Pavillon d’accueil du Bois des Rêves - Allée du Bois des Rêves 1, 1340 Ottignies-Louvain-la-Neuve
9 h 00: Accueil (café-croissants)

Salle « La Malaise » (1er étage)
* 9 h 30: Présentation du CHAGO et du Bois des Rêves par Mme C. Lucas et M. J. Bidoul.
* 9 h 45: 1e intervention : "Le patrimoine d’Ottignies-Louvain-la-Neuve", par Jacques Roland, ancien Bourgmestre.
* 10 h 30: 2e intervention: Film : « La filature Van-Hoegaerden-Boonen, 1824 – 1982, la longue histoire de celles et ceux qui filaient du bon coton » par MM. Jean Bidoul et Alain Libert (CHAGO).
Questions/réponses

11h30: Apéritif et repas

14h00: Départ pour le « Panorama du Musée L » à Louvain-la-Neuve Visite guidée du musée

Le samedi 17 novembre passé, une quarantaine de membres de l’Echarp était réunie au domaine du Bois des Rêves pour une journée consacrée au Cercle d’Histoire et de Généalogie d’Ottignies-Louvain-la-Neuve (CHAGO).

Cécile Lucas et Jean Bidoul ont présenté le cercle d’Ottintois au public, son histoire depuis sa fondation, sa situation actuelle, les projets envisagés, etc.

Ensuite, Jacques Roland, ancien Bourgmestre de l’entité nous a brossé un tableau réaliste de la commune qu’il a gérée pendant 18 ans. C’est donc en connaisseur pointu d’Ottignies qu’il a décrit la ville, ses quartiers, ses hameaux, Louvain-la-Neuve, les brassages de la population, l’évolution du commerce et le l’incidence de la modernisation, bref, un tableau complet de la cité.

Puis, Alain Libert nous a donné des explications concernant l’ancienne filature Van Hoegaerden-Bonen et du film qu’il a consacré à cette industrie florissante des deux derniers siècles passés, dont on peut lire l’historique dans les pages suivantes. Le film s’est révélé être un petit bijou de l’art cinématographique. L’approche du propos par le biais du témoignage des derniers ouvriers et intervenant de l’époque a donné au film un une mesure humaine, emplie de nostalgie pour plusieurs des participants, l’histoire si bien racontée leur rappelant toute une époque aujourd’hui révolue…

Le repas fut pris au restaurant du domaine et l’après-midi fut consacré à la visite du fameux musée universitaire d’Ottignies LLN, le « Musée L ».

La conception de cet espace dédié aux sciences et à l’art est surprenante. La confrontation des objets différents par leur histoire ou même leur nature amène le visiteur à réfléchir sur le sens de la vie, de la société et en fin de compte à réfléchir sur lui-même dans cet univers où l’humanisme semble être la ligne conductrice du voyage à travers les âges la science, l’art et le savoir. Loin d’être figé et immobile, le Musée L est un univers tourné vers le dialogue des choses et de l’esprit. La filature de Céroux-Mousty, qui a fermé ses portes en 1982, était l’établissement industriel le plus ancien de la région d’Ottignies. Avec les aciéries Henricot toutes proches, elle fut pendant de nombreuses décennies, une usine importante et appréciée.

Trente-cinq après la fermeture, son histoire n’ayant fait l’objet d’aucune publication, le Cercle d’Histoire a tenté de corriger cette lacune. Les principaux acteurs encore en vie ainsi que les archives des familles propriétaires (Van Hoegaerden et Boonen) furent consultés et une brochure éditée  ; en voici une synthèse.

Quelle est l’origine de la filature de Céroux-Mousty ? En 1836, un anglais, Bradley Green repère un barrage qui venait d’être créé sur la Dyle, à la limite entre Ottignies et Court-St-Etienne, pour fournir la force motrice à un pressoir à huile. Il achète le site et y construit une filature de coton : une roue hydraulique et un bâtiment de 3 étages. Il fit de même à hauteur de la future gare d’Ottignies. Ces 2 aventures furent un échec : après deux ou trois ans, arrêt de l’usine d’Ottignies et mise en vente de celle de Céroux-Mousty.

C’est une activité dans l'hôtellerie qui a fourni à la famille Van Hoegaerden les moyens financiers pour se faire un nom dans l’industrie textile.

Jean van Hoegaerden (1755-1833) est né dans le Brabant flamand. Il fait un beau mariage en épousant la fille du concessionnaire allemand de la malle-poste Bruxelles-Cologne. Cela lui permit de devenir, en 1792, le premier propriétaire du luxueux hôtel de Flandre, situé place Royale à Bruxelles. C’est aujourd’hui le siège de la Cour Constitutionnelle.

Son fils aîné devient un tisserand et un teinturier réputé, tandis que son fils Charles crée, en 1824, une filature de coton dans la campagne bruxelloise. C’est aujourd’hui la place et la rue van Hoegaerden à Koekelberg. Il investit dans la filature de Céroux-Mousty à partir de 1840, en devient propriétaire en 1845 et la développe sur un terrain de 15 ha (dont les 2/3 sur Court-St-Etienne). Charles van Hoegaerden eut de multiples activités dans le textile et la finance, notamment celle de directeur de la Banque Nationale de Belgique, dès sa création en 1851.

A son décès en 1870, son fils Henri lui succède jusqu’en 1918. C’était un homme modeste, payant de sa personne et de de ses deniers, peu conformiste dans son milieu de grand bourgeois bruxellois. Sous sa direction, l’expansion et la prospérité de la filature furent remarquables.

Il y eut cependant deux périodes noires :
Durant la guerre de Sécession de 1863 à 1866 car le coton américain, le seul à être utilisé à l’époque, n’arrivait plus.
Durant la première guerre mondiale car une partie de l’usine était réquisitionnée : elle servait notamment de dépôt provincial de grain pour lutter contre la famine, avec un stock de 2000 t.

Beaucoup de familles se rappellent qu’en novembre 1916, les hommes de 17 à 55 ans des 19 communes environnantes, soit 1900 personnes, y furent rassemblés par l’occupant avant d’être envoyés au camp de Wittenberg.

A la fin de la grande crise économique de 1929, un remaniement financier devint impératif. La société anonyme « Ancienne Filature Van Hoegaerden-Boonen » est créée en 1934, après le décès de René Boonen.

Elle sera présidée par un ancien premier ministre et cofondateur de la société Petrofina, le Vicomte van de Vyvere.

Jean Boonen, le fils de René, en sera l’administrateur-délégué pendant 32 ans. Grand travailleur, sa gestion et son sens des responsabilités sociales a marqué les esprits.

La filature devient une usine de 800 personnes, dont 60 % de femmes : nombreux étaient les couples où Madame travaillait à la filature et Monsieur chez Henricot. Des autocars conduits par un contremaître ou un ouvrier transportent du personnel dans un rayon de plus de 20 km autour de l’usine.

C’était du « pain béni » pour de nombreuses personnes non qualifiées. Le climat social y était excellent malgré des conditions de travail difficiles. De gros investissements furent réalisés pour lutter contre le bruit et la poussière.

L’entreprise sera à son apogée lors du 150e anniversaire en 1974 avec une production de 15 tonnes par jour, soit 1/20e de celle de la Belgique. Elle avait doublé sa production en 30 ans, contrairement à l’ensemble des filatures belges qui, sur la même période, avaient perdu la moitié de leur capacité. C’était un petit miracle.

Claude Boonen, qui avait succédé à son père en 1966, a dû faire face aux effets de la mondialisation qui ont affecté durement tout le secteur textile. En 1979, les actionnaires privés durent se résoudre à céder tous leurs titres aux pouvoirs publics, c.-à-d. la Société de Développement Régional Wallonne et la Société Nationale d'Investissement.

Malgré un Plan National pour aider l’industrie textile (le plan Claes doté de 7 milliards de FB sur 5 ans - dont 20 % pour la Wallonie), la situation se dégrada progressivement. Comme ce fut le cas pour 5 des 12 entreprises textiles de Wallonie, la filature de Mousty fut mise sous curatelle. Seules les meilleures machines furent conservées et 200 membres du personnel réengagés. Le climat social resta néanmoins serein, comme il le fut tout au long de la vie de l’entreprise.

Par la suite la reprise par un investisseur portugais se révéla catastrophique et la faillite définitive fut prononcée en 1982 : la dernière filature de coton de Wallonie avait définitivement vécu. Le site fut repris par la société CP Bourg spécialisée en matériel d’impression.

Plusieurs entreprises manufacturières du Brabant Wallon connurent malheureusement le même sort à la même époque, avec en prime l’affaire qui fut appelée « le scandale des faillites du Tribunal de Commerce de Nivelles » qui défraya la chronique judiciaire jusqu’en 1993. Mais cela est une toute autre histoire !

Dès la fin des années 1950, la logique financière classique aurait dû conduire la filature de Céroux-Mousty à se dissoudre dans le giron d’un grand groupe, en Angleterre ou à Gand. Mais la fierté « d’être et de rester là où on est » et de « garder son âme » l’emporta à tous les niveaux de l’entreprise pendant plus d’un quart de siècle.

Terminons par une considération d’ordre plus général concernant l’industrie textile, l’énergie et la sidérurgie qui furent les moteurs de la prospérité économique de nos régions. La première machine à filer, la mule-jenny date de 1780. C’était un secret d’état bien gardé car l’Angleterre ne voulait pas collaborer avec l’Europe (un Brexit avant la lettre !). Un ingénieur-espion gantois, Liévin Bauwens, devint extrêmement riche en parvenant à l’exporter en pièce détachées. Il fut condamné à mort par contumace et pendu en effigie sur la place Londres. La grande industrie textile était cependant née sur le continent.

La leçon fut retenue : pour la sidérurgie et les chemins de fer, la collaboration entre les industries des deux côtés de la Manche fut plus tard une réussite.