En 1914, l'armée belge est en pleine restructuration et extension. Elle passe d'un système de tirage au sort à la conscription suivant les lois de 1909 et 1913 avec un contingent passant de 77.000 hommes en 1912 à 117.000 en 1914.
Le Service de Santé de l'armée reposait sur les hôpitaux militaires installé dans les grandes villes (Bruxelles, Liège, Anvers, Namur, Gand, Ostende) auxquels était attaché un couvent des Sœurs Hospitalières de St Augustin pour s'occuper des patients.
De part ses statuts de 1892, la Croix Rouge devait fournir le matériel pour l'armée en campagne avec un vice-président du Service de Santé pour s'en occuper. Mais depuis 1905, l'armée nommait à ce poste un Général hors du Service de Santé donc incompétent en la matière. N'ayant pas compris l'extension de l'armée, la Croix Rouge ne disposait que de 5 voitures ambulance, un appareil de radiologie, 2 wagons de pharmacie et peu de brancards.
Avec l'invasion le Service de Santé forma dans l'urgence 6 colonnes d'ambulance de 350 hommes avec les D.S.T.P. (militaires dispensés de service en temps de paix) constituées d'instituteurs, curés, séminaristes en soutane ou non et de volontaires pour accompagner les 6 divisions d'armée. Manquant de matériel, les blessés étaient parfois transportés dans des brouettes 'empruntées' dans les fermes !
Le corps médical était constitué d’un contingent de 900 médecins et 124 volontaires, nettement insuffisant ; il y avait pourtant 4.500 médecins en Belgique dont 2.000 en âge de rappel. On recruta aussi nombre d'étudiants en médecine.
Du coté infirmières la situation était très en retard sur la GB. La 1e école de soignants laïques a été fondée par César de Paepe en 1887 et la première école infirmières diplômées par le Dr Antoine et Marie Depage en 1907 suivie par celle de St Camille fondée par la comtesse Van den Steen de Jehay en 1908. Quand au Sœurs des hôpitaux, courageuse d'un dévouement irréprochable mais dépourvues de qualification médicales, elles s’occupaient plus de l'âme des patients.
Ce lent développement faisait qu'en 1912 la Belgique ne comptait que 50 infirmières diplômées.
C'est Liège qui supporta le premier choc de l'invasion allemande, L'Hôpital Militaire fut rapidement débordé et dut aménager en trois jours une annexe située rue des Rivageois, qui offrait au total 2.000 lits. Namur suivit et offrit 1.500 lits avec les ambulances installées dans des institutions civiles ou religieuses.
Pendant la bataille des frontières, la comtesse Van den Steen de Jehay transforma son château de Chevetogne en ambulance de la Croix Rouge où furent soignés indifféremment blessés belges, français et allemands jusqu’à sa fermeture par l'occupant en novembre 1914. Pendant ce temps-là, à Bruxelles, le couple royal (Albert Ier et Elisabeth) demanda au couple Depage de transformer une partie du Palais Royal de Bruxelles en hôpital militaire de 220 lits avec salle d'opération, de radiologie et de tous les services annexes nécessaires. Contrairement aux autres ambulances provisoires, il resta en service toute la guerre soignant des soldats belges, français, allemands et même un russe.
Le Docteur Antoine Depage - Une ambulance britannique du Field Ambulances of the Royal Army Medical Corps
L'armée se replia sur Anvers et comme cette place forte était destinée à résister, ce n'est pas moins de 38 ambulances qui y fut installée dont une dans le zoo offrant 15.000 places dont 11.000 furent occupées. Après la 2e sortie d'Anvers, la 6 DA organisa un raid de nuit pour récupérer 1.200 blessés abandonnés à Haecht et Aarschot. Mais la pression devint trop forte et l'Etat-major décida l'évacuation de la place en commençant par les blessés évacués de nuit par 12 trains sanitaires. La nouvelle fut rapidement éventée ce qui provoqua un exode massif de la population fuyant la barbarie prussienne. Une reddition soudaine d'une partie des forts de la ceinture ouest de la place permit aux allemands de couper la retraite à une partie de l'armée et de nombreux réfugiés furent obligés de se faire interner en Hollande pour y rester 4 ans. Parfois une petite cellule médicale fut installée autour d'un médecin comme dans le camp de Zeist. Il est a remarquer que le gouvernement hollandais réclama à la Belgique les frais de logement et d’entretien des internés militaires et civils!
La retraite vers Ostende et ensuite derrière l'Yser fut facilitée par la réquisition des trams de la côte par le Général Mélis chef du Service de Santé. Beaucoup furent évacués par les malles Ostende-Douvres ou le bateau envoyé par l'amirauté britannique vers Calais ou Folkestone. Comme le « INDOOR » qui chargea 850 blessés juste après avoir débarqué 1500 Tommies et 900 chevaux! Le dernier à quitter Nieuport (14/10) fut le charbonnier « MARTHA » avec 500 blessés dans ses cales pleines de poussier. Le Service de Santé organisa un centre de tri et d'évacuation en gare d'Adinkerke, mais le seul trajet jusque Dunkerque (20 km) par ligne de chemin de fer à voie unique pouvait prendre de 6 à 32 h dans des conditions sanitaires atroce (infection, tétanos, gangrène gazeuse, septicémie) car les convois étaient bloqués par la montée des trains de munition, prioritaires. A Calais ce n'est pas moins de 40 ambulances qui furent mise en service dans des écoles, couvents, temples protestants, même une Loge Maçonnique et deux bateaux les ELLA et PARIS jusqu'en 1915. Aussi bien à Calais qu'a Folkestone l’accueil des réfugiés fut très efficace. En Grande Bretagne, la gentry anglaise fut mobilisée par le pasteur belge Peterson pour s'occuper des 2500 arrivants par jour. Au total ce fut plus de 500000 personnes qui fuirent la Belgique occupée (300000 en France, 200000 en Grande Bretagne dont 25000 blessés plus les 100000 internés en Hollande.)
Les hommes de l’armée se retrouvèrent derrière l'Yser, épuisés souvent en guenille et sabots dans une plaine insalubre souffrant de malnutrition et de la gale et du « pied des tranchées » envahis par des poux qui provoquèrent une épidémie de typhus. A une question du ministre de la guerre anglais à la Reine Elisabeth au sujet d'un besoin urgent, la Reine répondit du tac au tac: « 60000 paires de chaussures ». Trois jours plus tard les ballots de chaussures étaient débarqués à Calais. La plaine du Westhoeck était insalubre et sous équipée, la seule infrastructure médicale est le Lazaret du Bristish Field Hospital de Furnes déménagé à Hoogstade suite au bombardement de la ville. Remis à la Belgique, il devint le 1er Hôpital Militaire belge. Une petite structure : l'Ambulance Auxiliaire de la Panne de 125 lits fut installée disposant de linge mais d'aucun matériel. Le Dr Depage, civil, quitta clandestinement Bruxelles et à Calais monta une ambulance de 350 lits à l'Institut Jeanne d'Arc mais il ne pouvait supporter les retards dans l’acheminement des blessés dûs au goulot de la voie unique. Sa volonté était de soigner au plus près du front. Après discutions avec la Reine, le choix se porta sur un grand bâtiment désaffecté de 4 étages avec 100 chambres : Le Grand Hôtel de l'Océan à la Panne situé à 12 km du front. Il fut remit à la Croix Rouge grâce à l'intervention de la Reine et de la vicomtesse de Spoelbergh.
Il fallu 6 semaines de travail pour transformer le vieil hôtel en hôpital. Le Major Gordon attaché militaire anglais auprès du Roi trouva une installation de chauffage central et un ascenseur chez Harrod's à Londres qui furent montés en 10 jours par les employés du magasin. Le 14 décembre les travaux étaient terminés, le personnel était constitué de 25 médecins, 200 soignants bénévoles mais seulement 2 infirmières belges. Il fallu recruter des infirmières anglaises les fameuses « matrons » dont les 5 premières arrivèrent le 16 décembre, les blessés étaient attendus pour le 21 décembre.
Un renfort d'infirmières belges arriva au fur et à mesure de leur formation dans l'école belge d'un des King's Albert Hospital à partir de juillet 1915 au total elles seront 65 pour l'Océan.
Marie Depage partit aux USA pour récolter des fonds pour créer notamment un laboratoire de recherches. Malheureusement on lui demanda de prolonger son séjour de deux jours pour récolter de l'argent à une fête de charité à New-York. Elle changea son billet pour embarquer sur le... Lusitania qui fut torpillé le 17 mai 1915 au large de l'Irlande. Marie péri noyée. Peu après, Depage appris l'arrestation puis l’exécution d'Edith Cavel, la directrice de son école d'infirmière à Bruxelles. Il entra en dépression, voulant tout abandonner ! C'est la Reine Elisabeth qui le soutint en lui promettant d'opérer avec lui 3 fois par semaine : ce fut le début de la légende de la « Reine infirmière ».
Au maximum de sa capacité, l'Océan compta 2000 lits, avec 160 infirmières et 300 brancardiers avec les pavillons érigés sur les 4 ha de dunes voisines, grâce à des dons anglais et américains.
Depage imposa de rester dans le giron de la Croix Rouge car il ne supportait la bureaucratie tatillonne de l'armée. La Reine le fit nommer médecin principal de 2e classe (Lt. Col.). Le matériel et la consommation étaient fournis par l'armée.
Il s'entoura d'une équipe inamovible de médecins, anciens des Balkans, ses amis de l'ULB, un Dr-ingénieur très utile pour les constructions, de jeunes médecins recrutés dans les 4 universités du pays et des étudiants en médecine. Un jour le Généal Mélis envoya des ordres de marche pour récupérer 18 médecins, Depage répondit par 18 bons d'hospitalisation tous pour ulcère à l'estomac ! A l'Océan l’efficacité prévalait, ainsi un jeune médecin talentueux pouvait commander à un officier plus ancien ou plus haut gradé. L'Océan devint une ruche bourdonnante avec une recherche permanente pour améliorer les techniques médicales existantes. Un service de stomatologie fut créé et un laboratoire de recherche nommé institut Marie Depage fut développé avec des fonds de la Fondation Rockefeller. L'hôpital organisait des stages de formation pour les médecins du front et des Services de Santé étrangers. Le résultat des recherches étaient publiés dans les luxueuses Annales de l'Ambulance de l'Océan.
L’hôtel de l’Océan, à La Panne, avant la guerre - La Reine Elisabeth, en salle d’opération, avec le Docteur Depage
Le Général Mélis chef du Service de Santé était conscient des carences du service ; en bon organisateur qu'il était, il fit fabriquer à Paris 500 pavillons de 24 lits, bien chauffés et bien éclairés. Ils servirent à agrandir les hôpitaux belges en Belgique et en France. Il installa l'hôpital Cabour, rien à voir avec la célèbre station de la côte d'opale, mais bien du pavillon de chasse de M Cabour à Adinkerke. Construit en 28 jours, il entra en service en avril 1915 avec
450 lits dans 19 pavillons avec les salles d'opérations et de radiologie installées dans le bâtiment. Dirigé par le talentueux Dr Derache, le staff comprenait 12 médecins, un radiologue et 12 étudiants plus 60 infirmières et des brancardiers. Il était en relation étroite avec l'Océan pour le développement des techniques médicales qui étaient publiées dans les Archives Médicales belges existant avant les publications de l'Océan.
En mars 1917, l'hôpital Cabour fut transformé en hôpital général pour les malades et gazés sous la direction du Dr Nols (ULG)
Situé à Stavele à 9 km du front, il fut conçu par le Dr Derache il comprenait 30 pavillons avec 500 lits repartis en carré autour d'un bâtiment en dur qui abritait les salles d'opération, la radiologie et les 4 laboratoires spécialisés. Il fut qualifié de « merveille militaire » par le Roi Albert. Il entra en service en avril 1917 en remplacement de Cabour devenu hôpital général. Parmi les bâtiments annexes, il y avait une immense salle des fêtes. Il fut le seul à posséder ses propres écuries et étables avec vaches et cochons. Pendant ses 18 mois d'activité, 8.000 blessés y furent soignés. Il fut très utile pendant la bataille de 1918 comme Merckem.
L'Ambulance Elisabeth française, crée à l'instigation du Duc de Vendôme était installée dans le château du juge de paix D'Hondt à Couthove. Elle fut remise gratuitement à l'armée belge et devint un HMB en secteur anglais en soutient d'une unité d'artillerie belge.
Dirigé par le Dr Conrad d'Anvers, avec des infirmières de St Camille dirigée par sa directrice la Comtesse Marie van den Steen de Jehay – rappelez-vous Chevetogne en 14 – Celle-ci se dévoua sans compter pour soigner tant les blessés que la population civile de Poperinge notamment pendant une épidémie de typhus en octobre 1915. La Reine Elisabeth la surnomma « Le major de Poperinge ». Le Services de Santé érigea 4 pavillons supplémentaires portant la capacité à 120 lits.
Suite à un projet non aboutit de cession de la partie nord du front belge aux anglais en 1917, auquel cas l'Océan leur serais cédé, la Croix Rouge construisit un nouvel hôpital à Wolveringen – Vinkem. Conçu par le Dr Depage suivant ces idées d'hôpital idéal, il fut érigé en zone vierge d'infrastructure bordé par une voirie carrossable et d'une ligne de chemin de fer spécialement construite. Il était constitué d'un noyau en dur abritant 5 salles d'opération à 4 tables, des salles de radio, de stérilisation, de soins entouré d'un champ de tentes rapidement remplacé par des pavillons alignés sur 2X 500m de part et d'autre du noyau avec une capacité de 1200/1500 lits. Surnommé « Depageville » par un personnel qui le jugeait invivable, il prouva pourtant son efficacité pendant les grandes offensives allemande de 1918.
C'est le fruit de l'expérience acquise par le Dr Depage pendant les guerres balkaniques de 1912/1913. Il convainquit la Croix Rouge dont il était le président de la section médicale, d'envoyer des ambulances dans tous les pays en guerre : Grèce, Serbie, Bulgarie et deux successives en Turquie, inventant ainsi le concept de « médecins sans frontières » avant la lettre. Entouré de sa femme Marie et de son fils Pierre étudiant en médecine ainsi que d'amis médecins de l'ULB comme les Dr Neuman et Willems, ils purent constater les blessures graves provoquées par les armes modernes comme les balles de fusils à haute vitesse initiale, mitrailleuses, grenades, et shrapnels. Ils arrivèrent à la conclusion qu'il fallait soigner les blessés au plus près du front pour éviter les infections, le tétanos, la gangrène gazeuse. C’était surtout vrai pour les blessés à l'abdomen où les chance de survie ne dépassait pas
10% après de longues heures d'attente ou de voyage.
L'idée était de monter un petit hôpital spécialisé en laparotomie (abdomen) dans des camions. Un prototype fut réalisé à La Panne suite à un don. Cette structure était constituée de 4 camions disposés en croix recouverts d'une grande bâche. Un camion était transformé en salle d'opération, un pour la radiologie, un pour la stérilisation et les soins et le dernier pour une hospitalisation sous surveillance, on dirait aujourd’hui les soins intensifs mais sans le matériel que nous connaissons. Le personnel, constitué de 2 médecins et 25 infirmières et brancardiers était logé sous tentes. L’Océan installa le 1er PCA à St Jean's Molen au croisement d'une route carrossable et d'un canal permettant le transport des blessés graves par canot à moteur. En service en juillet 1915 sous la direction du Dr Neuman, il le resta jusqu'en juillet 1918. Situé à 3 km du front, la vie y était très dure, la chaleur en été, la boue en hiver et la menace permanente d'un bombardement volontaire ou accidentel car bien en vue des lignes ennemies malgré le grand panneau de la Croix Rouge. Un autre PCA de la Croix Rouge fut installé à Zoetenaye le 1/11/1917 au 31/1/1918 et un à Nieuport le 1/1/1918 qui lui fut bombardé au gaz, ce qui invalida le Dr Neuman et son épouse qui y servait comme infirmière.
L'armée ne fut pas en reste, car le Dr Derache avait les mêmes idées que Depage, il monta un PCA à De Gronie dépendant de l'HMB d'Hoogstade et un autre en 1915 à la ferme 't Abelenhof dans une zone difficile d'accès. Il dépendant de l'HMB Cabour puis Beveren sur Yser.
Pendant l'offensive finale les PCA suivirent l'avance de l'armée. Le PCA de St Jan's Molen fut avancé dans la forêt de Houthulst à Jonkershoven le 1/10/1918.
Le résultat était là, le taux de survie des blessés à l'abdomen passa de moins de 10% à plus de 50%.
La Reine arrivant travailler à l’hôpital de l’Océan - Vue de la Panne
En France ce n'est pas moins de 244 hôpitaux et centres de soins où furent soignés des soldats belges. Ils étaient répartis dans tous le pays suivant les pathologies, de la Savoie à la Bretagne en passant par la région parisienne et la Côte d’ Azur dans les propriétés de Léopold II à St-Jean-Cap-Ferrat. Les liaisons étaient assurées par un excellent service de trains sanitaires. Je mentionnerai seulement l'HMB de Bonsecours sur les hauteurs de Rouen. D'une capacité de 2.000 lits et spécialisé dans la rééducation. Des médecins et thérapeutes suédois furent engagés pour encadrer le personnel belge. Les suédois en avance dans ce domaine, étaient entrain d'inventer la kinésithérapie. Cet hôpital fut remis à la France à la fin des hostilités et est encore en service aujourd’hui.
En Angleterre c'est 13000 blessés qui furent soignés dans différents King's Albert Hospital.
La grippe qui fit des ravages en 1918 ne fut espagnole pour la France, parce que les journaux espagnol, pays neutre, furent les premiers à en parler librement et aussi à une vague rumeur de contamination de conserves ibérique par des agents allemands.
Pour les allemands c'est une grippe américaine, les anglais emploient le juste le mot influenza. Il faut dire que les virus étaient inconnus. A l'origine c'est une grippe chinoise comme nous en connaissons encore maintenant (grippe asiatique) qui passée aux Etats Unis se transforma en pandémie aviaire H1N1 ; on pense dans une ferme de Pennsylvanie et
venue en Europe avec les troupes américaines. Elle frappait aussi bien les jeunes, les vieux mais épargnait parfois les plus faibles et les très jeunes enfants. C'est la tranche 30/ 40 ans qui fut la plus touchée. Elle fit 6 millions de mort sur le vieux continent et un chiffre inconnu dans le monde ; on parle de 20, 50 ou parfois 100 millions de mort car elle fit des ravages en Amérique du Sud et aux Indes où il n'y avait pas de recensement. En Alaska dans les villages, c'est parfois 95% de la population qui périt.
L'armée belge recensa 12000 cas avec de 250 cas mortels ou 720 suivant les mémoires du Général Mélis. Les malades furent soignés à Cabour par le Dr Nols qui ouvrit après la guerre un hôpital à Bruges car l'épidémie ne s’arrêta pas avec la fin des hostilités.
En 1914, la médecine militaire était presque au niveau de la médecine du début du 19e siècle mais tous les éléments d'une médecine moderne étaient présent à l'état embryonnaire. Le Dr Depage, professeur à la faculté de médecine de l'ULB et riche d'une pratique opératoire avec en plus une expérience de terrain pendant les guerres balkaniques fit avancer la médecine de guerre notamment par une étude sur le débridement des plaies pour retarder la nécrose. Cette technique fut complétée grâce aux recherches du Dr Carel et Dakin de la fondation Rockefeller de Compiègne et bien que boycotté par le Service de Santé français, ce désinfectant fut amélioré par les recherches Dr Debaisieux (UCL) et Carel à l'Océan.
Des avancées importantes ont été réalisées avec des recherches conjointes entre le Service de Santé et l'Océan pour le traitement anti-streptocoque (septicémie), le tétanos, la gangrène gazeuse.
La radiologie existait avant la guerre ainsi qu'une technique expérimentale de recherche de corps étranger développé par le Dr Henrard ; celui-ci fut envoyé à L'Océan par le Général Mélis pour développer sa technique de détection par stéréotaxie qui permettait un positionnement du corps étranger. La grande avancée en radiologie arriva en 1917 quand aux Etats-Unis, Eastman mis au point les plaques radiographiques.
Il y eu les premières greffes de peau à l'Océan. Il fallait que donneur et receveur restent attachés dos à dos pendant plusieurs semaines.
L’oxygénation des gazés dont les appareils furent conçus et développés par le Dr Nols à Cabour. La chirurgie maxillo-faciale ainsi que la réduction des fractures par fixateur externe fit de grand progrès grâce aux travaux du Dr Janssens à l'Océan.
On effectua les premières transfusions sanguines suite aux travaux du Dr Hustin. Au départ elles étaient effectuées avec 10 à 12 seringues allant du donneur au receveur avec tous les risques de piqûre « anatomique ». Il conçut différents modèles de pompe pour réduire ce risque et dont voici un des prototypes (*). A cette époque, il était impossible de conserver le sang et sa grande découverte fut l'adjonction d'une solution de citrate de sodium qui empêchait une coagulation trop rapide. Il est à noter que l'on connaissait les groupes sanguins découverts par un médecin autrichien en 1909 mais pas le facteur rhésus qui fut découvert par ce même médecin en 1938. Il faut noter aussi le remarquable travail de recherche tant à l'institut Marie Depage que dans les laboratoires de l'HMB de Beveren et le développement des prothèses à l'Océan et à Bonsecours (Rouen) où se développa la kinésithérapie.
Tous les spectres des soins médicaux ont été perfectionnés par une pratique à grande échelle.
Prototype d’une pompe sanguine devant servir au prélèvement ou à l’injection de sang.
Bien sur, il y eu certainement des erreurs, des défauts et des manquements, mais la médecine belge de la Grande Guerre passe de l'improvisation dans l'urgence à une médecine efficace en avance sur les autres Services de Santé grâce à la qualité médicale des Dr Depage et Derache, la remarquable organisation du Général Mélis et la volonté de la Reine Elisabeth qui déplaça des montagnes pour améliorer le sort des soldats.
C'est aussi la conjonction des bonnes volontés des médecins, infirmières, bénévoles, religieuses et une saine émulation entre le Service de Santé et la Croix Rouge soutenus par une aide importante anglaise et américaine qui permit cette performance.
Complicité entre deux personnages essentiels: La Reine des Belges en compagnie du Docteur Depage (Les photos de cet article proviennent d’un album du Dr Depage - Archives de la Ville de Bruxelles)
Avec le soutien de la Province du Brabant Wallon |