On n'a que des notions imparfaites sur la fondation du prieuré d'Orival, de l'ordre des trinitaires ou de la Rédemption des captifs, qui, suivant Gramaye, fut doté du bois dit depuis d'Orival par Othon de Trazegnies, son frère (son beau-frère ou son frère utérin, sans doute) Godefroid, châtelain de Bruxelles. Les uns font remonter son origine à l'année 1198 et l'attribuent à un noble français, nommé Jean de Matha, le fondateur de ordre même ; les autres prétendent que ce prieuré dut sa naissance au duc de Brabant Henri Ier (ailleurs, on dit Jean Ier), dont le fils, prisonnier des Ottomans, aurait été délivré par le premier chef de l'ordre sans que celui-ci connût la qualité du jeune captif. C'est pourquoi, ajoute-t-on, le prieuré avait pour armoiries écusson de Brabant. Est-il nécessaire d'observer que la tradition semble ici complètement en défaut? De tous nos ducs, il n'y en eut que deux qui allèrent en Orient, Godefroid III, en 1160 et en 1182-1183, et Henri Ier, vers 1196. Les faits cités plus haut ne s'expliqueraient qu'en les rapportant à un bâtard d'un de ces princes.
Orival (ou Val d'Or, Aureavallis) doit son nom à sa situation dans une belle vallée, à proximité du bois du Sépulcre. Ce prieuré avait sainte Barbe pour patronne. Il en est fait mention pour la première fois en 1202, lors qu'un chevalier de Witterzée légua aux religieux l’église et une dîme dans le village de ce nom. Quelques années plus tard, Walter de Saint-Cyr, qui y fit profession, donna au prieuré plusieurs propriétés et notamment la ferme, les terres, les prés, les jardins etc., qu'il possédait à Monstreux. Une contestation s'étant levée au sujet de cette cession entre les couvents d'Orival et d'Aywières, Jean de Nivelles, chanoine d'Oignies, A., chanoine de Nivelles, et G., chapelain e l'église du Saint-Sépulcre, en opérèrent le partage entre les établissements cités plus haut (février 1224).
Maître Jacques Thiebault, clerc, et Rauart de le Hare, valet de Jean Ier, ayant taxé les religieux d'Orival propos de quelques acquisitions qu'ils avaient faites Nivelles, ce duc s'en montra mécontent, et ordonna à ses deux serviteurs de « mettre les religieux hors des escrits et de rendre leurs gages » ; il ajouta que si les bourgeois ne se conformaient pas à ses volontés sur ce point, il enjoindrait à son bailli de Nivelles d'en assurer l'exécution (fenaul ou juillet 1291).
Plusieurs autres ducs de Brabant montrèrent également une grande affection pour les trinitaires d'Orival.
La duchesse Jeanne les exempta de vingt corvées qu'ils devaient par an au domaine, et Antoine de Bourgogne ratifia cette concession. Les revenus de la communauté se divisaient alors en trois parts : la première, consacrée à l'entretien des religieux et des édifices qu'ils occupaient ; la deuxième, affectée exclusivement au rachat des chrétiens pauvres, prisonniers chez les Musulmans ; la troisième, destinée à secourir les indigents, les malades et les mendiants qui affluaient dans les hôpitaux ouverts par l'ordre. Des officiers du duché ayant exigé des corvées du prieuré, qui ne subsistait qu'au moyen de l'exploitation de quelques terres, plusieurs religieux partirent et la ruine de la maison parut imminente. C'est ce qui détermina le duc Jean IV à déclarer, le 27 avril 1425, qu'elle était complètement exempte de corvées, à la seule condition de célébrer pour ce prince, tous les ans, une messe solennelle du Saint-Esprit, qui serait convertie, après sa mort, en messe de requiem. A la suite de nouvelles exigences de la part des officiers ducaux, Philippe de Saint-Pol, pour témoigner de sa « dévotion singulière à sainte Barbe », confirma le diplôme qui précède et celui de Jean Ier (22 décembre 1427), exemple qui fut suivi par Philippe de Bourgogne, le 6 juin 1431, et par Maximilien et Marie, le 10 mai 1479. En vertu des dernières de ces chartes, Orival était assujetti à célébrer une messe de requiem pour les souverains des Pays-Bas et leurs successeurs.
Le 16 février 1430-1431, Philippe-le-Bon autorisa le prieuré à établir un échevinage, dont la juridiction s'étendrait jusque sur les cas de moyenne justice. Sous ce prince, Orival eut pour protecteur Pierre Vander Eycken ou DuChesne, seigneur de Grambais, qui y reçut la sépulture, au milieu du chœur de l'église, en 1448.
Les troubles religieux furent funestes au prieuré, qui, en une année, eut à subir deux dévastations : il fut pillé, le 13 septembre 1578, par les troupes de Don Juan d'Autriche, et, le 17 du même mois, par celles du prince Casimir ou des états.
Le 14 novembre 1675, le magistrat de Nivelles autorisa les religieux à parcourir la ville, accompagnés de dix-sept esclaves revenus d'Alger.
Orival fut compris parmi les couvents dont Joseph II décréta la suppression. Au mois d'août 1784, les religieux quittèrent leur habitation qui, sous la domination française, fut vendue avec 85 bonniers 1 journal de terres, de houblonnières et de prairies, à Paulée, moyennant 240,000 livres (2 prairial an V). D'après un plan dressé, les 15 et 19 mars 1784, par le géomètre juré Dusart, elle couvrait, avec ses dépendances immédiates, un terrain d'un bonnier et trois journaux moins six verges (la verge linéaire comptée à 16 1/2 pieds de Nivelles). On y entrait par une porte faisant face au nord, et s'ouvrant sur une cour, à l'extrémité de laquelle se trouvait un carré de bâtiments. A l'angle N.-E. du carré on voyait l'église ou chapelle et sa sacristie ; à l'angle S.-O., un quartier neuf. Vers le S.-E. se trouvait la ferme, la grange et une autre cour ; vers l'ouest, un jardin potager, des pépinières et plusieurs étangs. Le prieuré a été entièrement démoli, sauf un seul bâtiment, qui était sans doute l'un des plus modernes et qui sert aujourd'hui d'habitation. Sur un pan de mur en ruines on aperçoit le bas d'une fenêtre de l'ancienne chapelle. Les seules dates que nous ayons remarquées en parcourant ces constructions sans caractère sont celles de 1626 et 1752.
Le 30 août 1783, le baron de Lienne, seigneur de Baudémont ; le curé de Bornival, doyen ; les curés de Notre-Dame à Nivelles, de Monstreux et d'Ittre, demandèrent au gouvernement autrichien l'érection de l'église d'Orival en chapelle succursale de l'église de Notre-Dame. Ils firent remarquer l'utilité qui en résulterait pour les hameaux voisins et notamment pour Baudémont, où il y avait trente habitations ; leurs démarches restèrent sans résultat.
Nicolas Van Estveldt, dans l'ouvrage intitulé : Chronycke der Minderbroeders orden, place en l'année 1248 la fondation du couvent des frères mineurs ou frères de Saint-François, de Nivelles ; mais cette date, qui est généralement acceptée, manque d'exactitude. Dès le mois de mai 1232, la chanoinesse Mélisende donna aux frères mineurs un cens de deux sous, et en 1244, cette communauté existait certainement (voir plus haut).
La commune paraît avoir favorisé l'établissement de ces religieux, qui peut-être lui durent l'emplacement de leur couvent, situé entre les remparts et la rue de Charleroi, là où se trouve actuellement l'hôpital général. Aux XIVe et XVe siècles, c'était ordinairement dans leur demeure que la bourgeoisie se réunissait lorsqu'elle se trouvait appelée à délibérer sur des objets d'une grande importance.
Les frères mineurs eurent plus d'une contestation avec le chapitre de Sainte-Gertrude. En 1506, la prévôté ayant fait prêcher dans la collégiale, le jour de la conversion de saint Paul, 25 janvier, par un religieux de cet ordre, mais d'une autre maison, ceux de Nivelles voulurent s'y opposer, firent ôter le drap qu'on avait placé sur la chaire, et vinrent demander au chapitre si la prévôté avait le droit de « faire prêcher ». La réponse fut affirmative, et le secrétaire et le bâtonnier furent chargés d'aller inviter les religieux à présenter, dans les trois jours, leurs excuses à là prévôté.
Par les ordres de Marguerite d'Autriche, une première reforme fut introduite dans ce couvent en l'année 1524. Les frères conventuels ou gaudentes, comme on les appelait alors, y furent remplacés par des observantins ou frères de l'observance. Le père Pierre, qui fut le confesseur de deux des sœurs de Charles-Quint, Eléonore, reine de France, et Marie de Hongrie, et son successeur, le père François Régis, augmentèrent considérablement l'importance du couvent. L'église fut alors rebâtie telle qu'elle existe encore, grâce aux libéralités de Marguerite. En 1534, la ville vint aussi en aide aux cordeliers, à qui elle alloua 12 livres, « en accroissement de leur église».
A cette époque, le magistrat accordait fréquemment aux cordeliers des gratifications, consistant en un certain nombre de cannes ou pots de vin. Il leur donnait d'ordinaire trois cannes lors de la fête de leur fondateur, saint François d'Assise. Il leur en accorda six en juillet 1556, lorsqu'un chapitre provincial des frères de l'observance (pour la province de Flandre) se tint à Nivelles, et il alloua une gratification semblable au gardien du couvent qui fut choisi pour provincial. En 1565 (selon d'autres documents, en 1568), un nouveau chapitre provincial se réunit à Nivelles. C'est vers l'année 1540 que les « cordeliers et fremineurs » commencent à figurer parmi les personnes exemptes de payer les assises.
Nous avons dit ailleurs combien le couvent eut à souffrir des troubles du XVIe siècle. Sauf l'église, qui devint, pendant quelques mois, un temple protestant, les bâtiments furent abattus en 1580. Au mois de juillet 1587, l'église fut réconciliée par l'évêque de Namur, François de Wallon-Capelle, qui avait été gardien du couvent. Mais les fonds manquaient pour rétablir les autres bâtiments, et le gardien, Jean Moullart, était poursuivi pour le payement d'une somme de 1,000 florins. Le 26 juin 1585, la ville lui avança cette somme, à condition qu'elle lui serait remboursée en dix ans, et qu'on en employerait le montant à la « réfection du couvent ». Les travaux commencèrent l'année suivante, sous la direction du gardien François Danis, natif de Nivelles, et furent activement poussés. A cette époque, la ville autorisa les religieux à fermer une ruelle allant aux remparts et qui séparait leur couvent de la maison d’un nommé Jean Duhou, en stipulant qu'ils ne pourraient y bâtir (23 mars 1601). Plus tard, elle leur accorda 60 livres pour la grande verrière de l'église au-dessus du portail (26 avril 1619), somme qui fut ensuite portée à 200 fl., à la condition qu'on placerait sur la verrière les armoiries de Nivelles et une inscription commémorative (mois de mai de la même année). Cette verrière se trouvant en mauvais état, la commune donna 5 pistoles pour en effectuer la restauration, à la condition qu'on rétablirait les armoiries et les inscriptions qui s'y trouvaient auparavant (12 septembre 1759).
En 1598, les récollets succédèrent aux frères de l'observance, à Nivelles, et bientôt ils s'y trouvèrent au nombre de cinquante, dont trente prêtres. Leur premier gardien fut Nathaniël Le Sage. Les récollets jouissaient à Nivelles d'une grande influence. C'était ordinairement l'un d'eux qui remplissait à la collégiale les fonctions de prédicateur; à ce titre, il recevait de la ville 50 florins tous les ans.
Le don au couvent, en 1619, de quelques reliques des martyrs de Gorcum, c'est-à-dire des récollets tués dans cette ville pendant les troubles de religion, fut l'occasion d'une grande fête pour toute la ville. Le magistrat appela aux armes les habitants et donna aux religieux un poinçon de vin. Le jour de la Pentecôte, 19 mai, la communauté se rendit à Bois-Seigneur-Isaac pour y chercher les reliques ; au retour, elle fut accompagnée par les religieux de ce couvent et par sept à huit curés des environs. A mi-chemin, elle rencontra les compagnies bourgeoises, qui la saluèrent de salves de mousqueterie. A la porte Del Vaulx, elle trouva l'abbesse, le chapitre et les trois membres, qui l'attendaient, des torches ardentes en main. Là, les reliques, que les religieux avaient portées depuis Bois-Seigneur-Isaac, furent remises aux chanoines, qui les portèrent, à tour de rôle, jusqu'à la collégiale. On les exposa sous le doxal, sur un bel autel élevé pour la circonstance. Le lendemain, il y eut une messe chantée par l'abbé de Villers, et un prêche par l'abbé de Nizelle ; l'après-midi, à la suite des vêpres, les trois membres et un grand nombre de bourgeois escortèrent les reliques jusqu'au couvent. Le 15 mars 1620, les membres de la ville ordonnèrent : «que sera payé et donné à Gérard de Marche, peintre et poète namurois, pour un poëme sacré du triumphant transport des sainctes reliques des glorieux martirs de Gorcum au couvent des recollectes en ceste ville, par luy composé et dédié aux trois membres, la somme de vingt cinq florins une fois, tant pour les frais de l'impression que pour une courtoisie, à prendre sur les moyens généraux ».
En 1631, la ville, à la demande des récollets, leur accorda 200 florins, en considération du chapitre provincial qui devait se réunir à Nivelles le 26 septembre, et qui ne s'y était plus tenu depuis l'année 1568. En 1723, les récollets ornèrent leur église d'une horloge. La ville leur donna, pour la sonnerie de l'heure, une des cloches qu'elle avait fait fondre en 1637, par Jean Tordeur, et qui était devenue inutile (résolution du 5 février). En 1787, la communauté n'avait que 374 florins 14 sous de revenus, tandis que ses dépenses s'élevaient à 15,090 fl. : 13,630 fl. pour l'entretien de 34 prêtres et de 13 frères lais ; 1,600 fl. pour deux domestiques et deux sous-syndics. Le déficit était couvert au moyen d'aumônes, de quêtes etc.
Le 1er vendémiaire an V, les religieux quittèrent le couvent, qui fut vendu, le 13 ventôse suivant, moyennant 43,000 livres ; l'acquéreur, Nicolas Mantels, ancien récollet de Louvain, agissait en qualité de mandataire de ses confrères de Nivelles. Depuis, les derniers survivants de ceux-ci en ont fait don aux hospices de leur ville, qui y ont établi un hôpital général, à la fois hôpital et hospice. On trouvera à l'article Charité une description du couvent et de sa belle église.
Un ordre qui n'eut qu'une courte existence et dont la règle fut condamnée par le pape Grégoire X, celui des Servites, faillit s'établir à Nivelles. Il y fit bâtir un couvent, en élevant la prétention d'y donner la sépulture aux personnes qui en manifesteraient le désir. Le chapitre ayant refusé son assentiment à cette nouvelle fondation, le chapitre de Liège enjoignit d'en démolir les bâtiments (samedi après la Division des apôtres, en 1270). Ces derniers, suivant toute probabilité, furent utilisés par les guillemins, dont l'établissement remonte à la même année.
En 1267, deux religieux de l'ordre de Saint-Guillaume, nommés Julien et Walter ou Gautier, et appartenant au couvent dit de la Wastine près de Biervliet, depuis transféré à Bruges, arrivèrent à Nivelles. Ils y furent accueillis avec beaucoup d'empressement par un bourgeois, qui leur donna, pour y fonder un monastère, sa demeure, située en Chaudesrue (ou rue de Soignies). L'abbesse et le chapitre s'opposèrent d'abord à cet établissement, mais ils consentirent ensuite, à des conditions que le prieur provincial des guillemins, Jean, accepta, au mois de novembre 1270. Plus tard, la nouvelle maison religieuse, placée sous l'invocation de sainte Catherine, fut transférée au faubourg de Soignies, grâce à la générosité d'Othon, seigneur de Trazegnies, dans un emplacement peu éloigné des remparts et très voisin de la Thines.
Nous avons dit les dangers que courut le couvent vers l'année 1575. En 1579, il était abandonné par les religieux, et on voit à cette époque le chapitre, en qualité de surintendant de la communauté, donner en location (le 4 septembre) les biens qui lui appartenaient. Quelques années après, pendant les troubles de religion, on en détruisit les bâtiments et l'église, qui furent réédifiés en 1598, grâce aux soins du prieur Nicolas Pretherbu. L'abbesse de Hoensbroeck légua aux guillemins une rente annuelle de 80 florins, à charge de célébrer, tous les dimanches, jours de fête et autres jours désignés, une messe basse, qui devait se dire au chœur des Dames, dans la collégiale, après la grand’messe. Les moines tenaient de jeunes pensionnaires, auxquels ils donnaient les premiers éléments de l'instruction avec quelque succès. Plus d'une fois cependant, et, notamment, le 28 avril 1562, il leur fut défendu de tenir école.
Le prieuré fut supprimé par Joseph II en 1784. Son dernier chef, dom Paul Fontigny, se retira au moulin de Béreau, où il mourut le 8 octobre 1788. Les bâtiments servirent temporairement de caserne, en 1792. Vendus par la république française le 3 pluviôse an V, à Barthélémy Lejeune, ancien religieux, pour la minime somme de 1,200 livres, ils ont été abattus et remplacés par la belle villa de M. D. Bomal.
D'après un plan signé Dusart et daté des 11, 12 et 15 juin 1784, l'habitation des guillemins comprenait, avec ses dépendances, 1 bonnier 1 journal 65 verges. Elle s'étendait depuis la chaussée vers Soignies jusqu’au delà de la rivière. On y arrivait par une avenue partant de la chaussée, et dont l'entrée était contiguë à Bellegrade, auberge qui appartenait au prieuré. Les bâtiments conventuels formaient un carré, dont le pourtour intérieur était occupé par le cloître, qui entourait un préau. L'église, où le chapitre autorisa, le 24 novembre 1714, l'érection d'une confrérie de Saint-Roch, se terminait par une abside à trois pans. Vers l'ouest, le long d'un coude que formait la Thines et qui a disparu depuis, s'étendaient les écuries, la brasserie et d'autres édifices de peu d'importance. Dans les autres directions, on ne trouvait que des jardins et des prairies, entremêlés de petits pavillons, d'étangs, de pépinières et d'oseraies.
Sous le règne des archiducs Albert et Isabelle, si connus par leur ardente piété, plusieurs ordres religieux essayèrent de s'établir à Nivelles. Si les annonciades et les jésuites réussirent, comme nous le verrons plus loin, il n'en fut pas de même des capucins et des minimes.
L'opposition partit principalement des récollets, qui étaient en possession de temps immémorial, du droit de prêcher, de quêter et de planter la croix, dans la plupart des villes de la Belgique wallonne. Ces religieux firent valoir que Nivelles était une ville très pauvre et très petite, et que l'établissement des capucins serait à la fois préjudiciable à leur propre communauté et onéreux aux habitants. Cependant, le 14 mars 1614, les archiducs écrivirent au magistrat qu'ils auraient pour agréable de voir les capucins reçus à Nivelles, et, quatre jours après, le chapitre consentit à cette admission. Mais les réclamations s'étant élevées plus énergiques, Albert et Isabelle revinrent sur leur décision, le 18 avril, en considération de la pauvreté de la ville, qui était déjà suffisamment grevée par les récollets. «Notre intention, dirent-ils aux magistrats de Nivelles, est que vous refusiez de recevoir les capucins». Néanmoins le chapitre consentit à ce qu'ils assistassent aux processions générales (16 octobre 1614, et de nouveaux efforts furent faits en leur faveur, en même temps qu'on s'efforçait d'introduire leur ordre à Soignies, à Maubeuge et à Beaumont. Une remontrance fut adressée à nos souverains par le supérieur de la province de Flandre, de l'ordre des récollets, et par les pères gardiens de Binche, de Nivelles, et de Saint-François-sur-Sambre près de Châtelet. Les archiducs l'accueillirent favorablement et défendirent d'établir de nouveaux couvents, sinon suivant la forme prescrite par la bulle du pape Clément VII, du 23 juillet 1603, et à la suite d'un octroi obtenu du conseil privé (19 janvier 1617).
Cette déclaration venait à peine de paraître qu'il fallut statuer sur une demande d'admission adressée par les minimes. L'abbesse ayant abandonné aux trois membres de la ville la décision de cette affaire, ils refusèrent, en alléguant la pauvreté des habitants et l'édit que nous venons de citer (22 juin 1617).
En 1678, les capucins firent une seconde tentative. Ils offrirent de rembourser les 8,000 livres que les carmes avaient avancés au trésor pour obtenir du gouvernement l'approbation de la fondation de leur couvent ; ils promirent qu'ils obtiendraient au préalable la révocation de cette approbation, qu'ils ne seraient jamais qu'en petit nombre ; en outre, ils s'engagèrent à repartir, si le chapitre l'exigeait. Quoique présentée et appuyée par les curés de Nivelles (9 août 1678), leur requête n'obtint pas de solution favorable. Le chapitre ne l'accueillit que par un refus (30 avril 1685).
Peu d'années après le rétablissement de la domination espagnole à Nivelles, les pères de la société de Jésus vinrent habiter cette ville. Dès le 10 juin 1593, ils y furent autorisés par le chapitre à prêcher dans la collégiale, à la grand'messe, durant l'octave du Saint-Sacrement, sauf que, le jour même de cette fête, leur sermon devait être prononcé après le salut. Quelques semaines plus tard, on leur permit de prêcher et de catéchiser, mais seulement à titre précaire et sans que cela pût tirer à conséquence. Le 27 septembre de la même année, on leur octroya encore la faculté de prêcher, le matin à sept heures, pendant l'octave de la Saint-Michel.
Toutefois, il se passa encore près de vingt années avant qu'une maison régulière pût se fonder. L'ordre en dut la création à la prévôté de Hoensbroeck, qui lui laissa, le 14 février 1614, une habitation et des biens valant plus de 3,000 florins (d'autres disent 1,600 fl.). L'abbesse de Hennin favorisa également les jésuites, auxquels elle donna de 6 à 700 fl. ; mais leur principale bienfaitrice fut l'abbesse de Zuylen d'Erpe, qui succéda à celle dame. Avant son élévation à l'abbatialité, elle avait montré le plus grand zèle pour la société de Jésus, et elle avait déterminé le provincial Montmorency à envoyer quelques pères à Nivelles. De l’année 1618 à sa mort, qui arriva le 1er juillet 1630, elle ne cessa de gratifier la compagnie de ses dons, qui s'élevèrent en totalité à 33,486 florins. Par son testament, elle demanda que ses restes reposassent, non dans la collégiale, à laquelle elle ne fit aucun legs, mais à Saint-George, où ils furent déposés devant le maître-autel. Nous avons vu plus haut que l'église de Saint-George était devenue, le 9 décembre 1620, la propriété des jésuites. Vers la même époque on leur confia, au séminaire, la direction des classes d'humanités, à l'exclusion des prêtres séculiers qui y avaient enseigné jusqu'alors, et on leur assigna sur les revenus de cet établissement une rente annuelle de 700 florins (2 avril et 4 octobre 1624). Dans la suite, en place de cette rente, l'évêque Jean de Wachtendonck leur céda les biens et la collation des bénéfices suivants : Saint-Pierre et Saint-Paul à Waret-la-Chaussée, Saint-Côme et Saint-Damien à l'église Saint-Loup, de Namur, Sainte-Marguerite à Lesves, Saint-Laurent à Leuze (en Namurois), Saint-Nicolas à NovilIe-sur-Méhaigne, Saint-Nicolas à Hannut, Sainte-Catherine à Céroux, plus une rente de 190 fl. sur les états du Brabant et un canonicat à Moustier (transaction en date du 13 juin 1639, approuvée par le général de la compagnie, le 2 août suivant ; par un décret épiscopal, le 23 mai 1660, et par une bulle d'Alexandre VIII, le 13 août 1661).
Le 11 septembre 1650, le corps de saint Crescent, martyr, fut solennellement conduit au couvent, accompagné du chapitre et des bourgeois, qui allèrent le recevoir à la porte de Mons. Le 29 octobre 1712, le chapitre autorisa les jésuites à ériger dans leur église une confrérie des saints anges gardiens.
Les bénéfices cités plus haut auraient dû rapporter, par an, 500 florins ; mais leur revenu, vers la fin du XVIIe siècle, ne dépassait pas, d'ordinaire, 81 florins 19 sous, et, dans les meilleures années, 300 fl. Les charges et les dettes allant, au contraire, en augmentant constamment, le couvent dut réduire le nombre de ses membres à quatre ou cinq pères, dont deux seulement pouvaient se livrer à l'enseignement. Pour en entretenir un troisième, il fallut recourir à la ville. Le 14 juin 1624, elle avait accordé aux jésuites un subside annuel de 200 florins, en considération de ce que le nombre des écoliers s'étaient tellement accru (jusqu'au nombre de 200 environ) que chaque professeur avait dû se charger de deux cours ; mais bientôt des jours de détresse survinrent, et la bourgeoisie, accablée d'impôts, décida, par une résolution de ses chefs, de supprimer celte allocation (22 juin 1629). On la rétablit cependant, quant le collège s'appauvrit (19 octobre 1699, 20 septembre 1700, etc.), et la ville se chargea encore de fournir des prix pour les élèves. On avait alors l'habitude déjouer des comédies lors de la distribution des prix ; à plusieurs reprises, ces pièces de théâtre furent dédiées aux jurés (notamment, le 1er août 1719), dans le but de les disposer plus favorablement pour le collège.
Le couvent fut fermé le 20 septembre 1773, la direction du collège passa à d'autres mains, et les bâtiments furent vendus et démolis. Sur leur emplacement, qui occupait tout l'espace borné par les rues des Conceptionistes, de Saint-George et de l'Evêché, on perça la rue Neuve. L'entrée principale se trouvait en face de l'évêché. Quant à l'église, elle s'élevait près du couvent des Conceptionistes, dans la rue Saint-George. On en enleva les ossements de l'abbesse de Zuylen, qui furent transportés dans les caveaux de la collégiale, en vertu d'une résolution du chapitre, du 23 août 1777.
Après le rétablissement de l'ordre, la ville de Nivelles parut propre aux jésuites belges pour l'établissement d'un noviciat ; dans l'été de 1831, ils y achetèrent, au faubourg de Mons, n° 1, la maison qu'avait bâtie la comtesse de Baré de Comogne, et obtinrent en don le château de Grambais ; cette cession ayant été attaquée en justice, les novices qui s'étaient provisoirement fixés à Grambais revinrent dans la maison de Mme de Baré, qu'ils quittèrent pour aller occuper l'ancienne abbaye de Tronchiennes, dès le mois de septembre 1837, parce que leur demeure n'était pas assez vaste. Il n'y resta que quelques prêtres, jusqu'en 1855, qu'elle fut vendue à M. Radelet.
Ce ne fut qu'au XVIIe siècle que les carmes réussirent à s'établira Nivelles à prix d'argent, comme nous le verrons. On trouve des détails très curieux, à ce sujet, dans un manuscrit intitulé : Nottes historiques sur l'établissement des pères chaussés dans les Pays-Bas, et taxativement l'établissement du couvent des dits pères à Nivelle, en Brabant. En 1663, la province de Flandre, de l'ordre des carmes, fut partagée en deux parties : la province Flandre-Belgique et la province Wallonne-Belgique. Celle-ci étant peu considérable, le père Albert de la Mère de Dieu, fils aîné de Charles de Lannoy, comte de Cernay, conçut le projet d'en augmenter l'importance. S'étant rendu à Saint-Omer, en 1675, pour y rendre visite à sa tante, la comtesse de Marie, et à son parent, le prince de Robecq, gouverneur de la faible fraction de l'Artois que l’'Espagne avait conservée, il s'y concilia l'amitié de M. de Saint-Venant, gouverneur de la ville, du président du conseil d'Artois, Simon, et des principaux habitants, et il en obtint un terrain pour y bâtir un couvent, au faubourg de Haupont. A Bruxelles, le gouverneur général duc de Villa-Hermosa et les ministres lui accordèrent sans difficulté l'autorisation nécessaire, mais ils soulevèrent quelques objections lorsque le zélé religieux proposa de fonder un autre couvent, à Nivelles.
Toutefois, on lui fit entendre que le gouvernement se montrerait facile, parce qu'il lui fallait de l'argent pour rétablir les fortifications de quelques localités ; les religieux eurent bientôt trouvé une somme de 16,000 florins ou 8,000 livres de 40 gros, que l'on accepta, en affectant de la considérer comme un prêt.
Un premier décret, du 18 mars 1677, et un octroi, du 19 mai suivant, autorisèrent les carmes à acheter à Nivelles un bonnier de terrain pour y bâtir une église et un couvent, et les exemptèrent de payer au domaine une reconnaissance ou cens ; mais des réclamations multipliées s'élevèrent aussitôt, ce que les carmes attribuèrent aux récollets, qui craignaient de voir diminuer leur influence et leurs ressources. Les trois membres du magistrat représentèrent inutilement la petitesse de la ville, les charges qu'imposaient déjà aux habitants les autres couvents, dont la population totale comprenait 170 personnes (outre les guillemins), le peu d'étendue du territoire assujetti à payer l'impôt (27 mars 1677). Le chapitre protesta à son tour : après avoir fait observer que les carmes auraient dû d'abord s'adresser à lui, il allégua que Nivelles possédait déjà quinze églises, peu fréquentées à cause de leur nombre, que les récollets et les jésuites subsistaient, avec difficulté, que les carmes n'étaient pas nécessaires etc. (20 août 1677). Les carmes ayant répandu un écrit « que l'on trouva choquant et injurieux » le chapitre y répondit (8 octobre suivant).
Tout fut inutile. Le conseiller de Herzelles, muni d'ordres dépêchés au camp d'Alost, le 19 juillet, était venu à Nivelles, et là, avait arraché au magistrat une résolution approbative, basée sur ce grave considérant : « attendu que le service de Sa Majesté le requiert » (23 juillet). Le pays était aux abois, et au lieu de tout sacrifier pour le défendre, on faisait une affaire capitale de l'établissement d'un couvent de carmes.
De son côté, l'évêque de Namur permit d'ouvrir la chapelle conventuelle et d'y dire la messe. Mais les carmes prétendirent célébrer l'office divin pour le public, ce qui leur fut interdit, sur la réclamation des curés (14 novembre 1678). Continuant toujours leurs empiétements, les religieux firent placer une cloche, ce qui souleva une nouvelle contestation. Cette fois, le chapitre maintint énergiquement ses prérogatives. Par ses ordres, les carmes furent invités à produire leur autorisation de s'établir à Nivelles; ils répondirent qu'ils ne se soumettraient à une pareille injonction que s'ils en recevaient l'ordre « par justice ». L'invitation fut néanmoins renouvelée le lendemain, avec une sommation formelle de dépendre la cloche ; le chapitre déclara, qu'en cas de refus, il y serait pourvu dans les vingt-quatre heures (8 novembre 1681). La sonnerie ayant recommencé le 10, le secrétaire et le bâtonnier du chapitre se rendirent au couvent, assistés de plusieurs ouvriers, et « après quelque violence avec les religieux », enlevèrent la cloche, qui fut transportée dans la salle capitulaire. Les deux parties réclamèrent au conseil de Brabant ; mais, le tribunal tardant à se prononcer, le chapitre consentit à restituer la cloche, à la condition que les carmes ne s'en serviraient pas jusqu'à ce qu'un jugement fût intervenu (7 janvier 1682). La communauté s'étant adressée au chapitre pour obtenir l'autorisation de s'établir (décembre 1683), fut encore accueillie par un refus (27 mars 1684). Enfin, on en vint à un accommodement.
Les carmes furent, « nuement et simplement, autorisés à s'établir, et, de leur côté, ils promirent de ne jamais être à charge à la ville, et de vivre avec l'aide des personnes de qualité et de mérite qui avoient eu la bonté de s'interposer en leur faveur » (15 juillet 1689).
On prétendit depuis que le père René, supérieur du couvent, avait profité pour obtenir cette concession du voisinage d'une armée française commandée par le maréchal d'Humières ; celui-ci lui aurait accordé une lettre de recommandation adressée à l'abbesse, qui aurait cru ne pouvoir rien refuser à un solliciteur aussi fortement appuyé.
A partir de ce moment, les esprits se calmèrent el on oublia cet incident. Le 4 novembre 1743, la ville accorda aux carmes, moyennant 500 florins et 100 pistoles, une exemption perpétuelle de toute charge publique et une exemption de tailles, de subsides, de vingtièmes etc., pour les terrains acquis par eux. Les religieux se bâtirent vers ce temps une nouvelle église, où le chapitre leur permit de placer deux cloches (21 octobre 1730). Mais, lorsqu'ils sollicitèrent leur admission aux processions, le même corps se montra très mal disposé pour eux. Ils avaient exhibé une promesse de protection émanant de l'archiduchesse Marie-Elisabeth ; l'abbesse, à laquelle on demandait son avis à ce sujet, répartit qu'elle considérait cette lettre comme un ordre, et, consultée de nouveau, quatre jours après, elle déclara qu'elle se conformerait toujours aux injonctions de l'archiduchesse (7 mars 1736). Le chapitre céda enfin, et consentit de nouveau au placement des cloches, à la condition qu'il recevrait un acte de non-préjudice, et que si les carmes s'avisaient de quêter en ville, leur cloche serait immédiatement enlevée (10 du même mois).
En 1787, le couvent des carmes avait un revenu de 8,110 florins 18 sous ; mais, dans cette somme, les charités des fidèles étaient comprises pour 7,620 fl. Les dépenses s'élevaient à 8,131 fl., dont 7,700 fl. pour l'entretien de 27 religieux et d'un domestique. Les bâtiments, qui se trouvaient à l'extrémité de la rue de Mons, près de la porte, avaient été bâtis sur l'emplacement du refuge de l'abbaye de Saint- Feuillen. Ils étaient très convenablement distribués, sauf que l'infirmerie était petite et malsaine. Aucun personnage remarquable n'était enterré dans l'église, si ce n'est le sculpteur Delvaux, qui exécuta pour les carmes la plus belle des deux chaires actuellement conservées à la collégiale. On y voyait aussi, de cet artiste, une statue de la Foi, placée sur le tabernacle.
Le couvent fut fermé le 5 vendémiaire an V. Le 18 vendémiaire de l'année suivante, on en transforma le réfectoire en salle du tribunal correctionnel. Les bâtiments, qui ont servi pendant quelque temps de palais de justice, sont convertis en prison. Deux sœurs de la Providence, de Champion, y soignent les malades. Il n'y a pas de chapelle proprement dite à la prison. Un vicaire de Saint-Nicolas y dit la messe sur un autel, à l'extrémité d'un corridor. Quelques vestiges de l'église existent dans le jardin de M. le secrétaire communal Durieux.
Quatre frères des écoles chrétiennes, de Namur, sont installés, rue du Wichet, dans des bâtiments situés au sud de ceux du petit Saint-Jacques qui subsistent encore. Ils donnent l'instruction aux enfants pauvres; leur école est adoptée. Un petit oratoire, à l'étage, sert à l'usage particulier des frères.
L'institut des béguines, qui prit au moyen âge tant d'extension en Belgique, a commencé à Nivelles, selon Cantimpré, qui, pour étayer son dire, cite le témoignage de quelques personnes qui vivaient encore de son temps. Cette assertion est en contradiction avec l'opinion la plus acceptable, qui donne pour berceau aux béguines la ville de Liège, et pour fondateur le prêtre Lambert le Bègue, qui y jouissait d'une grande popularité à la fin du XIIe siècle. D'autre part, elle n'est pas moins contraire à l'opinion, si difficile à soutenir, qui fait honneur de cette institution à sainte Begge, la nièce de sainte Gertrude.
Gramaye dit quelque part que les béguines de Nivelles sont nommées comme le premier et le principal membre du chapitre ; c'est là une erreur évidente, comme il résulte d'une déclaration émanant de quelques chanoines et qui porte la date du 27 octobre 1628. Les communautés établies par sainte Gertrude et sainte Begge n'eurent jamais rien de commun avec les béguinages. Dans ceux-ci comme dans celles-là, il est vrai, on ne faisait que des vœux temporaires, mais là s'arrêtait la ressemblance : les premières constituaient des corporations riches, puissantes, essentiellement aristocratiques ; les seconds n'étaient que de modestes asiles, uniquement peuplés de femmes appartenant à la classe moyenne ou à la classe pauvre.
Dès l'année 1227, il y avait déjà des béguines à Nivelles. Leur nombre se multiplia à tel point, qu'on en compta, dit-on, jusque 2,000. Plusieurs d’entre elles devinrent célèbres par l'austérité de leur vie ; telles furent Grimelothe, qui décida Gobert d'Aspremont à prendre le froc, et Diedèle, qui fut ensevelie à Villers. Toutefois, ce ne fut que dans la seconde moitié du treizième siècle qu'on commença à enrichir et à favoriser l'institut. Un de ses grands bienfaiteurs fut René, écolâtre de Tongres, qui, en 1267, laissa des legs à un grand nombre de béguinages, et notamment un marc aux béguines de Nivelles.
A cette époque, plusieurs bulles, émanées du pape Urbain IV et datées du mois de juillet 1262, approuvèrent le genre de vie des béguines. Ce souverain pontife, par un acte que l'on a, très malencontreusement, attribué à Urbain II (1088-1099), prit spécialement sous sa protection les béguines de Nivelles (bulle datée de Viterbe, le 13 juin 1262). Le deuxième de ses successeurs, Grégoire X, autorisa les béguines et recluses habitant, à Nivelles, dans les paroisses de Gouthal, du Saint-Sépulcre, de Saint-Jacques, de Saint-Cyr et de Willambroux, à faire célébrer l'office en temps d'interdit, mais à portes closes, sans sonnerie, et en employant le ministère de prêtres qui ne seraient ni interdits, ni frappés d'excommunication, ni suspendus de leurs fonctions (11 juillet 1272).
On sait que les papes, au commencement du XIVe siècle, condamnèrent les associations de bégards et de béguines, dans lesquelles l'hérésie s'était introduite. Mais plusieurs évêques belges, à la suite d'enquêtes, constatèrent que les béguines de notre pays ne s'immisçaient pas dans les querelles théologiques et ne se mêlaient pas de prêcher, mais vivaient pieusement et honnêtement. L'évêque de Liège Adolphe donna une attestation semblable en faveur des béguines de Nivelles, et informa les curés de cette ville qu'on devait les laisser jouir de leurs privilèges (9 décembre 1330),
Nivelles possédait, en 1452, quatre béguinages, dits de la Royaulteit, del Ducke, dou Goutisiet et des Ghoettes et de Herialmont. En 1534, ceux de Saint-Cyr et de Gouthal subsistaient encore à l'état d'hospices ou de couvents ; en 1576, on mentionne déjà la recette des « béghinages et maisons de Dieu de Goutiseau et del Ducquette ». Plus tard, leurs revenus furent confondus en une administration dite des béguinages de la Royauté, Goutisau et Duquette. L'abbesse en était la surintendante, et était aidée par deux chanoines, avec le titre de maîtres et mambours, et par son bailli, qui jetait le receveur de la fondation. Les revenus, qui s'élevaient, en 1787, à 1,783 florins, se distribuaient à des veuves ou à des filles pauvres, de bonne vie et mœurs, qui étaient au nombre de vingt-quatre. Chacune d'elles recevait par mois : un escalin, un vaisseau de seigle (pendant neuf mois de l'année), un de froment (pendant trois mois) et un de pois. Le jour de la reddition des comptes, on payait : à l'abbesse, 3 florins 2 sous ; aux mambours, 8 fl. 14 s. Les gages du receveur s'élevaient à 184 fl. 15 s. 11 deniers.
Suivant la tradition, une béguine de la Royauté, Marie Baillet, fut miraculeusement retirée d'un puits dans lequel elle était tombée, le 4 août 1241. Ce fait pêche contre la chronologie, car le béguinage cité ne fut fondé qu'environ quarante ans plus tard. Il dut son origine à la reine de France, Marie de Brabant, sœur de Jean Ier, en reconnaissance du témoignage éclatant qu'avait donné en sa faveur une béguine nivelloise, à laquelle on attribuait le don de prophétie (voyez plus haut). Jusqu'alors, paraît-il, les béguines avaient vécu dispersées ; on conçut alors le projet de les réunir dans quelques habitations communes. Au mois de mars 1280, le béguinage de la Royauté ou de Saint-Cyr n'existait qu'à l'état de projet, car on parle d'une vente faite à «l'hôpital que on faire doit, paroisse Saint-Soire, des pauvres béguines » ; il s'éleva avec lenteur et on douta de son achèvement, car un don fut fait en 1281 : « à l'hospitaul noviaul de Saint-Soire, ou aux pauvres béghines dou dit lieu, si le dit hospitaul naloit en avant ». L'évêque de Liège, Jean d'Enghien, et G., pléban ou curé de la paroisse de Saint-Cyr, consentirent à ce qu'on célébrât l'office divin, deux ou trois fois par semaine, dans la Maison dite de la Reine (domo que dicitur Régine ; Actes datés du lendemain de l'Ascension et du jeudi avant la Pentecôte, en 1281) ; puis l'évêque y permit la célébration d'une messe journalière (dimanche après la Circoncision, en 1282), et son official autorisa les mambours de l'hôpital à y faire pendre une cloche (acte daté de la maison de la chanoinesse Sibille de Jauche, en 288).
Dès le mercredi après l'Ascension, de l'année 1281, l'abbesse de Nivelles déclara retenir la « warde et souveraité de la maison con dist le Roine, ki est en la parroche de Saint-Soire, ki est maisons de pouvres béghines ». Mais la reine Marie parait avoir bientôt négligé cet hospice. Elle l'avait construit avec luxe (domus.... de novo reedificari cepit opere sumptuoso) et doté de quelques revenus ; ces derniers se trouvèrent bientôt insuffisants, et les béguines pauvres et infirmes qui peuplaient le béguinage durent recourir aux aumônes des fidèles pour leur entretien (déclaration en date du lundi avant le dimanche invocavit, en 1283). Pour leur venir en aide, l'abbé de Cîteaux leur accorda, pour un terme de deux années, la participation à toutes les bonnes œuvres de l'ordre (août 1284).
Le duc Jean et son fils ne négligèrent pas cette fondation de leur parente. Le premier permit aux mambours de l'hôpital du Saint-Esprit « en la paroche Saint-Soire, ke, dit-il, nostre chère damme et suere at fait et enstoreit » , d'acquérir des biens et des rentes jusqu'à concurrence de 100 livres de Louvain (vendredi après la Madeleine, en 1262 ; il faut lire 1292), et Jean II renouvela ce privilège, malgré ses édits généraux contre les achats faits par les religieux (« jà soit chou que nous avons commandeit ke on ne laist entrer gens de religion ne acquere hiritaige en nostre terre ». Charte du vendredi après la Saint-Barnabe, en 1296).
Malgré la haute naissance de sa fondatrice, malgré ses qualifications pompeuses de Maison de la reine, Maison de la royauté, ce béguinage ne fut jamais qu'un modeste établissement et disparut à une époque inconnue. On l'appelait aussi, comme nous l'avons vu plus haut, la Maison des pauvres béguines du Saint-Esprit, à Saint-Cyr; la Royauteit de Saint-Syre (1354) ou le Béguinage de la royaultet de Sen Soire (1433). En 1644, on lui donne la dénomination de Béguinage ducal dit vulgairement del royauté, et on ajoute qu'il s'y trouvait un oratoire dédié à sainte Elisabeth et doté de douze bonniers de terres situées à Promelles. Cinq de ces bonniers avaient été légués, en 1288, « le dieus après S. Bertremieu apôtre», par Colin Torcous, bourgeois de Nivelles, qui les tenait en fief de l'abbesse, pour un chapelain, « si le dit hôpital (du Saint-Esprit) vient en avant, sinon aux pauvres béguines ou aux pauvres de Saint-Cyr ». Il se trouvait sur le mont Saint-Roch, entre l'église de Saint-Cyr et la Grande-Poulée. Dans une prairie adjacente on a trouvé, il y a une trentaine d'années, une cave qui est actuellement défoncée et où il y avait, dit-on, un grand nombre d'urnes renfermant des cendres. On raconte aussi qu'en fouillant dans la même colline, il y a un siècle, on découvrit le squelette de la célèbre prophétesse, renfermé dans un cercueil de pierre et portant une inscription, mais ce récit nous paraît d'une authenticité extrêmement contestable.
Selon la tradition, le béguinage de Goutissau ou de Gouthal, au faubourg de Namur, fut érigé quelques années avant celui de la Royauté. Et, en effet, dès le mois de mai 1273, nous voyons Béatrix de Limelette, qui y était béguine, citer dans son testament : « sa demeure à Gotael, sur les staus de l'hospitaul de Gotael ». Au mois de février 1280, Sohier de Gand, échevin de Nivelles, fit une donation à « l'hospital des béguines dou Goutissaul, s'il avenoit qu'on ne fasse pas l'hospital S. Soire ». Ce béguinage se trouvait près de l'église de Notre-Dame de Gouthal. En 1525, on y comptait dix béguines, tandis qu'il y en avait neuf à la Royauté. En 1534, on proposa d'en mettre les béguines dans celui de Saint-Cyr et d'en convertir les bâtiments en infirmerie pour les pestiférés. Mais ce projet échoua par suite de l'opposition de l'abbesse. Le béguinage avait une chapelle particulière, dédiée à sainte Gertrude ; on y avait fondé un bénéfice, chargé d'une messe par semaine, et dont les revenus s'élevaient, à sept florins et quatre muids de grains.
Nous n'avons aucun renseignement positif sur les béguinages dits del Docquet et des Goettes et de Hériaumont. Le premier, sans doute, devait sa fondation à un duc de Brabant, peut-être à Jean Ier. L'autre se trouvait probablement dans la seigneurie de Hériamont. En l'année 1534, trois ou quatre béguines habitaient une maison « voisine de la chapelle monsieur Sainct Jean de Rodes enviers Clarisse ». Il fut alors question d'abandonner cette demeure, pour y loger des pestiférés, de préférence au béguinage de Gouthal, dont l'abbesse désirait la conservation.
Les revenus des béguinages étaient, depuis longtemps, affectés au soulagement des femmes pauvres, lorsque, en 1743, un nouvel établissement de ce genre se forma. Deux béguines « zéleuses » de Louvain, Jeanne et Anne Vander Borght, louèrent, près du rempart et du Jardin des arbalétriers, la maison dite la Tourelle et ses dépendances, d'une étendue d'un demi-bonnier. Elles demandèrent aussitôt à pouvoir acquérir ce bien. Vainement le magistrat fit ressortir l'inutilité de cette fondation et le danger qu'il y'avait à accroître, dans une petite ville, la quantité des demeures exemptes des logements militaires (6 avril 1713), le conseil de Brabant l'autorisa, par forme d'essai et en attendant le prochain renouvellement de la loi et une décision nouvelle des trois membres (30 mai de la même année). Ceux-ci, de concert avec l'abbesse, consentirent enfin à l'admission des béguines dans Nivelles, à la condition qu'elles payeraient, tous les cinquante ans, comme droit de maltôte d'héritage ou de congé, un vingtième de la valeur des immeubles dont elles feraient l'acquisition, et qu'elles ne se livreraient à aucun trafic, ni à aucun travail (28 juin 1714). Cette communauté sollicita la permission d'occuper l'hôpital du Petit Saint-Jacques, qui servait à héberger les pauvres pèlerins ; mais la ville s'y refusa (8 juillet 1715), et se joignit aux «Pèlerins de Saint-Jacques » pour repousser les demandes des béguines (9 août suivant). Le prêtre Desmont, qui était le directeur de celles-ci, acheta alors l'emplacement qu'elles avaient loué et y fit bâtir quatre maisons, divisées chacune en deux quartiers, une chapelle et un mur servant d'enceinte. Leur établissement fut définitivement sanctionné : par le gouvernement, le 23 mai 1730 ; par les trois membres, le 23 janvier 1737, et par l'abbesse et le chapitre, le 17 juillet 1738. Ces derniers autorisèrent la supérieure, Marie-Josèphe Thibaut, à pendre une cloche dans leur oratoire. En 1740, Gaspar Clément éleva, dans le couvent, une maison, destinée à ses filles.
En 1787, le béguinage de Nivelles était occupé par onze religieuses, dont six tenaient ménage à leurs frais, une enseignait aux petits enfants la lecture, l'écriture et le catéchisme ; deux apprenaient à des jeunes filles à faire de la dentelle et à coudre ; ces deux dernières, ainsi que trois autres, payaient une pension. La direction appartenait à un prêtre faisant fonctions de curé et de supérieur, et à une supérieure, élue tous les trois ans, à la pluralité des voix ; l'évêque de Namur nommait le premier et approuvait l'élection de la seconde. Les revenus s'élevaient à 694 fl., les dépenses à 738 fl. Une confrérie de Sainte-Barbe fut érigée au béguinage, en 1723.
Fermé provisoirement pendant la domination française, le béguinage fut vendu, puis racheté, et se rouvrit après le concordat. Les béguines ne reprirent leur costume qu'à la suite de la chute de l'empire, le 30 juillet 1814 ; elles y furent autorisées par le roi Guillaume, ainsi qu'il résulte d'une lettre du sous-préfet, en date du 14 décembre suivant. Les vicaires généraux de l'archevêché leur permirent alors d'ouvrir une église, sous la direction du curé primaire. Un pensionnat et une école gratuite pour les enfants pauvres fut organisée par leurs soins ; le 18 août 1824 et le 10 novembre 1826, la communauté sollicita le maintien de sa chapelle, comme oratoire. Cette communauté, plus tard, se transforma en congrégation de sœurs de l'Enfant Jésus. On trouve actuellement réunis, au béguinage, une classe d'externes, un atelier de couture, une école primaire gratuite adoptée et une école gardienne payante. Le béguinage a conservé sa chapelle, qui a la forme d'un long rectangle et que décorent plusieurs tableaux provenant de l'ancien couvent : un Saint-Antoine, qui n'est pas sans mérite ; un Saint-Norbert, une Sainte-Madeleine de Pazzi, un Ecce Homo etc.
Ce que l'on appelait le Béguinage de Willambroux consistait, en 1787, en deux places ou prébendes, que le magistrat conférait à deux vieilles filles, de concert avec les mambours de la Charité. On assignait à ces filles : à la première, 2 muids de seigle et 40 sous par an ; à la seconde, 2 muids de seigle et le revenu d'un demi bonnier de prairie situé devant la censé de Willambroux. Antérieurement, il y avait jusqu'à trois maisonnettes bâties à Willambroux pour loger des vieilles filles ou veuves, impotentes ou pauvres. La troisième fût bâtie par un prêtre nommé sire Ghisiain de Ville, qui, voulant « établir une troisième béguine en l'honneur de la Trinité », acheta un journal de terre pour y édifier une petite habitation, et y annexa une dotation consistant en 2 muids de blé et 2 florins par an. Un octroi en date du 3 novembre 1560 approuva cette fondation, à la condition qu'elle payerait au domaine 2 deniers louvignois par an.
Les sœurs grises du tiers-ordre de Saint-François, depuis appelées Conceptionistes ou sœurs de l'Immaculée-Conception, vinrent à cinq d’Avesnes, en 1479, après le sac et la destruction de cette ville par les Français. Elles avaient déjà fait beaucoup de bien aux âmes et aux corps, lorsque leur établissement fut autorisé par madame de Longastre, abbesse, le maire, les échevins, les bourgmestres, les dix et les maîtres-jurés de deux années (de 1479 et 1480), comme l'atteste une lettre, scellée par deux échevins, un rentier et un des dix, le 10 janvier 1490. A la demande de Jacques Stouck, visiteur et maître des sœurs grises et hospitalières du tiers-ordre, le chapitre approuva également leur admission, à la condition qu'elles n'établiraient, sans son consentement, ni cimetière, ni église, ni autel ; qu'elles se confesseraient au curé de la paroisse au moins une fois par an ; qu'elles recevraient de lui l'extrême-onction ; qu'elles pourraient faire bâtir une chapelle, avec un petit clocher et une cloche, mais de manière à ne pas incommoder le curé et les paroissiens (11 février 1492).
Les sœurs grises étaient, en 1492, au nombre de dix-huit ; elles occupèrent, dans la paroisse de Saint-George, la grande maison qui avait jadis appartenu au chevalier Jean de la Houssière. Leur oratoire existe encore au fond du Culot de la Madeleine ; il fut consacré, le 7 juillet 1305, en l'honneur de la Vierge Marie, des onze mille vierges et de saint Christophe, ainsi que l'attestait une charte d'indulgences qui, selon Gramaye, s'y voyait attachée à la muraille, à la gauche du maître-autel. Suivant le même auteur, il y avait en cet endroit un petit hôpital nommé Betphages. Cette maison, dont on abandonna la direction aux sœurs grises, et qui avait été donnée, le 8 gisserech 1367, par le chevalier Jean de la Houssière, avec deux lits étoffés, deux écuelles de « compenage » et une fondation de deux pains par jour, afin de loger et de nourrir les pauvres passants et mendiants, se trouvait hors rue et chemin, tenant « aux terres de cette ville », c'est-à-dire près des murs. On assigna, en outre, au couvent des aumônes sur les biens des pauvres de la paroisse et de la Maison de la charité ; et, de leur côté, les sœurs s'obligèrent à loger toutes les religieuses passant par Nivelles, et à nourrir quelques enfants pauvres.
Lorsque l'empereur Charles-Quint eut ordonné la réunion des biens des pauvres en une bourse commune, qui servirait exclusivement à l'entretien des ménages indigents, les religieuses élevèrent de vives réclamations. Elles firent observer que l'hospice dont on leur avait fait don n'était fréquenté que par des vagabonds et des mauvais garçons, que d'autres hôpitaux conviendraient mieux pour le même usage, et qu'il serait préférable de convertir cette maison en une infirmerie pour les sœurs malades. Le maire Louis d'Enghien, les échevins, les rentiers et les jurés, devant qui elles comparurent en personne, accueillirent leurs plaintes et les déchargèrent des obligations spécifiées plus haut, à la condition qu'elles payeraient à la bourse commune une rente annuelle de 30 patars, rachetable moyennant 30 carolus d'or (8 mars 1531). Bientôt elles s'agrandirent : elles achetèrent, moyennant 150 florins, une maison « fort vieille et fort caduque », que Péronne Bodart avait récemment acquise de l'abbaye de Villers, et qu'elles furent autorisées, par octroi en date du 4 décembre 1553, à joindre à leur couvent, à la condition que ce terrain resterait assujetti aux charges publiques et payerait au domaine un cens annuel de 6 deniers de gros. Jeanne de la Bricque, veuve de Ferry de Dave, seigneur de Ressignies, leur abandonna encore une maison, pour y tenir une école (octroi du 27 juin 1561).
C'est du couvent des sœurs grises de Nivelles que sortit la colonie qui fonda celui de Jodoigne. Les religieuses avaient surtout été acceptées dans la première de ces villes à raison des services qu'elles rendaient en soignant les malades à domicile. Renonçant à cette mission pour adopter la réforme des conceptionistes, elles prirent la clôture et résolurent de subsister de leurs rentes, de leurs pensions et du produit de leurs travaux manuels, ce que l'abbesse et les trois membres approuvèrent, sans observation, le 28 avril 1653.
En 1787, les religieuses étaient au nombre de dix-neuf. Leur revenu s'élevait à 4,851 florins 14 sous, parmi lesquels figuraient 1,900 fl. provenant de pensions et demi-pensions ; 200 fl., montant du produit de leur travail ; 1,200 fl. reçus en don. Les dépenses montèrent, la même année, à 4,402 fl. ; l'entretien seul des religieuses, du confesseur et de quelques journaliers absorba 3,598 fl.
Le couvent des conceptionistes fut fermé le 26 frimaire an V ; elles le quittèrent, à dix heures du matin, revêtues de leur costume religieux, et quelques mois après, elles le rachetèrent au moyen des bons qui leur avaient été délivrés par les autorités républicaines. C'était un ancien carme de Mollem (ou Ter-Muylen, près de Liedekerke), Daniel Verberckmoes, qui en avait fait l'acquisition en leur nom, le 17 germinal an V, moyennant 2,400 livres. En 1804, en 1812 et depuis, les religieuses furent autorisées à y faire célébrer la messe, dans la chapelle, à la condition de fréquenter l'église paroissiale les dimanches et fêtes. En 1824, la communauté se trouvait réduite à une seule personne, Melle Adam, qui dirigeait un pensionnat. Depuis, la communauté a été reconstituée par des carmélites de Bruges, qui se livrent à la vie contemplative et vont ouvrir une école.
Le couvent occupe une grande partie du terrain compris entre l'impasse de la Madeleine et les rues Saint-George, Neuve, des conceptionistes, de l'Evêché, de Namur et du Géant. La chapelle des conceptionistes (qui, sans être reconnue, sert aussi au culte public) est située dans l'impasse de la Madeleine, où on la reconnaît à son petit clocheton. Elle est de forme carrée et divisée en deux parties dans sa longueur : l'une est occupée par trois autels ; l'autre forme une espèce de nef très basse, surmontée d'une tribune pour les religieuses. La chapelle n'est point voûtée ; elle est éclairée, de chaque côté, par une fenêtre ogivale, qui était flanquée autrefois de deux autres ogives plus petites. Le pavement renferme un grand nombre de pierres tumulaires d'abbesses et de religieuses, parmi lesquelles nous ne citerons que la suivante : Icy gist le corps de | la Révérende Mère | Sr Marie Cécile de St Vale | rien dite Fleutin pre | mière Abbesse de Concep | tioniste de ce Cloistre | qui | après avoir louable | ment gouverné | l'espace | de 45 ans ) trépassa l'an | 1669 le 7 d'avril | Requiescat in pace.
En 1607, la mère ancelle et les religieuses du couvent de l'Annonciade de Louvain demandèrent au chapitre et au magistrat de Nivelles qu'on leur abandonnât, pour y fonder un couvent, l'église de Saint-Maurice, dont les récollets avaient déjà demandé la démolition à l'évêque. Elles représentèrent que leurs statuts ne leur permettaient pas d'être plus de 39 religieuses, que néanmoins elles avaient porté leur nombre à 72, et que plus de 30 personnes sollicitaient encore leur admission parmi elles. Le chapitre consentit, sauf l'approbation de l'abbesse, à la condition que les autels et bénéfices de l'église seraient transférés ailleurs, et que les religieuses feraient constater qu'elles possédaient des ressources suffisantes pour vivre sans être à charge à la population (26 juillet 1607). Les annonciades ayant encore sollicité de la ville la cession d'une place vague située devant l'église Saint-Maurice, elle lui fut octroyée « par la plus saine partie » des trois membres (14 mars 1608), formule qui témoigne suffisamment qu'elle ne réunit pas l'unanimité.
Les annonciades vinrent à Nivelles au nombre de huit. La prévôté du chapitre étant entrée dans leur corporation, le père gardien des récollets alla, au nom de celle-ci, demander pardon au chapitre, qui, à son tour, fit accomplir par un de ses membres une démarche analogue (4 janvier 1609). En 1623, elles envoyèrent une colonie à Namur. L'empereur Joseph II ayant décrété leur suppression, leur couvent fut fermé le 26 mai 1784. Ce fut le substitut du procureur-général de Brabant, Cuylen, qui présida à cette mesure.
Le cloître des annonciades brûla au commencement de l'année 1689. L'entrée du couvent se trouvait dans la rue Saint-Maurice, près d'un abreuvoir pentagonal que l'on appelait la Baume, situé près de la Fontaine Saint-Maurice, En traversant une cour, on arrivait à l'église, qui se composait d'une nef de deux travées, et d'un chœur également de deux travées, se terminant par une abside à trois pans, et ayant, d'un côté, une sacristie, de l'autre, une chapelle que le marquis de Wemmel, dont l'hôtel était contigu, réclama comme étant sa propriété. Il y avait, en outre, un cloître, avec salle capitulaire, réfectoire, dortoir etc. ; une boulangerie et une brasserie, un quartier de sœurs converses, et de grands jardins allant jusqu'à la rue des Juifs et, derrière l'hôtel de Wemmel, jusqu'aux remparts. Au travers de cette propriété, dont l'arpenteur Dusart leva le plan, les 30 et 31 décembre 1787, on pratiqua la rue de la Religion ; les terrains restants furent vendus, du 17 août au 1er septembre! 1787, en vertu de lettres patentes datées de la même année.
Une congrégation de filles de Saint-François de Sales, sous le nom de filles de Notre-Dame de la Fleur de Lys ou de la Présentation de la Vierge, s'établit à Nivelles à une époque que l'on ne saurait préciser, mais qui doit être antérieure à l'année 1680, puisque, le 16 novembre de cette année, on résolut de prendre des informations à son égard ; elle avait demandé à pouvoir élever une chapelle. Peut-être ces filles dévotes étaient-elles identiques aux religieuses de la congrégation de Pont-à-Mousson, qui, le 2 septembre 1701, achetèrent, moyennant 10,750 florins, une grande maison située vis-à-vis de l'hôtel abbatial.
Dans cette congrégation on ne faisait que des vœux simples ; ses membres dirigeaient quatre classes pour les filles riches et pauvres ; on enseignait, dans deux de ces classes, à faire de la dentelle ; dans la troisième, à coudre, à tricoter des bas etc., et dans la quatrième, la lecture, l'écriture, l'arithmétique, le catéchisme et les premiers principes de la religion. Les religieuses tenaient des pensionnaires et des demi-pensionnaires, qui leur valaient, en 1787, 2,000 florins. Le total de leurs recettes s'élevait à 2,122 fl. 16 s., tandis que leurs dépenses montaient à 2,649 fl., dont 2,623 fl. 10 s. pour l'entretien de huit religieuses, d'une servante et d'un ouvrier. Le couvent, dont le curé de Notre-Dame était le directeur spirituel, fut fermé le 11 pluviôse an VI, et leur habitation, qui se trouvait dans la rue de Bruxelles et dont l'entrée est encore reconnaissable à la fleur de lys qui y est gravée sur une pierre, fut vendue au notaire Charles Paradis, moyennant 820 livres, le 15 vendémiaire an XI. Actuellement, une partie de cet emplacement est habitée par des sœurs noires, qui prennent, sans l'assentiment de l'ordinaire, le titre de sœurs du Rosaire, et tiennent une école payante. Ce qui a empêché, dit-on, l'autorité, ecclésiastique de les reconnaître c'est qu'elles étaient en relations avec une communauté d'hommes (des environs de Charleroi), dont elles lavaient le linge et entretenaient les habits.
Outre les conceptionistes, les sœurs de l'Enfant-Jésus du béguinage, et les sœurs noires, Nivelles possède encore deux corporations religieuses de femmes : une seconde corporation de sœurs de l'Enfant-Jésus, au Tienne-Saint-Roch, et des sœurs de l'Union au Sacré-Cœur de Jésus. Nous devons aussi mentionner les deux sœurs de Champion, qui soignent les détenus à la prison, et les filles de la charité de Saint- Vincent de Paule, qui, au nombre de quinze, sont attachées au service de l'hôpital.
Les sœurs domiciliées au Tienne-Saint-Roch, sur un coteau dominant la station du chemin de fer, dirigent un pensionnat de demoiselles et une école normale adoptée par le gouvernement pour la formation d'institutrices primaires. Le couvent a été bâti par l'architecte Carlier. Les élèves y entendent la messe dans une chapelle élégante, dont les bas-autels sont ornés de statues en bois de l'Immaculée-Conception et de Saint-Joseph, dues au sculpteur Malfait. Les sœurs de l'Enfant-Jésus tiennent en outre l'école gardienne Louise-Marie.
Les sœurs de l'Union au Sacré-Cœur de Jésus, de Hougarde, sont établies en face du portail de l'église Saint-Nicolas. Elles tiennent un pensionnat pour les demoiselles, une classe d'externes payantes et une école primaire gratuite adoptée. Dans une pièce du rez-de-chaussée, qui donne rue Saint-Jean-l’Evangéliste, on remarque une tapisserie représentant l'Education d'Achille, sujet que l'on ne s'attend pas à rencontrer dans un couvent.
Le clergé régulier avait jadis, aux environs de Nivelles, d'immenses propriétés. On ne doit donc pas s'étonner si un grand nombre d'abbayes et de prieurés y acquirent successivement des refuges, où ils mettaient en sûreté, en temps de guerre, les produits de leurs domaines. Nous citerons notamment Afflighem, Villers, Nizelle, Cambron, Aywières, Saint-Feuillen (dont le refuge devint plus tard le couvent des carmes), Bonne-Espérance, Parc, Bois-Seigneur-Isaac, Orival et la commanderie de Chantraine.
Les religieux d'Afflighem possédaient, en 1499, l'ancien hôtel de Rameru (ou des seigneurs de Tubise) ; le 3 juin 1611, ils l'agrandirent en achetant, dans la rue Broide, une maison contiguë, moyennant 150 florins, une rente annuelle de 18 fl. et cinq chênes à couper dans le bois de Hulencourt. A la demande de l'archevêque de Malines, abbé de ce monastère, les rentiers avaient exempté sa maison et son receveur du logement des gens de guerre (10 novembre 1604). Ce refuge, d'après lequel la rue de Rameru prit le nom de rue d'Afflighem (aujourd'hui la rue du Géant) est habité par M. l'architecte Carlier.
Vers l'année 1600, l'abbaye de Villers acquit la maison de Louis Du Chesne dit Malihan, à charge d'une rente de 34 livres 16 sous. Son refuge était situé rue de Charleroi, un peu plus bas que l'école normale, à droite en descendant, et appartient aujourd'hui à l'huissier De Soignies. Dans un salon, au rez-de-chaussée, on remarque aux quatre murs des tapisseries fabriquées probablement à Bruxelles, et représentant des vues de l'abbaye de Villers ; ces tapisseries n'ont pas grand mérite artistique et ne sont pas exactes comme vues ; il est étonnant qu'elles aient échappé à la destruction, car la salle où elles se trouvent a servi d'école ; sur la cheminée est un tableau représentant un abbé avec la divise fulgurat et micat. Plusieurs maisons de Nivelles sont encore ornées de tapisseries du même genre.
Le refuge de Nizelle, qui fut restauré de 1619 à 1640, se voyait « là où sont les Carmes ».
Celui de Cambron fut acheté, en février 1288, à Robechon Cache, bourgeois de Nivelles. Au mois d'avril 1293 et moyennant une somme d'argent, les maire, échevins, bourgeois et, communauté de cette ville exemptèrent à perpétuité quelques tenures ou héritages, pour aussi longtemps qu'ils appartiendraient à ce monastère, « de tous scots et tailles, passées ou à venir ».
En mai 1623, Aywières fut autorisé à acheter, pour lui servir de refuge à Nivelles, une maison située rue Saint-George, et appartenant à J. Robar et Gertrude Foulon. On la louait, en 1787, pour 532 florins.
Le refuge de Bonne-Espérance fut acquis de Nicolas Nagars, en 1298. Il se trouvait près de la porte de Mons, à l'endroit qu'occupe aujourd'hui l'hospice des orphelins. Cette habitation ayant été incendiée, au mois de, janvier 1597, par des soldats du régiment du baron de Hachicourt, la communauté intenta un procès à la ville, mais celle-ci ayant prouvé que le logement de gens de guerre avait été la conséquence d'un ordre supérieur et que l'abbaye était restée en défaut de réparer convenablement son refuge, la requête des religieux fut déclarée non recevable et les dépenses compensées entre les parties (27 mai 1616). La ville paya, de ce chef, la somme de 95 livres.
Le refuge de Parc s'élevait dans le voisinage de l'église de Saint-Jean-l’Evangéliste.
Le 18 janvier 1546-1547, un octroi du souverain permit au prieuré de Bois-Seigneur-Isaac, à la condition de payer tous les ans 4 chapons au domaine, d'acheter 6 1/2 bonniers de terres, une maison à Bruxelles et une à Nivelles. Cette dernière se trouvait dans la rue Sainte- Anne L'habitation qu'occupait, en l'an V, le doyen du chapitre de Sainte-Gertrude, appartenait aux frères de Bois-Seigneur-Isaac ; l'acquéreur, le père Godart, ex-carme, la paya à la république française 425 livres, le 15 nivôse.
Orival possédait, dès le mois de décembre 1292, une maison située au Marché, « devant les Cournes ». Le mercredi après la Sainte-Lucie, la ville l'exempta, à prix d'argent « de scots, de mallotes etc. ». Depuis, Orival eut son refuge à l'endroit où se trouve le mont de piété.
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