait les cercueils. Plusieurs de ces niches étant occupées, il est assez étonnant que l'on ait transformé ces caveaux en remises à matériaux.
Ce que le Chœur des Dames offre de plus remarquable ce sont dix-huit grandes stalles en chêne sculpté, semblables à celles de la chapelle de Notre-Dame-de-Hal. La corniche qui les surmonte offre une variété d'ornementation extraordinaire ; elle s'appuie sur des cariatides recourbées en consoles, toutes différentes les unes des autres. Ces belles boiseries ont subi le sort commun et sont cachées sous une couche de couleur rouge; ce qui est plus fâcheux, elles sont mutilées en plusieurs places par les enfants qui se réunissent en cet endroit pour la leçon de catéchisme. On sait qu'elles ont été exécutées en 1566. Ce furent les chanoinesses elles-mêmes qui en supportèrent la dépense, sauf que le chapitre entier leur accorda pour ce travail 19 chênes et 100 florins, à la condition que les chanoines recevraient aussi 100 florins pour « leur librairie, deseur le petit chapitre de Saint-Polle » (septembre 1563). Le 11 août de l'année suivante, l'abbesse donna 100 florins, «pour l'édifice des noeuves formes, que l'on fait au chœur », et le travail fut terminé en 1566, comme l'apprenait une date qu'on y lisait jadis. Ces formes entouraient le chœur de tous côtés, sauf vers l'est; elles étaient garnies de pupitres tournants, y ayant au devant des escrigneries (ou ébenisteries), relevées de deux pieds, assez larges et propres pour pouvoir « s'appuyer des deux côtés et mettre leurs livres» ; par devant étaient d'autres formes plus basses, où les chanoinesses étaient mises en possession de leurs prébendes. Deux formes plus élégantes et plus avancées que les autres, dont elles étaient séparées par un espace de deux pieds; distinguées aussi en ce que les degrés qui y conduisaient étaient au nombre de trois, et non de deux, se trouvaient sur les côtés de l'entrée : celle de gauche pour la prévôté ; celle de droite pour l'abbesse. A un coin des stalles était jadis attaché un vieux manuscrit, intitulé l’Ordinaire des Demoiselles, et qui contenait leurs statuts.
Vers la gauche de l'absidiole, on voyait un ancien autel, dédié à saint Georges. Les tableaux du Chœur des Dames ne méritent pas que l'on s'y arrête ; on y voit l'Immaculée conception, l'Annonciation, ta Visitation, la Purification, la Présentation de Jésus, l'Assomption, le Christ en croix; plusieurs de ces peintures sont De Dehaes. Un autre cadre plus ancien représente le Jugement dernier et porte pour inscription : D. D. R. D. Usmaru & Naret, hujus ecc. can., obiit 5a 7b 1612.
Nous mentionnerons aussi pour mémoire les statues de saint Crépin et saint Çlépinien qui se trorvent à l'autel de Notre-Dame-d'Ittre (la statue de Notre-Dame-d'Iltre fut placée à l'autel de Sainte-Dorothée, par résolution du chapitre, du 13 mai 1685). Neuf épitaphes gravées sur dos plaques de cuivre sont suspendues aux murs du croisillon gauche. Nous croyons devoir les reproduire textuellement.
1° D. 0. M. | icy devant repose | le corps de très noble | et très illustre |Demoiselle mademoiselle | Isabelle Terese De | Berlaymont Chanoinesse | de ce très noble, très | illustre et vénérable | Chapitre de Ste Gertrude | qui trépassa le 30 | aoust, 1714 | Requiescat in pace. Quartiers : Berlaymont, Celles, Brandenbourg, Carondelet; Cotereau Puisieux, Cotereau Westmal, Cotereau Westmal, Wassenaer.
2° D. 0. M. | hoc proximo jacet in tumulo nobilis ac | illustris Domina magdelena francisca | Gertrudis de S,e Aldegonde de Noircarmes | hujus illustris ac venerabilis Eclœsiœ | Collegiatœ Sanctœ Gertrudis Canonissa | quœ a generosis illustrib[us)q(ue) parèntibus | Eugenio de Sta Aldegonde De Noircarmes | Barone de Bours et de Rieulay toparcha | D'Aulne Ober-chicours etc. pâtre, et maria | Helena de La Tramerie mater, Nobilem | orium Duxit, quam omnibus notisimi prœclariq{ue) | animi Doles commendarunt, at, œterno | ut Spes est virtutum fruitura prœmio, | Susceptis pie eclesiœ Sacramentis | obdormivit in Domino 11a mensis | aprilis 1740 etatis Suœ 1740 | Requiescat in pace. Quartiers : Ste Aldegonde Noircarmes, Noyelle, Ongnies, Rossimbois ; La Tramerie, Rernimicour, Chasteler, Carondelet.
3° D. 0. M. | Dans ces caveaux repose le corps | de très noble et très illustre | Dame Marie Françoise Charlotte | Joséphine Barbe de Rodoan de | Boussoit Chanoinesse de ce très | noble et très illustre Chapitre | decedée le vingt-trois mars dix | sept cent quatre vingt un | Requiescant in pace. Quartiers : Rodoan, Franeau D'hyon, La Rivière, Briois, Duchastel, Buirette, La Hamaide, Renard ; Rochaw, Lopez de Villanova, La Margelle, Bocholt, Van Grave, Van derNoot, Vandergracht, Vandergracht.
4° D. 0. M. | Dans ces caveaux repose le | corps de Madame Angeline Charlote | Colette Guilaine De Lalaing | Chanoinesse du très illustre | Chapitre de sainte Gertrude | à Nivelles fille de Messire | Maximilien Comte de Lalaing | et de Thildoncq vicomte | D'audenarde Chambelan actuel | de S. M. l'Empereur et Roy et | Grand Bailly de Courtray Et | de Dame Anne Marie Baronne | de Draeck Dame de La Croix | Etoilée et de Palais de S. A. R. | l'archiduchesse Marie Christine | D'Autriche duchesse de Saxe | teschen Gouvernante Générale | aux Pays-Bas. Elle décédât le | 20 février 1782 âgée de quinze ans | Requiscat in pace. Quartiers: De Lalaing, Rym, De Larchier, D'ennetieres, De Béer, Morrhe, D'overloope, De Boneem ; De Draeck, De Courtewille, Alegambe, Volckaert, Gage, Dekerckhove, De Brune, Le Prévost dite de Basserode.
5° D. O. M. | En mémoire | de Madame Henriette | Taye de Wemmel | Chanoinesse du noble | et illustre Chapitre | de Ste Gertrude à Nivelles | resue le 13. Xbre 1745 | décédée à son Chapitre | le 19. mars 1787 | Pries Dieu pour son ame. Quartiers : Taye De Wemmel, Dentzenhagers de Kontzendorf, D'Ognies, De Berghe S' Winox; De Cotereau Puisieux, De Cotereau Puisieux, De Leefdael, De Vladeracken.
6° D. O. M. | Dans ces caveaux repose | le corps de très noble et | illustre Dame Magdelaine | Françoise Borluut née | en la ville de Gand le | 24. may 1709 Chanoinesse | de cet illustre Chapitre | pendant 60. années | décédée le 4. novembre 1783 | Et gist aussi | au Cimetière de St Pierre le corps de très noble | et illustre Dame Marie | Philippine Borluut | D'hoogstraete Sa Soeur | née en la ville de Gand le | 18 février l'an 1706 Chanoiesse de cet illustre Chapitre | pendant 66. années | decedée le 17. Xbre 1788 | Requiescant in pace. Quartiers : Borluut, Seclyn, Seclyn, Schietere ; De Brune, Le Prévost ditte de Basserode, Le Prévost ditte de Basserode, De Brade.
7°D. O. M. i Cy gissent | Madame Marie Eléonore |Comtesse de Frankenberg | Chanoinesse de ce noble | et illustre Chapitre | née à Ratisbonne | le IV. Juillet MDCCLII | elle a joint toute sa vie | les qualités les plus aimables | de la société chrétienne | aux vertus les plus éminentes | de la religion | elle est morte | le XVIII. Xbre M.D.C.C.XC ; | Et | Madame | R. in. P. Quartiers (outre l'écu de la défunte) : De frankenberg, De frankenberg, De Breuner, De Wagensperg, De hochberg, De Schkoppin, De Schelleudortf, De Solms; Barwitz-De fernemont, De Zierolin, De Lodron, DeWaldstein,De Welizek,Patzinsky-Detentzin, De Santhilier, De Trahotuseh.
8° D. O. M. | Hic. jacet. Balduinus. Bricquet | hujus. ecclesiœ. Decanus | indignus. et. canonicus cujus | anima, incerta quidem | sed. in. spe. salutis. ex. hoc | sœculo. migravit. Corpusque | suurn. hic. inhumari votuit | donec. renovatio.fiat.in | meliorem. et. in. pristinum | statum. immortalitatis | et. incorruptionis. qua. induemur | in. resurrectione. mortuorum | Obiit 10a Septis | Requiescat in pace | 1713.
9°D.O.M. | Icy prè reposent les corps | de DeIle Marie Adrienne Descartes | veuve du sr maurice lehoye | décédée le 24 d auoust 1739 | du sr Humbert Descartes | décédé le 12 d'Octobre 1712 | et de Delle Marie Adrienne Le Hoye | épouse du sr Ferdinand Stalins | décédée le 20 d'avril 1724 | Requiescant in pace.
Ces épitaphes ne sont point les seules que l'on rencontre dans le Chœur des Dames ; le pavement compte encore huit pierres tumulaires, dont voici les inscriptions :
1° D. O. M. | Ci-gist très haut et | très puissant seigneur Jean | Nugent, Milord, comte de West | Meath, ancien pair catholique | du roïaume d'Irlande, décédé | à Nivelles, le 3 juillet 1754 I âgé de 82 ans | R. I. P.
2° D. O. M. | Dans cette collégiale | repose le corps de feu | mr F-J. Emmanuel Dubois | chanoine et r| Doien du | noble et vénérable chapitre | Cet homme exemplaire | charitable et père des | orphelins, fut d'une très | grande assiduité aux divins | offices, joignant aux vertus | les plus épurées et solides | une candeur et affabilité | peu communes | II est mort le 26 9bre 1767 | âgé de 60 ans, chanoine pendant | 30 et doyen l'espace de 15 ans | R. I. P.
3° D. O. M. | Ici près | dans le caveau de la | collégiale repose | le corps de feu mr | Pierre-Joseph Brion | natif d'Obais, chanoine | du nble et vble chapitre | Lequel, après avoir | exercé avec prudence | divers emplois du même | chapitre, mourut regreté | particulièrement des | pauvres, le 30 juillet | 1775, âgé de 52 ans | R. I. P.
4° D. O. M. | Hic jacet | Rdus Dominus Joannes Simeon | Lehoye presbiter ecclesiœ | collegiatœ divœ Gertrudis | canonicus ac magister | fabricœ, qui per multos annos | decorationem domus Dei | egregie promovit, ecclesiœ | sacramentis prœmunitus | piissime obiit 11ma octobris | sexagenarius anni 1773 | R.I.P.
5° D. O. M. | En mémoire | de Monsieur Humbert-Joseph | Le Hoye, licencié-ès-Ioix | chanoine du nble et vble chapitre | de Ste Gertrude. | Son zèle pour la décoration | de cette église, sa charité | envers les pauvres, durant | sa vie et après sa mort, | particulièrement | en faveur de la bonne | maison des Orphelins | l'ont rendu à jamais recommandable [ il est décédé le 20 septembre 1775 | et inhumé à l'oratoire de | Priez Dieu pour son âme.
6°D. O. M. | En mémoire | de monsieur Joseph Le Hoye | chanoine écolâtre de cette | collégiale et maître de l'hôpital | de la ville; digne d'un immortel | souvenir pour sa solide piété | sa constante assiduité à tous les | offices, sa vigilance aux écoles | et son immense charité envers | les pauvres à qui il a toujours | regardé comme dévoué ce qu'il | recevoit de l'église | Il est décédé le 30 décembre 1790 | dans l'exercice de toutes les | vertus chrétiennes, âgé de 38 ans | et généralement regretté. Son | corps repose dans le caveau [ Requiescat in pace.
7° D. 0. M. | Ici gyst le corps de Pierre | J. Charlier, en son vivant | receveur de la fabrique | de la collégiale Ste j Gertrude et de l'état | de St Paul, décédé le 21 | 9bre 1782. Requiescat in | pace.
8° D. 0. M. | Dans les caveaux de cette | collégiale gissent | mr Jean-Baptiste Dept, licentié- | ès-ïoix, bailli de Madame | de Nivelles, princesse du | St Empire etc. etc. | Premier échevin de cette | ville et receveur du spier. | de ce n. et v. chapitre | décédé le 8 aoust 1790 | âgé de 78 ans | et M | R. I. P.
Si nous nous transportons de l'autre côté de l'église pour examiner le croisillon droit ou Chœur du Vénérable, nos regards seront attirés tout d'abord par un grand mausolée appliqué au mur méridional du transept. Ce monument, dû au ciseau de Guillaume Kerricx, de Termonde, représente un large portail de marbre noir au milieu duquel repose un cercueil recouvert du drap mortuaire noir à croix blanche. Au-dessus du cercueil, dans une espèce de niche, sont placées deux statues de marbre blanc, à figures peu nobles, représentant des chanoines en habit sacerdotal, agenouillés l'un vis-à-vis de l'autre. Plus haut on voit un écusson avec les initiales D. 0. M., la devise Tant que vive et l'inscription : Albertus | ex marchionibus | de Trazegnies | hujus ecclesiœ | prœpositus |
Fernando vivens monumentum erexit amoris - Prœposifo fratri, prœpositoque sibi :
Ut vivis mens una fuit, domus una, cor unum, Defunctis unam sic decet esse domum.
De chaque côté du monument se trouve un médaillon de marbre blanc. Celui de droite est accompagné de l'inscription : « D. 0. M. | Icy repose Mademoiselle | Jacqueline de Trazegnies, | fille unique de Messire | Procope de Trazegnies, mort | Capitaine de Cavalerie au | service de sa Majesté Impériale, | et de Madame Louise d'Arragon | issue des Ducs de Terra-Nova | elle mourut le IV. d'Août l'An | MDCLXXX. dans les premières | Années de sa jeunesse, s'estant | desja rendue de ce tendre | eage un modelle de vertu [ que son ame repose | en paix ».
Au-dessous est mise une tête d'ange, puis l'écu de Trazegnies-Arragon. Le médaillon de gauche a pour inscription : « D. 0. M. | Icy repose Mademoiselle | Anne de Trazegnies, fille de | Charles Marquis de Trazegnies, | Prince des Franc Fiefs de Rognons, Pair | de Haynaut, Seneschal Héréditaire | de Liège, et de Madame Adriene de | Gavre, laquelle après avoir este | Chanoinesse de cet illustre Chapitre | bon nombre d'années y ayant laissé de | marques de sa vertu par des fondations | pieuses et par le refus de la premiere dignité de son estât | est decedee le IX. de Iuliet | MDCLXVII. priez Dieu | pour son ame ». Plus bas est une tête d'ange avec l'écu de Trazegnies-Gavre. Entre ces médaillons et le catafalque s'élèvent deux pilastres noirs à chapiteau blanc ; ils sont bordés, à leur côté intérieur, de deux lignes de quartiers en marbre blanc : à droite, Lalaing, Renne-bourg, Montmorency, Egmont, Langlewavrin, Ognies, Licques, Withem ; à gauche, Trazegnies, Werchin, Pallant, LaLaing, Gavre, Rubempré, Lesclatiere, Branddayseau.
Ce mausolée des Trazegnies est flanqué de deux autels : à l'est, celui de Notre-Dame-du-Mont-Carmel ; à l'ouest, celui de Notre-Dame-du-Pilier (au siècle dernier, de Sainte-Anne). L'autel de Notre-Dame-du-Mont-Carmel a pour retable un tableau représentant la Dernière communion de sainte Gertrude ; cette peinture est encadrée dans une espèce de portail en marbre noir, à colonnes, duquel on a enlevé huit écussons. Au bas se lit une inscription en lettres d'or, partagée entre deux compartiments : à gauche, « Cy-devant gist le corps | de vertueuse et noble Dame | Madame Marie-Ernestine de Berlo | en son temps dame prévoste | de ce noble et vénérable collège | de Madame saincte Gertrude | Décédée le XVIe Décembre 1642 » ; à droite, « Et auprè dicelle repose le corps | de Madame Adriene de Senzelle | mère de la dite Dame prévoste | et jadis espouze de feu Messire | Denys de Berlo, seigr de Brus | et Grand Mayeur de la cité de Liège | laquelle mourut le XIIe d'Octobre | 1618. Priez Dieu leurs âmes ».
L'autel de Notre-Dame du Pilier est également orné d'un portail en marbre, dont l'entablement repose sur deux colonnes veinées de rouge et de blanc. Ce monument est couronné d'un médaillon ovale, en bas-relief, où l'on voit la Vierge et l'Enfant Jésus foulant aux pieds le démon. L'entrecolonnement est occupé par un bas-relief d'albâtre représentant la Naissance du Christ, au haut duquel on lit ce verset : Natus est nobis hodie salvator mundi, ideo | cum angelis cantemus gl(ori)a in excelsis deo.
En dessous se trouve une inscription de sept lignes : « Cy-devant gist le corps de noble et très vertueuse Dame Madame | Marie de Hoensbroueck en son vivant Princesse et Dame de Nivelle, | eagée de 80 ans ayant vescu e(n) l’estât abbatial fort laudablement | l’espace de 30 ans, et e(n) estât de chanoinesse 78 ans laquelle trespassat le | 20e jour de juliet A0 1600. Pries Dieu por son âme. En près lade Dame gist | Madamoiseile Caterine de Hoensbroueck sa nièce aussy chanoniesse de cest église | et chapelaine de lade Dame qui trespassa le 11 de febr 1614 lade Dame prévoste ».
Il semble que l'autel de Notre-Dame des grandes tables était jadis en cet endroit, puisque ce fut sur cet autel que Melle de Hoensbroeck obtint, le 18 octobre 1601, la faculté déplacer l'épitaphe de sa parente. Plus lard, quand la fièvre nobiliaire envahit les corporations comme les particuliers, une résolution capitulaire, du 17 novembre 1678, prescrivit d'embellir cette épitaphe, en y insérant ces mots : « princesse et dame de Nivelle ». De chaque côté, sont taillés en relief dans le marbre noir huit quartiers avec l'écu en losange de l'une des défuntes : Hoensbroueck, Corswarem, Licktemberck, Warons, Davre, Widue, Enghien, Gease; Hoensbroueck, Corswarem , Davre, Widue, Merode, Flodroeff, Hoempesck, Quaedt. Devant ces quartiers ou a placé les statuettes en marbre blanc de saint Pierre et sainte Gertrude qui décoraient autrefois le maître-autel. Un autre beau monument, en marbre blanc et noir, est encastré dans le.mur occidental du croisillon. En voici l'inscription :
Très noble et illustre | delle Thérèse Alexandrine | de Bryas fille de Haut et | puissant seigneur | Englebert comte de Bryas | et de haute et puissante | Dame Isabelle Albertinne | d'Argenteaux a été reçue | chanoinesse de cet | illustre chapitre le | 19 Mars mil six cent | soixante dix neuf, | laquelle Thérèse | Alexandrine étoit petite | nièce d'Anne de Bryas | morle aussy chanoinesse | de ce même illustre | chapitre le 17 avril | mil six cent | trente six. Quartiers: Bryas, Immerselle, Nedonchel, Renesse, Cressoniere Licque, Dubiez Grevenbrouck, Rubempré ; Argenteaux, Thiennes. Paton, Renesse, Housbrouck, Rubempré, Arkelle, Rubempré.
Au côté gauche de l’absidiole ou chapelle qui renferme l'autel de saint Joseph, on remarque un monument de marbre noir, à colonnes, orné d'un bas-relief de marbre blanc représentant la Flagellation. Il est accompagné de l'inscription suivante :
D. O. M. | et | Henrico de Régnier | sacrum, | Quis fuerit iste, si petis, lector : | nativitatem habuit in Clabeca, | originem de Castro porciano, | nobili apud Francos familia | vixit avitorum non degener | pius, pacificus, et unicuique | benignus. | Lovanii juris utriusq lauream adeptus | ecclesiae hujus colleg. canonicus | et decanus | consilio , prudentia , moribus , | collegis , et collegio semper praefuit | ac profuit. | Obiit, relictis pauperibus et ecclesia | haeredibus, | prid. idus, martii. anni. CID. IDC. XLIII | aetatis suae LIII. | Requiescat in pace.
Au côté droit de la même chapelle se trouve un autre monument de marbre noir, encadrant un tableau représentant saint François d'Assise. Cette peinture a été successivement attribuée à Léonard de Vinci, à Van Thulden et à Graver. Les écussons du monument ont été arrachés ; l'inscription subsiste :
D. 0. M. | Cy repose le corps de noble et généreux | seigr Messire François D'Audelot | pbre prévost du noble et vénérable | collège de Madamme Ste Gertrud | en Nivelle, lequel trespassa l'an | 1657 le 10 du mois de janvier | Requiescat in | pace.
Le chœur du Vénérable possède quatre épitaphes gravées sur des tablettes de cuivre comme celles qui existent dans le chœur des Dames. En voici le texte :
1° D. 0. M. | Icy devant repose le corps de très | noble et illustre Demoiselle | madmoiselle Ernestine Philipine De | Lens, Chanoinesse de ce très noble | et illustre Chapitre de Ste Gertrude | a Nivelles | fille de haut et | puissant Seigneur, messire François | De Lens Chevalier Comte et Senechal ; de Blendecq etc. et de haute et | puissante Dame, Madame Eleonore | De houchin Longastre ; Laquelle | après avoir donné pendant toute | sa vie des marques éclatantes | de sa charitez vers les pauvres; | de sa vertu et piété exemplaire, | et de son zèle et attachement | infatigable au culte et service | divin ; rendit enfin son ame a Dieu | son créateur : a l'âge de 70 ans | le 16 février 1736 | Requiescat in pace. Quartiers : Lens, Nedonchel, Belleforiere, Nedonchel; Houchin, Longueval, Gavre, Renty.
2° Dobbeislein ; D : 0 : M : | ici git le corps | de Ires noble et tres illustre | Dame maiame Marie Sophie | Thérèse Adolphinne Née Baro(n)ne | De Dobbelstein D'eynenbourg etc. etc. | Prévôté de ce noble et vénale Chapitre | à ses qualités personnelles | elle joignit éminenment | les vertus chrétiennes : | elle fonda un anniversaire | en cette Eglise | pour le repos de son ame | et celles de ses ayeux, | elle emporta dans le tombeau | les regrès de son Chapitre | et de toute la ville, | le XII demars | M.D. C.C. L. I. I. | Priez Dieu pour son ame. Quartiers . Dobbelstein , Horion , Douren, Lafontaine; Westerholt, Westerholt, Reck, Wylack.
3° D. 0. M. | ici reposent les corps de | très nobles el très illustres | Dames madame Anne Caroline | Lucrèce Comtesse D'Ingelheim | et du St Empire et Prévôté | de ce noble et vénble Chapitre decedée le |25 Janvier. 1779 | âgé de 73. ans | Et Anne Philippine Comtesse | D'Ingelheim et du St Empire | sa sœur Chanoinesse de | l'illustre Chapitre de Ste | Waudru à Mons Morte | le 10 d'aoust 1772 | Requiescant in pace. Quartiers (outre l'écusson des défuntes) : D'Ingelheim, De Weiler, De Messelbrum, De Rodenstein ; De Dalberg, De Messelbrum, De Schonborn, De GrieffenClau.
4° Ci-devant, dans la chapelle du | vénérable, gist le corps de Monsieur Christian Joseph Lersch, d'Aix-la-Chapelle, prêtre, cha|noine de ce n : et v | chapitre, et. | licencié-es-droits, qui, après avoir | rempli les devoirs de son état | avec assiduité, et mérité l'es | time et la vénération d'un chacun, décéda le 5 juin 1759 âgé de 30ans | Requiescat in pace | Amen.
Deux autres tablettes du même genre devaient se trouver dans le Chœur du Vénérable, car elles sont citées dans un relevé, fait par le secrétaire du chapitre et certifié conforme le 6 mars 1796 par l'abbesse et quatre chanoinesses, de quatorze « Epitaphes gravées sur cuivre qui se trouvoient placées et attachées à vile dans différents endroits de nôtre Collégiale, et qui n'en furent ôtées, dans le courant du mois de février 1796, qu'ensuite d'un arretté de la nation française, qui ordonnoit, sur peine, de faire disparoître toutes les armoiries des églises ». Nous croyons devoir faire connaître ces deux épitaphes :
5° D. O. M. L'an 1728 et 1729, sont décédées les Daines Marie-Magdelaine et Marie-Catherine-Françoise De Coudenhove de Frayture, sœurs germaines, Chanoinesses de cette illustre Collégiale. Requiescant in pace. Quartiers : Coudenhove, Brialmont, Leefdael, Boshuisen ; Muillen, Namur, Geloës, Berlaimont. 6° D. 0. M. Ici devant repose le corps de très noble et très illustre Deelle mademoiselle Catherinne De Geloes, Chanoinesse de ce très noble et très illustre Chapitre, morte le 16. d'avril 1729. Requiescat in pace. Quartiers : Geloës, Horion, Berlaimont, Berlo; Leefdael, Westerholt, Boshuysen, Leefdael.
Plusieurs tableaux ornent le croisillon droit. Le plus ancien est une peinture sur bois représentant le Christ portant la croix ; on y lit ces deux lignes : Madame de Hoensbroch | Princesse de Nivelle 1600. Au mur occidental se voient la Destruction de Sodome, l'Echelle de Jacob et Tobie avec le poisson du Tigre. Sur l'autel de saint Joseph est une Cène attribuée à Crayer. Contre les parois de l'absidiole sont déposées, sans y être attachées, quatre toiles de Lons qui proviennent de l'église de Notre-Dame de l'Annonciation, la Visitation, l'Education de la Vierge et l'Annonce aux Bergers. Cette même chapelle possède les statues en bois de sainte Gertrude et du bienheureux Pépin son père.
Nous avons encore à visiter, à l'extrémité des nefs, le contre-transept et les deux chapelles qui le cantonnent. Les croisillons du contre-transept ont, dans œuvre, 7 m. 80 de longueur E.-O., sur 5 m. 60 de largeur N.-S. Les chapelles ont 4 m. 35 dans les deux sens ; elles sont, comme les croisillons, recouvertes d'une voûte d'arête a nervures croisées.
Le croisillon septentrional est éclairé par une fenêtre en plein cintre à l'est et à l'ouest; au nord il a deux fenêtres blindées. Il est clôturé par une grille fort lourde de style renaissance. On lui donne souvent le nom de Chapelle de Notre-Dame des Victoires, parce qu'il renferme un autel sous cette invocation ; mais on l'appelle aussi Chapelle abbatiale, ou Chapelle Madame, comme appartenant à l'abbesse, qui venait y entendre la messe dans une espèce de cage vitrée établie en face de l'autel. Déjà en l'année 1215, on mentionne la chapelle de l'abbesse, qui fut longtemps connue sous la dénomination de Haute Chapelle. Elle fut reconstruite aux frais de l'abbesse de Lannoy, qui la fit voûter, paver de marbre blanc et noir, clôturer au moyen d'une balustrade de bronze, et orner d'une « table d'autel merveilleusement peinte ». Une résolution capitulaire du 1 décembre 1650 permit à l'abbesse d'établir sa chapelle en la place allant en son hôtel, étant vis-à-vis de la chapelle d'Ardenelle. Une entrée particulière conduisait de la chapelle Madame à l'hôtel abbatial.
Le retable de cette chapelle est orné d'un tableau de Théodore Van Thulden, représentant le martyre de saint Adrien ; au-dessus se trouve la statue de Charlemagne. Deux tableaux complètent la décoration de cette chapelle : l'un a pour sujet la Fille de Jephté ; l'autre, détestable, montre saint François-Xavier donnant la communion aux sauvages. Les pierres tumulaires de deux abbesses se voient encore dans ce croisillon ; elles portent les inscriptions suivantes :
1° Cygist | Très noble et très illustre | Dame Madame Adrienne de lannoy | Dame et princesse de Nivelle et du St-Emp. | Laquelle après avoir, très louablement regy | Tant le spirituel que temporel de son estât | L'espace de vingt-trois ans et un mois I Voute la neve et aultre partie de ceste église | Donne la grosse Cloche | Et la façon de toutes les aultres | Construit et embellie la présente chapelle | Fondée la bénédiction du St-Sacrement | Les dimanches et pri(nci)pales festes de l'année | Et une messe esdits dimanches | A célébrer a 6 heures à l'autel du St-Sacrement | Est morte le 14 de janvier 1654 | A grand regret de son collège et des bourgeois | Signame(n)t des pauvres | Lecteur prie dieu pour son ame.
2° Ci-git | très noble et très illustre Dame | Madame Ursule Antoinette | comtesse de Berlo de Franc-Douaire | abbesse séculière de cette église | collégiale de sainte Gertrude | Dame de Nivelles et princesse | du saint empire romain. | Elle mérita par ses éminentes qualités | et par ses vertus les plus justes éloges | que sa modestie a ordonné de supprimer | elle étoit née le 21 8bre 1703 | elle fut nommée abbesse le 17 7bre 1743 | elle est morte le 28 février 1774 | Priez Dieu pour le repos de son âme.
La chapelle voisine est dédiée à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle et sert d'emplacement aux fonts baptismaux. C'était autrefois, à ce qu'il semble, la chapelle d'Ardenelle. Dès inscriptions, que nous avons citées plus haut, nous apprennent que ce fut la prévôté Louise de Ricame, morte en 1557, qui fonda la chapelle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, et que le chanoine Tieulber, qui décéda deux ans après, y institua trois messes par semaine. En 1650, on mentionne de nouveau Notre-Dame des Bonnes-Nouvelles, dont on permit alors de retourner l'image du côté de la chapelle Madame (1er décembre). Le 7 février suivant, 1 abbesse donna 600 florins pour « la nouvelle chapelle de Notre-Dame des Bonnes-Nouvelles », et, le 7 avril 1656, le chapitre permit d'y placer, sous la grande verrière, une peinture de l'Annonciation. Cet oratoire a, au nord et à l'est, une petite fenêtre en demi-cercle. On remarque, à l'autel, une bonne Adoration des bergers ; en face est un saint Dominique recevant le rosaire, attribué à Crayer. On a appliqué au mur occidental une admirable boiserie sculptée, composée de trois compartiments sur lesquels ressortent quatre colonnes élégantes. Sainte-Gertrude est représentée sur le panneau du milieu ; sur celui de gauche est un ange; sur celui de droite, Charles-Quint avec la devise : Plus oultre. Cette belle œuvre d'art formait autrefois un confessionnal et était encroûtée d'une couche épaisse de couleur rouge sang.
On vient de découvrir, au mur septentrional de la chapelle, d'anciennes peintures murales que l'on s'occupe de dégager du badigeon ; on y distingue déjà une sainte Barbe avec sa tour, dont l'architecture rappelle le XVIe siècle. Cette trouvaille ayant donné l'éveil, on a fait gratter plusieurs parties de l'église, le jubé entre autres, et l'on a retrouvé presque partout des traces de fresques. Les nervures de la voûte des collatéraux sont ornées d'un dessin en échiquier. Nous signalerons ici les particularités suivantes, précieuses à recueillir parce qu'elles indiquent l'époque où on commença à badigeonner les églises. Le 23 juillet 1663, ordre fut donné par le chapitre de blanchir la collégiale de Nivelles, et cette opération fut renouvelée cinquante ans plus tard, moyennant 800 fl. (12 juillet 1743). Quant à la chapelle abbatiale, on ne la plâtra qu'en 1749, «afin delà rendre plus conforme au restant de l'église ».
Le croisillon méridional, ou chapelle de Notre-Dame de Hal, est fermé par une belle grille en bois sculpté, ornée de balustres et de médaillons. Il reçoit le jour de deux fenêtres au sud ; on aperçoit à l'ouest une fenêtre blindée. On y â réfugié, faute de savoir où les mettre, quinze superbes stalles semblables a celles qui décorent le chœur des Dames. Le tableau d'autel est une Présentation de la Vierge au Temple, par Lucas Franchois. En face est une grande peinture sur bois, à volets, que l'on attribue à l'un des Pourbus, et qui a été restaurée en 4856, comme la plupart des autres tableaux de la collégiale, par M. Etienne Leroy, de Bruxelles. Le sujet principal est le sacre d'un évêque ; le volet gauche représente, à l'intérieur, le martyre de saint Jean l'Evangéliste ; à l'extérieur, saint Jean et l'un des donateurs du tableau ; le volet droit, à l'intérieur, le martyre de saint Etienne; â l'extérieur, saint Etienne et l'autre donateur. Au-dessous se lit une inscription dont le chapitre autorisa le placement, le 26 mars 1640, moyennant le paiement d'une somme de 12 florins: Domini | Joannes Obenus et Stephanis Rouiller \ canonici hujus ecclesiœ posuerunt | quorum prior mortuus est XXna junij | MVIem, posterior XX julij MVIe . | comme
Quos hic egregia depiclos conspicis arte - Hos lapis inscriptus e regione legit, Viventes sociavit amor, socialque sepultos, Ut societ cœlo tu prece flecte Deum.
Le même croisillon renferme, contre le mur méridional, un monument assez bizarre, qui fut distrait, en 4840, du mobilier du serment des canonniers. On y voit la statue de sainte Barbe, placée entre deux colonnes formées d'un canon ; chaque canon porte, plusieurs fois répété, un monogramme composé des lettres P H L ; au-dessus de la sainte est un médaillon avec deux fusils en sautoir et les lettres N L L ; au-dessous une inscription fort courte :
1641 | S. Barbara | V. et mari, ora pro | nobis.
Près de ce monument s'en trouve un autre, en marbres de diverses espèces, dont voici l'inscription :
Miseremini mei, | Miseremini mei, | Sallem vos amici mei, | Adstate, quid properatis ? | Et mea et vestra hic res agitur. | Ego Gerardus de Maeyer | Bruxellis natus, hujus Ecclesiœ quondam Canonieus, | Dominae principisque Nivellensis | Capellanus ad honores, \ Hujus sacelli restaurator, j De collegiomeo et de hac urbe bene meritus | XIIlI Octobris,anno 1646 | Aetatis XXXVI | Scenam vitœ meœ peregi; | Vos agitis vestram, j Agite sed bene. | Nunc valete | Sed mei in precibus memores. | Posuerunt hœredes.
La chapelle qui cantonne ce croisillon est dédiée à saint Hubert. On y fit des travaux de réparation en juin 1603, et le 22 novembre 1639, le chapitre permit d'en changer de place la porte d'entrée, de manière à ce qu'elle fit face à la chapelle de Sainte-Gertrude au pilier, qui était, paraît-il, dans la grande nef. L'autel, au lieu d'être orienté, est adossé au mur méridional ; il a pour tableau une Naissance du Sauveur. Ou ne manquera pas d'y remarquer un groupe en bois sculpté dû à Delvaux ; ce beau morceau se compose de trois personnages et d'un cheval ; il représente la Conversion de saint Paul et provient de l'église dédiée à ce saint. La chapelle n'a qu'une fenêtre, à l'est; elle est fermée par une grille en bois semblable à celle des fonts baptismaux et surmontée d'un agneau pascal.
Nous avouons ne savoir où placer les autels et chapelles suivants : L'autel Saint-Julien. Le 19 mars 1591, le métier de Saint-Eloi fut autorisé à le faire réparer et à y placer l'image du patron du métier, à la condition de laisser la statue de Saint-Julien au côté droit de l'autel, comme souvenir de l'ancien patron de ce dernier, et de fermer la chapelle au moyen de balustrades de bois semblables à celles de la chapelle de Notre-Dame d'Ardenelle. Le 17 janvier 1640, ordre fut donné de démolir l'autel de Saint-Julien, en même temps qu'on prescrivit de blanchir la chapelle de Notre-Dame aux Quinze Degrés. L'autel Saint-Michel, où le métier de Saint-Eloi fut autorisé à faire célébrer l'office divin, à charge d'entretien (14 février 1613).
La chapelle de Saint-Sébastien, qui fut accordée au chapelain du régiment du colonel Ribaucourt, pour administrer les sacrements aux soldats de la garnison (23 janvier 1642).
L'autel Saint-Martin, cité en 1650. Le 6 novembre 1629, l'ancienne table d'autel du maitre-autel fut abandonnée aux membres de la confrérie de Saint-Hubert, pour être placée à l'autel Saint-Martin, ce qui ferait supposer que ce dernier se trouvait dans la chapelle de Saint-Hubert.
Celui des Saints Crépin et Crépinien, ou du métier des tanneurs, mentionné en 1678.
Nous n'avons absolument aucune indication sur l'autel qui occupait autrefois l'abside occidentale de l'église. Seulement, nous savons qu'il en existait, «sous la tour », deux, dont l'évêque de Namur autorisa la démolition, le 3 août 1647. C'étaient ceux de Saint-Fiacre et de Notre-Dame sous le clocher, dont les fondations furent transférées ailleurs.
Ici se termine la description de la collégiale de Nivelles et des objets d'art qu'elle renferme. Il ne nous reste plus qu'à jeter un coup d'œil rapide sur le trésor de l'église et à parler des cloches qu'elle possédait jadis. Les deux salles servant de sacristie sont situées à la droite du chœur, au niveau du sanctuaire; elles sont voûtées l'une et l'autre. Un troisième dépôt existe de l'autre côté du chœur, où se trouvaient autrefois deux salles, la première remplie d'archives, la seconde servant d'école. Les bornes de ce livre ne nous permettent point de décrire les ornements d'église entassés dans les armoires de la trésorerie; nous ne nous occuperons donc ni des merveilleuses guipures, ni des splendides broderies, exécutées en partie par les chanoinesses ; nous nous contenterons de faire connaître sommairement les pièces d'orfèvrerie les plus remarquables.
La minne ou coupe de Sainte-Gertrude jouissait jadis d'une grande réputation ; on s'en servait pour faire boire aux malades l'eau du puits miraculeux de la crypte; mais, le 20 novembre 1629, défense fut faite de l'emporter hors de la trésorerie et de s'en servir pour d'autres que pour les membres du chapitre qui deviendraient malades. Jadis, en Austrasie et en Allemagne, on avait l'habitude de boire ce que l'on appelait la Sinte-Geertruyden-Minne, la Coupe de Sainte-Gertrude, au moment de se mettre en route. On appelait de la sorte, sur son voyage, la bénédiction de la sainte. En 1293 (sic), à l'époque de la bataille de Woeringen, cette coutume fut recommandée dans une vision à un chevalier de Sichem, et, ajoute la légende, un autre guerrier, s'en étant moqué, périt seul dans le combat qui se livra peu de temps après.
Cette célèbre coupe est un large vase de cristal, arrondi à l'intérieur, taillé à facettes au dehors. Il est brisé en treize morceaux, dont deux semblent modernes. Pour réunir ces fragments, on a bordé la coupe d'un cercle en vermeil, sur lequel est gravée cette inscription : Anno d(omi)ni millesimo * quadringentesimo * quarto iste ciphus (scyphus) * béate gertrudis * et soe (suas) matris est ex argen * to decani et capituli * hujus ecclesie benedictus * deus (die) ipso decollacionis * beati Johannis baptiste. La coupe est reçue par dix flammes rayonnant d'un pied octogone en vermeil, à renflement, avec huit petites niches ogivales, qui renferment les statuettes en argent de sainte Gertrude, sainte Barbe, la Vierge, saint Paul, saint Pierre, sainte Madeleine, sainte Catherine et saint Jean. La base a huit compartiments ciselés, sur l'un desquel s'est posé un ange portant un petit reliquaire avec des cheveux de la Vierge. L'ensemble de la coupe a 0 m. 39 de hauteur. On en voit une représentation dans la Vita S. Gertrudis et l'Historia S. Gertrudis, par A-Ryckel.
Le gazon d'Odelard, c'est-à-dire la motte de terre, symbole dont se servit un noble franc, au commencement du VIIIe siècle, pour offrir à sainte Gertrude son domaine de Meerbeek, près de Ninove, est contenu dans un vase de verre sphéroïdal, fermé par un morceau de verre plat et carré; ce récipient est enchâssé dans un reliquaire en vermeil haut de 0 m. 40. La motte de gazon est entièrement desséchée ; elle est accompagnée d'une inscription que l'on ne peut déchiffrer de l'extérieur. Deux statuettes, celles de la Vierge et de sainte Barbe, flanquent le reliquaire ; elles sont placées sous un pignon à crochets, amorti par un fleuron et cantonné de contreforts à pinacles. Au-dessus du gazon est une troisième statuette reposant sur une ogive à contre-courbe et représentant la Vierge avec l'Enfant Jésus. Le pied du reliquaire est muni de deux renflements; le second est orné de six roses au-dessus et six au-dessous, figurant alternativement une fleur et quatre petits cercles à quatre jours. La base est octogone et oblongue.
L'église possède plusieurs ostensoirs, qui sont plus remarquables par leurs dimensions qu'au point de vue de l'art ; elle a aussi quelques beaux calices et ciboires dans le goût delà renaissance. Nous avons remarqué un calice en vermeil d'une forme simple, mais élégante, qui porte l'inscription : Ex dono D. Hizabethae divenvorden Ecle. S. Gert. Canonissae A0 1674. Nous citerons aussi une petite coupe en cuivre, dorée à l'intérieur, chagrinée au dehors, curieuse par l'inscription : Das icasser nahm mich an, als eisen von geburt, dort lag ich in der beitz, bis ich zu kupfer wurd.
En fait de reliques, nous mentionnerons d'abord un fragment du peigne de sainte Gertrude, dans une monture d'argent avec un bout de chaîne. Puis viennent les reliquaires en argent de saint Donat, saint Hubert, sainte Marie d'Oignies, saint François de Saies et sainte Jeanne de Chantal, sainte Gertrude, saint Jean apôtre, saint Joseph. Nous avons ensuite un reliquaire en corne de saint Léonard et une foule d'autres saints, et un reliquaire en cuivre doré contenant des cheveux de la Vierge, des os des saints Pierre, Paul, André, Biaise, de sainte Barbe et des Onze mille vierges, un morceau de la robe de saint Bernard. Nous citerons enfin un reliquaire de la Vraie croix, en forme de croix et orné à sa base de deux peintures sur cuivre : le Père éternel avec le Saint-Esprit et quatre anges; le Christ mort sur les genoux de la Vierge avec saint François d'Assise et sainte Gertrude. Mais l'objet le plus intéressant est un reliquaire provenant de l'église de Saint-Maurice. Il est en forme de bulle, convexe d'un côté, plat de l'autre ; la face antérieure est incrustée de pierres fines et d'émaux; l'autre est ornée d'une croix grecque, sur laquelle on lit une inscription niellée qui nous paraît remonterai! XIIe siècle. Ne pouvant reproduire cette inscription au moyen des caractères typographiques, nous devons nous contenter de dire qu'elle mentionne les reliques du patriarche Isaac, de la Vierge, de saint Maurice et de saint Thomas.
Le chapitre possédait jadis de belles tapisseries de haute-lisse : le 22 mai 1635, ordre fut donné à la prévôté d'en faire exécuter une à Bruxelles qui retracerait les miracles de la patronne de la collégiale. Mme de Lannoy en légua à l'église onze autres, « cinq de personnages et six de paysages », qui furent présentées dans l'assemblée capitulaire du 5 mai 1654.
L'église a possédé une Assomption, qui lui fut donnée, le 20 décembre 1647, pour l'autel de Sainte-Gertrude, et une Sainte-Cécile de Graver, don de Mlle Catherine d'Oyenbrugge de Duras, et qui, après avoir orné le jubé, fut placée sur le même autel.
L'église de Nivelles a toujours eu une sonnerie remarquable, mais nous ne savons rien de ses premières cloches, si ce n'est qu'elles portaient les noms suivants, assez bizarres : Stillet, Trichette, Nonette, Bechette, Visette, Gertrude, Primette, Tierchette, etc. Enlevées et endommagées en 1580, elles durent être refondues. Le contrat qui fut signé le 11 septembre 1586 , avec maître Blaise Zewyn, fondeur de cloches natif de Saint-Omer, pour la fabrication d'un accord de treize cloches, lui alloua, par cent livres de métal, 3 florins 20 patars, outre une diminution de 6 livres, pour amoindrissement. L'année suivante, ordre fut donné de dévaller, c'est-à-dire, de faire descendre la grosse cloche, afin de lui donner une force proportionnelle à celle de ses compagnes (21 octobre). Mais déjà Zewyn ne s'occupait plus de ce travail, qu'il paraît avoir abandonné en partie à son associé, M. Jean Grongnart, en faveur de qui, de son consentement, le chapitre constitua une rente, le 19 août 1589; en partie à M- Hugues le Wis, qui livra des cloches le 5 décembre 1587. Une dizaine d'années plus tard, Grongnard, qui était alors établi à Mons, s'engagea à fournir quatre petites cloches, moyennant 7 1/2 patars par livre de matière mise en œuvre, et à la condition de les maintenir bien sonnantes, pendant un an.
En 1625, l'abbesse s'étant permis de faire sonner la grosse cloche, pour annoncer la célébration d'une messe aux Jésuites, le chapitre, fort mécontent de n'avoir pas été consulté, chargea deux chanoines d'aller au clocher interdire la continuation de la sonnerie. Ce corps prétendait que les cloches étaient sa propriété, l'abbesse n'y ayant nullement contribué. Le conseil de Brabant lui donna gain de cause, en ordonnant que les cloches ne seraient plus mises en branle qu'en vertu d'un ordre commun de l'abbesse et du chapitre (20 juillet 1629). Ce fut sans doute afin de prévenir le retour de pareilles contestations, qu'après l'incendie de la flèche, en 1641, l'abbesse de Lannoy voulut faire les frais de la nouvelle sonnerie, pour remplacer l'ancienne, qui avait disparu dans les flammes. Mais elle provoqua une autre contestation, en ordonnant de placer sur les cloches son titre de princesse de Nivelles. Les fiscaux réclamèrent et se plaignirent au conseil de Brabant ; toutefois, l'affaire resta en suspens et ne fut décidée qu'après plus d'un siècle. On avait d'abord ordonné, pour les cloches, une quête chez les bourgeois 10 mai 1641. Dans le même temps, le fondeur Jean Tordeur se chargea de raffiner le métal encore existant. à la condition que le chapitre lui payerait 2 liards à la livre et fournirait les matériaux nécessaires pour construire un fourneau (1er août 1641) ; à la fin du mois, la quantité de métal qui avait subi l'opération du raffinage était de 17,067 livres.
Ce fut l'année suivante que l'abbesse précisa ses offres, qui furent acceptées (3 juillet 1642). Elle proposa la refonte d'un accord complet de 22 cloches, pesant : la plus grosse 6,000 livres, la deuxième 4,300 livres, la vingt-deuxième 22 livres seulement, et toutes ensemble 23,748 livres. Comme il manquait environ 6,000 livres de métal, l'abbesse se chargea de l'acheter, à 8 sous la livre, soit moyennant 2,400 florins ; elle donna de plus, conformément à l'avis d'un fondeur de Douai, 1 sou 1 liard pour la refonte de tout l'accord, soit 1,480 florins 5 sous ; 379 fl. 4 s. pour le frétillage; 236 fl. 11 s. pour les cordages, ferrailles et autres objets nécessaires, en tout 4,500 florins environ. Une méthode récemment découverte permettait de fondre la cloche de 6,000 livres de manière à lui donner le son qu'elle aurait eu si elle avait pesé 7,000. L'abbesse obtint le droit de faire placer ses armoiries sur la grosse cloche ; les autres portèrent son écusson et celui du chapitre. Des délégués furent alors envoyés à Ninove et à Gand pour s'assurer du son et de l'accord des cloches qu'y avaient exécutées des maitres fondeurs de Nivelles et de Douai (résolution du 15 juillet). Paul Delcourt, qui était sans doute de cette dernière ville, fut d'abord désigné comme le plus expert fondeur que l'on pût trouver (23 du même mois) ; ce fut cependant avec Me Thomas Tondeur que l'on contracta, le 21 avril 1643. Un ferronnier de Mons, Me Noël de Thuyn, se chargea de travailler les gros batteriaus ou battants des cloches, au prix de 6 florins la livre, et de façonner la croix de la flèche, moyennant 7 11/2 patars la livre, outre 1 aime de bière pour les ouvriers (22 août 1643). Les nouvelles cloches, qui ont péri en 1859, furent baptisées par l'évêque Engelbert Des Bois, les 10 et 11 septembre 1644.
La ville avait anciennement, comme nous l'avons dit, une horloge et des cloches ou carillon à l'hôtel de ville ; mais, plus tard, la commune, d'accord avec le chapitre, se servit pour cet usage d'une partie de la collégiale. Dès le 7 février 1594, elle fut autorisée à faire sonner une cloche à l'église, tous les jours, à neuf heures du soir, afin d'annoncer l'heure de la retraite. Le 19 décembre 1609, il lui fut permis de faire sonner le soir une des petites cloches, pendant quarante jours et une demi-heure par jour, « en attendant qu'on eut accomodé un béfroi à la maison de ville». Le 1er juillet 1632, les rentiers et jurés reçurent l'autorisation de placer sur le clocher une cloche et un veilleur, à la condition de répondre du dommage qui pourrait en résulter. Quelques années après, Jean Tondeur se chargea de fondre pour l'horloge (ou carillon) de la ville douze cloches, dont 3 plus grandes et 9 plus petites que celles existantes à l'hôtel de ville; il devait recevoir 3 sous pour chaque livre d'ancien métal employé et 14 sous par livre de nouveaux métal. L horloge même fut abandonnée aux habitants d'Ittre, au prix de 125 livres (9 juillet 1637). C'est depuis lors, paraît-il, que la ville plaça une sonnerie à heures dans la tour méridionale, qui en prit le nom de Tour de l'horloge. J.-B. Stiernau et J.-Fr. Paternostre ayant demandé qu'on y fît des réparations, le chapitre voulut mettre cette dépense à la charge du magistrat, et résolut d'en payer seulement une moitié, avec la clause de non-préjudice (8 juin 1682); mais un jugement du conseil de Brabant ayant, « par provision », repoussé ses réclamations, les travaux nécessaires furent ordonnés (12 juin 1683).
Les obligations réciproques de la commune et du chapitre furent plus rigoureusement définies au commencement du XVIIIe' siècle, lorsque le premier de ces corps renouvela l'horloge, le carillon et leurs dépendances. L'horloge fut placée dans la grosse tour, au-dessus du Trou de Sainte-Gertrude, en-dessous des cloches ; en 1702, la ville se chargea d'établir quatre cadrans et de les entretenir, et le chapitre accorda les cloches nécessaires pour la sonnerie à l'heure, en accord avec les cloches du carillon placé sur la tour de Jean de Nivelles. Un nommé Martin Robert fut choisi pour exécuter l'horloge ; mais, comme il tardait à achever son travail, il fut arrêté au moment où il partait pour Châtelet avec une autre horloge (10 décembre 1704), et, à la suite d'une enquête opérée dans son atelier, les jurés lui octroyèrent, le 13, après avoir mis arrêt sur ses biens, un congé de trois semaines, à la condition qu'il reviendrait ensuite terminer le quatrième cadran de l'horloge de Nivelles. D'après un accord en date du 21 juillet 1706, Robert reçut en tout 1,100 florins pour son travail.
Depuis lors, l'heure sonna au moyen de la grosse cloche, que la ville s'engagea à faire refondre dans le cas où elle viendrait à être cassée par le marteau de l'horloge; la demi-heure était frappée par Jean de Nivelles sur une cloche qui était attachée à côté de ce personnage et qui servait auparavant à indiquer l'heure. L'horloger de la ville ne pouvait se rendre aux cloches la nuit, ni avec de la lumière (convention en date du 30 octobre 1705). D'autres cloches occupaient le haut de la tour et le clocher. Le poids de l'horloge étant tombé plusieurs fois, de manière à faire craindre pour la voûte qui se trouve sous la tour et pour la sécurité des fidèles, la ville et le chapitre prirent l'engagement de payer chacun une moitié des travaux que des accidents analogues occasionneraient (4 juin 1731).
L'incendie de 1859 a réduit en un immense monceau de cendres et de métal la belle sonnerie de l'antique collégiale. La statue appelée Jean de Nivelles a seule été sauvée et se trouve déposée dans le Trou de Sainte-Gertrude. Elle a environ huit pieds de haute et est composée de plaques de cuivre doré travaillées au marteau. Elle offre la représentation d'un guerrier, et, autant qu'on peut en juger, elle date du XVe siècle. Ce dernier fait serait positif si, comme on nous l'a rapporté, l'inscription flamande de la cloche de Jean de Nivelles indiquait qu'elle avait été fondue par un nommé Wagemans, en 1469.
On a répété bien des contes à propos de cette statue de cuivre. Suivant quelques-uns, elle rappelle le souvenir du célèbre docteur Jean de Nivelles. Nous nous bornerons à observer que ce nom de Jean n'est qu'une dénomination banale. Ainsi, un mannequin du même genre, qui se trouve à Saint-Pierre de Louvain, est également qualifié de Maître Jean dans un document .de l'année 1459 ; ainsi encore, à Dijon et dans d'autres villes, les statues ornant les horloges s'appelaient Jacquemon ou Jacques, d'où l'appellation générale de Jaquemart, sous laquelle elles sont connues. S'il fallait attribuer l'origine du nom de Jean de Nivelles à un personnage ayant réellement existé, nous en trouverions cent pour un dans toutes les classes de la société : outre le chanoine dont nous venons de parler, on pourrait citer Jehan le Nivelois, trouvère du XIIe siècle ; un Jehan de Nivelle, maïeur de Braine-le-Comte, en 1489; maître Jehan de Nivelles, exécuteur de la haute justice de monseigneur, dans la ville de ce nom, en 1493 ; Jean de Nivelle, qui possédait plusieurs maisons à Genappe, à la même époque, etc. Jean de Nivelles a servi de prétexte à des proverbes, à des chansons familières, que nous n'essaierons, ni d'exposer, ni d'expliquer, mais nous ne pouvons omettre qu'il a fait l'objet d'un charmant poème en langage wallon, qui a paru récemment.
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