La 9e Journée Inter-Cercles de l'Echarp s'est tenue dans les murs du Domaine Provincial d'Hélécine, joyau patrimonial de notre belle province.
Une quarantaine de participants ont assisté à la visite des lieux, menée par le guide attitré du Domaine, Monsieur Freddy Dorange. Ses explications et les anecdotes qu'il nous a confiées
ont suscité l'intérêt de tous
Ensuite, notre ami et conférencier du jour, Joseph Tordoir, Président du cercle de Wavre, nous a présenté un exposé magistral sur l'histoire riche de l'abbaye d'Hélécine, trnasformée en
château par la suite. Ci-dessous, vous trouverez la synthèse de l'exposé, rédigé par Paul Olbrecht.
Michel Dubuisson, responsable de Villers-la-Ville, à ensuite parlé brièvement du projet de l'Echarp de constituer un travail concernant les brasseries en Brabant Wallon, au cours des âges. Cette publication
s'élaborera à partir d'articles et de travaux déjà publiés par les cercles membres de l'Echarp. Un appel a encore été lancé aux cercles qui n'ont pas encore souscrit au projet et qui auraient dans leurs cartons de la matière
pouvant être jointe ce travail. Des précisions quant à l'évolution du projet seront communiquées régulièrement par le biais du site Internet de l'Echarp.
Un repas a été servi dans le restaurant du domaine, ainsi, les agapes ont été l'occasion d'échanges entre membres et cercles. Une visite au Musée Pellegrin était prévue, mais, hélas, il nous a été communiqué en dernière minute que
l'institution serait fermée pour raisons de travaux. Qu'à cela ne tienne, Monsieur Freddy Dorange est revenu nous parler de sa passion: le Domaine.
Joseph Tordoir est l'auteur du livre « Heylissem, Histoire d'une abbaye de l'ordre de Prémontré », 2012. L'Echarp dans son bulletin N° 65, pages 14 à 16, du 15 juin 2013 en avait déjà fait le compte-rendu.
Le conférencier rappelle que c'est à l'occasion des cinquante ans de l'acquisition du domaine d'Hélécine par la province de Brabant wallon qu'il a été édité. Il fait suite aux ouvrages de référence sur les grands domaines du Brabant wallon : ceux de Thomas Coomans sur Villers-la-Ville en 2000 et sur La Ramée en 2002. Ce travail se veut une approche générale qui n'existait toujours pas pour le grand public et que des travaux plus approfondis peuvent maintenant être entrepris vu les très nombreuses sources manuscrites.
Les premiers siècles de l'abbaye
L'abbaye est fondée entre 1135 et 1145 dans un endroit assez marécageux sur un coude de la rivière la Petite Gette. L'orateur rappelle le débat sur les hypothèses de l'année de fondation en recoupant les divers indices et sources manuscrites. Elle est une fille de l'abbaye de Floreffe. Saint Norbert avait fondé son ordre à Prémontré, diocèse de Laon, dans le département de l'Aisne (entre Saint-Quentin et Soissons) en 1120. Cet ordre suit la règle de Saint-Augustin. Leur spécificité, c'est un large habit blanc et surtout le soin des âmes, c'est à dire qu'ils participent à la vie de la communauté abbatiale tout en étant curés de paroisses. Ils s’occupent de celles des environs de Jodoigne et de Tirlemont.
En ayant la responsabilité des paroisses, ils ont aussi la responsabilité du patrimoine bâti des églises et des cures. Ce sont les revenus du domaine qui vont leurs fournir les disponibilités financières pour répondre à ces charges. Il est noté que l'église paroissiale de Heylissem qui est quasi encastrée dans le domaine de l'abbaye, ne dépend pas des prémontrés. Ils ont essayé de l'incorporer mais des résistances locales (autonomie locale) les en ont empêché.
Cette abbaye se situe dans l'ordre hiérarchique après Averbode et avant Tongerloo. Sa zone d'influence s'étend jusqu'à la frontière hollandaise au nord et jusqu’à « l'échangeur » de Daussoulx au sud. Elle est en étroite relation avec les paroisses de Tirlemont et Léau (Tienen et Zoutleeuw). Elle est à la limite extrême du nord de l'actuel Brabant wallon (pour l'anecdote les nombreux rebecquois présents à la réunion de l'ECHARP faisaient remarquer qu'ils devaient faire la plus longue diagonale du Brabant wallon qui soit pour rejoindre Rebecq à Hélécine, soit entre 80 km et 95 km suivant les itinéraires). Cette zone située entre des puissances locales importantes (Liège, Namur et Brabant) sera le terrain de conflits armés du XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle. Ceci engendra des destructions successives et des reconstructions des bâtiments. En 1507, un incendie la détruit une première fois suite aux guerres entre l’Espagne et la France et en 1576, l'abbaye est détruite à nouveau par le Prince d'Orange.
Au XVIIIe siècle
En 1749, elle acquiert un domaine en Allemagne. Cette acquisition lui donne des revenus supplémentaires. Et dès 1768 sous l'abbatiat de Michel Gossuin, originaire de Huppaye, des travaux considérables sont entrepris. Ces travaux vont façonner le bâtiment tel que nous le connaissons aujourd'hui. Il est fait appel à l'architecte bien connu, Dewez. Il a à son actif déjà les abbayes de Gembloux, Orval, Villers, Valduc. Il fait appel à des stucateurs italiens de renom pour la décoration intérieure ainsi qu'au sculpteur Henrion pour les nombreuses décorations extérieures.
La pierre de Gobertange est mise à l'honneur (c'est le cas de le dire) sur la grande cour d'honneur. Le chantier est très long. Ces travaux sont réalisés sur fonds propres mais après 10 ans, un emprunt est contracté. Le chantier ne se termine que vers 1791 avec des artisans locaux qui ont pu assimiler les techniques venues de l'extérieur mais à un coût moindre.
Il faut aussi retenir de cette période les nombreux objets du rituel catholique et propres aux prémontrés. L'orateur précise que le but, la vocation de l’ordre est le soin des âmes donc de magnifier le rituel. L'ensemble des «outils» de ces rites sont de très haute qualité. Suite à diverses pérégrinations, les habits sacerdotaux (chasubles, étoles,...) se trouvent dans le trésor de Saint-Rombeau à l'archevêché de Malines. La mitre de l'abbé est dans un musée londonien, la crosse, en argent plaqué d'or, de l'abbé se trouve à l’abbaye d'Averbode. Les stalles sont parties dans l'église paroissiale de Hoegaarden, avant l'arrivée de l'abbé Michel Gossuin.
Après 1796, la période française et le XIXe et le XXe siècle
Après la bataille de Fleurus, la France prend possession de la Belgique et vend tous les biens ecclésiastiques. L’abbaye est achetée par un industriel français Tiberghien, qui en fait une filature de coton. Dès 1813, il fait venir des familles anglaises qui connaissaient les techniques. Elles ont du arriver en cachette car il ne faut pas oublier le blocus anglais de l’époque. La famille Vandenbosch acquiert le domaine en 1836. Elle souhaitait revaloriser la partie château d'une part et créer une industrie sucrière. Cette activité durera jusqu'en 1928.
En 1864-1865, l'architecte Ballat, l’architecte de Léopold II, concepteur des serres de Laeken intervient. Il aménage, entre autres, le dôme de 27 mètres de haut, ancienne nef de l'église abbatiale. Il revoit l'aile droite de la façade. Il redessina aussi les étangs. La famille d'Outrelmont hérite du domaine en 1917 et le revend donc à la province du Brabant Wallon en 1961. C'est elle qui construira un manoir juste en face de l'entrée du domaine. Cet exposé et ce travail, l'histoire de l'abbaye d'Heylissem, nous dit l'orateur, doit être poursuivi en approfondissant les nombreuses pistes qui ont été ouvertes par cet ouvrage. Entre autres la vie économique des fermes et des paroisses ainsi que les nombreux bâtiments qui y sont annexés. Une piste possible qui pourrait intéresser l'ensemble des historiens du Brabant wallon, l'orateur nous informe que Villers possède 10.000 bonniers et qu'Hélécine en possède 2.200. Toutefois dans l'inventaire établi par l'autorité autrichienne en 1787 pour contrôler les revenus des abbayes, Hélécine se situe en 7ème place bien avant Villers. Quelles en seraient les causes ? Plus de création de valeur ajoutée par Ha ? De meilleures terres ? Moins de bois ? Un management plus entreprenant de la part des prémontrés ? Autant de pistes suscitées par cette conférence très ouverte sur un joyau méconnu de l'histoire du Brabant wallon.
Paul Olbrechts
Avec le soutien de la Province du Brabant Wallon |