Né en 1948, docteur en histoire de l’Université de Louvain-la-Neuve (2001) avec une thèse sur la formation au travail social en Belgique francophone (1920-1940).
Professeur émérite au Département d’histoire de l’Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve, il y a enseigné la recherche documentaire, la critique de l’information, la communication de l’histoire, l’histoire de l’éducation et de la formation, et les méthodes de recherche en sciences de l’éducation.
Responsable de la finalité spécialisée en communication de l’histoire et histoire publique du master en histoire à l’UCL (2007-2016), il est également directeur des Archives du monde catholique (ARCA), centre d’archives et de recherches à Louvain-la-Neuve.
Il a notamment dirigé avec Jean Pirotte, Pour une histoire du monde catholique au 20e siècle, Wallonie-Bruxelles. Guide du chercheur (Louvain-la-Neuve, ARCA, 2003 784 p.),
Il a publié L’historien dans l’espace public. L’histoire face à la mémoire, à la justice et au politique (Bruxelles, Labor, 2005, 176 p.), Les intellectuels catholiques en Belgique francophone aux 19e et 20e siècles (Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain et ARCA, 2009, XVI-396 p.), et dans un numéro spécial de la revue Le Débat (Paris, Gallimard) sur La culture du passé, « Vers l’histoire publique » (Le Débat, n° 177, novembre-décembre 2013, p. 152-163).
Les apports de l’histoire locale à l’espace public
Mon intervention dans le cadre de cette journée de l’ECHARP (Entente des Cercles d’Histoire et d’Archéologie du Roman Païs) consacrée aux « Cercles d’histoire locale : passé ou avenir ? » se propose d’envisager les apports de l’histoire locale à l’espace public, en abordant quelques thématiques qui ont redynamisé dans ces dernières années la culture du passé.
Cette culture du passé renouvelée s’exprime notamment dans les liens que l’histoire pratiquée à l’échelon local entretient avec la mémoire, le patrimoine et la globalisation, relations que j’aborderai successivement. Je terminerai par quelques réflexions sur la place du local dans l’enseignement de l’histoire et sur l’importance de la culture numérique.
Mais les mutations que je pointerai dans l’évolution des relations entre l’histoire locale et son environnement sociétal ou l’espace public doivent s’inscrire d’abord dans les modifications du rapport au passé.
Une histoire pour l’espace public : l’histoire publique
Depuis les années 1980, le souci du passé, dans ses diverses manifestations — qu'il s'agisse de la commémoration d'événements, de la célébration d'anniversaires d'institutions ou de personnages ou encore de gestes de mémoire posés en souvenir des victimes du passé — cette relation au passé occupe une place prépondérante dans l'espace public. Cet intérêt accru pour l'histoire — et tout particulièrement pour les guerres, et singulièrement aussi pour les crimes de l'histoire — s'est accompagné souvent d'une intervention des historiens dans une relation active du présent avec le passé.
Le rapport à l’histoire ne se résume pas à l’histoire savante ou académique, mais il englobe tous les usages qui sont faits du passé historique, (soit cette opération historiographique au sens large, dont parle Michel de Certeau dans L’écriture de l’histoire). Les historiens entretiennent d’ailleurs avec la société où ils vivent des relations dans lesquelles l’intelligence du passé qu’ils proposent informe d’abord sur les préoccupations du présent.
L’histoire est aujourd’hui confrontée à une nouvelle demande sociale et une réflexion quant à la place que doit prendre l’historien dans la société s’impose. Elle doit s’ouvrir certes sur les modalités de la diffusion scientifique (la publication des travaux des chercheurs en libre accès, l’Open Access, c.à.d. la mise à disposition en ligne de contenus numériques), mais l’histoire doit se préoccuper plus encore de la communication culturelle et sociale de l’histoire. Celle-ci prend les formes de l’« histoire publique », à laquelle je crois que l’on peut rattacher la pratique de l’histoire locale.
Tentons une rapide définition de l’histoire publique :
L’histoire publique (souvent désignée par le terme anglais de Public History) désigne l’histoire telle qu’elle est produite et (ré)écrite pour un vaste public. C’est l’histoire des films historiques, des documentaires, des sites web, des romans historiques, des magazines, des musées, etc. C’est l’histoire mise au service des politiques mémorielles des villes, des institutions publiques, des entreprises ou des groupes sociaux. C’est une histoire regardée, écoutée, lue et appréciée par des milliers/millions de personnes au cinéma, à la télévision, dans des livres, par des visites ou des voyages.
Ceux qui pratiquent l’histoire publique doivent tenir ensemble les compétences historiques académiques et des techniques de médiation très diverses. Ils sont souvent interpellés par leur auditoire sur les enjeux et les problèmes actuels de nos sociétés.
Ils fondent leur recherche sur un large corpus documentaire composé de sources écrites, orales, audio et iconographiques, en plus de recourir aux collections d’objets issus de la culture matérielle et à toute autre forme de témoignages historiques. Rien qui les différencie de la tradition historienne, sinon une hiérarchie parfois renouvelée de ces sources. Une fois les données analysées et interprétées, ces historiens présentent les résultats de leurs travaux non seulement dans les publications savantes, mais aussi à travers des expositions muséales, des sites patrimoniaux, des initiatives officielles, l’Internet et les autres media.
En raison de ces nouveaux terrains d’activité et des débouchés d’un type nouveau ainsi offerts aux historiens, d’une part, et de l’importance que l’histoire publique accorde aux formes modernes de la communication, d’autre part, les universités se sont d’ailleurs souciées de développer des formations à l’histoire publique. Ce fut le cas d’abord dans les universités nord-américaines, dès la fin des années 1970. En Belgique, à la faveur du processus européen de réforme des programmes de master (le processus dit de Bologne), une finalité spécialisée en communication de l’histoire ou histoire publique est mise en place en 2004/2005 dans le cadre du master en histoire par l’Université de Gand (au Nord du pays) et à Louvain-la-Neuve pour la partie francophone.
Mais peut-on dire de cette histoire publique qu’il s’agit d’une nouveauté ?
L'histoire publique a connu de nombreux antécédents. Ceux-ci renvoient notamment aux sociétés et cercles d’histoire, d’archéologie ou de folklore ; des éléments précurseurs de l’histoire publique peuvent concerner des associations familiales ou généalogiques, même des cabinets d’archives ou des collections privées, qui, léguées à une communauté locale et ouvertes au grand public, deviennent des musées d'histoire ; des manifestations annnonciatrices de l’histoire publique apparaissent aussi dans les représentations de l'histoire
que véhicule la culture populaire sous toutes ses formes (on peut par exemple évoquer les reconstitutions folkloriques ou la fiction historique, notamment littéraire), …
Les sociétés savantes, fondées sur l’engagement bénévole de leurs membres, ont, depuis le milieu du 19e siècle, étudié, récolté, conservé et valorisé les sources historiques et le patrimoine culturel dans toutes ses dimensions. L’exploration des territoires par des érudits et des notables regroupés au sein d’actives sociétés régionales ou locales a mené, en maints endroits, à l’émergence d’une nouvelle identité, d’un imaginaire, bientôt perçus comme une nouvelle relation à la mémoire et à un véritable patrimoine culturel.
On peut donc conclure provisoirement à un apport avéré de l’histoire locale … à l’histoire publique.
Examinons maintenant les relations de l’histoire locale avec la mémoire et avec le patrimoine.
L’apport de la mémoire à l’histoire locale
Les livraisons successives des Lieux de mémoire, publiés en sept gros volumes à l’initiative de Pierre Nora entre 1984 et 1992, attestent d’une inflation mémorielle dans nos sociétés occidentales et de l’importance croissante au sein de l’historiographie de la problématique territoriale/locale.
Sur le terrain, de nombreux indices témoignent de l’intérêt sinon nouveau, du moins renouvelé, des historiens professionnels pour les territoires locaux. Selon un historien, qui a analysé cette évolution, Loïc Vadelorge (auteur d’une thèse sur Une histoire culturelle du local (Rouen de 1919 à 1940), trois facteurs ont contribué à renforcer le statut de l’histoire locale au sein de l’historiographie française : 1. L’écho de la micro-histoire italienne, et ensuite française (révélée aux historiens dans les années 1980) ; 2. Le nombre croissant de diplômés en histoire, dès le milieu des années 1960, augmenta le nombre de ceux qui, enseignants notamment, s’adonnèrent à l’histoire, envisagée particulièrement dans un cadre local ; 3. Vadelorge ajoute, pour la France, le passage à partir du milieu des années 1980, dans l’Université, de la thèse d’État (10 ans en moyenne) à une thèse nouveau régime (5 ans en moyenne), ce qui contribua au resserrement de certaines problématiques sur des territoires restreints.
L’histoire « vue et écrite d’en bas », qui favorisa des collectes d’histoire orale, et la multiplication des commémorations ont également contribué à cet intérêt accru pour l’histoire locale, même si elles ont parfois conduit à une confusion entre mémoire et histoire.
Ajoutons que le développement de la micro-informatique a donné à la recherche en histoire locale des outils heuristiques, des accès à des documentations variées et étendues, ainsi que des débouchés d’édition ou de mise en ligne nouveaux.
L’apport du patrimoine à l’histoire locale
Le patrimoine est aujourd’hui mis un peu "à toutes les sauces", "de la cathédrale à la petite cuillère" (en Brabant wallon, on pourrait dire : de la collégiale de Nivelles au porc de Piétrain). Est-ce un simple effet de mode ? un glissement sémantique abusif pour désigner la considérable extension de la préoccupation patrimoniale dans notre pays comme à l’étranger ?
En fait, on peut distinguer trois phases ou trois manières de se référer au patrimoine.
La plus ancienne cherche dans les monuments historiques, l’architecture prestigieuse ou les grands sites, une sorte de sécurisation, une pérennité ou une distinction pour une certaine élite cultivée.
La seconde manière tient beaucoup plus de la mise en scène, s’étend aux arts et traditions populaires, joue de la fête, mais échappe difficilement à une certaine folklorisation, d’autant plus que le tourisme sélectionne et fabrique, à sa convenance, ses propres images.
Une troisième façon, plus positive, transforme le patrimoine en outil de développement local, susceptible d’entraîner une avancée économique, et également de structurer une identité locale forte qui servira de référence et de levier d’action.
Les murs des maisons privées, des édifices publics, des églises, des bâtiments agricoles ou industriels comptent dans le paysage local ; ils content, ils racontent d’ailleurs beaucoup
d'histoires ... Par l’étude du patrimoine, on a de quoi en savoir beaucoup sur l'histoire locale.
L’enracinement par un patrimoine et une histoire locale partagés va dans le sens d’une recherche d’identité, également exprimée par de nouvelles populations urbaines ou par des "néo-ruraux". Remarquons d’ailleurs que, pour ces "néo-ruraux", notamment des nouveaux habitants immigrés en Brabant wallon, l’attention au patrimoine, sous la forme d’un travail d’inventorisation ou de valorisation, a pu souvent constituer une porte d’entrée vers l’histoire locale et les sociétés qui la pratiquent.
L’apport de l’histoire locale … à l’histoire globale ou de la micro-histoire à la macro-histoire et réciproquement
Pour un historien indien, Sanjay Subrahmanyam (professeur d’histoire économique à la chaire d’histoire indienne de l’Université de Californie à Los Angeles et professeur au Collège de France ; le Département d’histoire de l’UCL l’a proposé pour recevoir un DHC le 6 février 2017), l’histoire globale est « un champ défini et redéfini par des histoires en conversation […], l’histoire des réseaux et des échanges : échanges de biens mais aussi circulation des langages, des mythes et des idéologies. Ces "histoires connectées" permettent de repenser ce que pourrait être aujourd’hui une histoire globale ».
Dans cette perspective, l’histoire globale est une histoire locale expansée, et l’histoire locale résume donc l’histoire globale. La catégorie ancienne (et parfois légèrement méprisée) d’histoire locale a évolué jusqu’à nourrir celle, plus prestigieuse, de la micro-histoire.
Le village ou la paroisse représente, avec la famille, l’unité minimale d’organisation des hommes et des femmes en société. Cela suggère de partir, dans l’enseignement de l’histoire, du village, du quartier ou de la famille. D’après le témoignage d’un enseignant de 4e année ESA/EST/ESP, « les élèves vont à la recherche de leur propre histoire de famille. Pour cela, ils doivent essayer de remonter 100 ans dans le temps. Une fois toutes les informations recueillies, ils doivent donner une présentation sur leur famille. De cette façon, ils obtiennent un aperçu de la micro-histoire dans le cadre des événements de la macro-histoire ».
Avec ce dernier développement, j’aborde l’apport de l’histoire locale à l’enseignement de l’histoire.
L’apport de l’histoire locale … à l’enseignement de l’histoire
Loin de n’être que « le reflet plus ou moins obscurci de la vie générale », selon l’opinion très banale émise par un enseignant français en 1926, l’histoire locale offre à l’historien et au professeur d’histoire des pistes de recherche nouvelles (dont témoignent les grandes thèses d’histoire régionale soutenues - principalement en France - dans les années 1960) et qu’illustre le vibrant plaidoyer de Paul Leuilliot, paru en 1967 dans la revue des Annales (son titre : « Défense et illustration de l’histoire locale » est néanmoins révélateur des obstacles qu’elle rencontrait alors).
Dans la perspective qui est proposée par ce texte programmatique, l’histoire locale peut être une histoire qualitative et différentielle qui vient confirmer, infirmer ou nuancer les conclusions de l’histoire quantitative et sérielle.
Dans l’enseignement, l’histoire locale permet la recherche, permet une « didactique de l’enquête », selon la proposition de Jean-Louis Jadoulle, qui s’applique à un territoire et développe les opérations de la recherche historienne. Développer « une histoire innovante, problématique et expérimentale » par le biais de l’histoire locale s’inscrit dans cette logique de recherche.
Cette démarche appliquée à l’histoire locale comprend une série d’opérations de la recherche en histoire, que j’ai pris l’habitude de présenter à mes étudiants dans leur circularité (cette figure étant retenue pour souligner l’interdépendance et la complémentarité de toutes les phases de la démarche historienne) :
La formule de Jean-Paul Sartre : « L’essentiel, c’est de partir d’un problème » (expression qu’on dirait reprise à Lucien Febvre) peut définir le point de départ, mais aussi d’arrivée de la démarche.
Commentaire de la figure et application à l’histoire locale.
Deux remarques :
Aujourd’hui, à l’ère de la communication et de la globalisation, le « local » n’est plus, particulièrement pour les jeunes hyper-connectés, aussi restreint qu’il n’a pu l’être autrefois.
De l’importance de choisir des faits locaux qui peuvent s’insérer dans des synthèses plus générales, permettant de n’être pas figés à un statut d’exceptions ou d’anecdotes.
Histoire locale et culture numérique
Si, de tout temps, et plus particulièrement à l’école primaire, l’histoire locale ou familiale a été un terreau riche pour intéresser les élèves à l’histoire, la culture numérique (Internet) familière à la génération "Petite Poucette", selon les mots de Michel Serres, permettra de leur offrir une situation de communication véritable et de riches interactions avec leur univers proche ou plus lointain.
Tout comme l’histoire publique doit s’appuyer sur la culture numérique, l’histoire locale et l’enseignement de l’histoire auront comme défis d’intégrer la dimension locale dans l’univers numérique. La culture numérique sera aussi une manière d’alimenter et de connecter l’histoire locale à l’histoire générale. Cet enjeu vaut pour l’histoire publique en général, comme pour l’histoire locale.
La mise en réseau des opérateurs culturels actifs sur un territoire donné (notamment la région, une province ou une localité) représente un outil indispensable en ce qu'elle permet le partage, par la mise en ligne sur la toile internet, des ressources et des services offerts par les associations et les institutions de la région (sociétés d'histoire locale, bibliothèques, médiathèques, musées, centres culturels, administrations, centres d'archives et universités).
Je vous propose de conclure et de clore ainsi mon intervention sur ce souhait de collaboration que j’adresse à tous les partenaires concernés par la pratique de l’histoire locale.
Prise de notes: P. Olbrechts
Né à Liège le 22 juillet 1944.
Études secondaires à l’Athénée Royal de Liège, Licence en Histoire à l’Université de Liège, 1966.
Boursier Fulbright à la George Washington University, Washington DC, 1966-67, Chercheur au Centre Interuniversitaire d’Histoire Contemporaine, 1968, Assistant à l’Université de Liège depuis 1969.
Docteur en Philosophie et Lettres (Histoire), 1975.
Professeur ordinaire honoraire à l’Université de Liège depuis le 1/10/2009 et, jusque là, titulaire des enseignements suivants :
- HISTOIRE CONTEMPORAINE (soit : le cours général, les deux cours d’exercices en candidature, le cours de critique en licence, le cours d’institutions de l’époque contemporaine).
- QUESTIONS APPROFONDIES D’HISTOIRE DU XXe SIÈCLE.
- HISTOIRE D’ALLEMAGNE
- HISTOIRE DES ÉTATS-UNIS
- HISTOIRE D’ANGLETERRE
- HISTOIRE DU COMMONWEALTH
- HISTOIRE DE L’EXPANSION EUROPÉENNE OUTREMER
- DOCUMENTATION AUDIOVISUELLE.
Auteur de quatre livres et de plus de 120 articles d’histoire politique, diplomatique et militaire.
Ancien vice-président, pendant 14 ans, du CENTRE DE RECHERCHES ET D’ÉTUDES HISTORIQUES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE, devenu depuis SOMA/CEGES.
Ancien membre du conseil scientifique du Musée royal de l’Armée
Conseiller scientifique RTBF / BRT pour les séries « Ordre Nouveau », « Jours de Guerre » etc.
Prix Ernest Discailles de l’Académie Royale de Belgique, Classe des Lettres.
Lieutenant-colonel de réserve hre.
La petite et la grande histoire : un soutien aux cercles locaux d’histoire.
Avec sa longue expérience de l’histoire en général, le conférencier nous fait part de quelques réflexions majeures pour le thème de notre journée.
D
’emblée il soutient fermement l’approche de l’ECHARP et le soutien aux cercles locaux d’histoire.
« Si à la bataille de Sedan, en 1870, Napoléon III n’avait pas eu de pierre à la vessie, le cours de l’histoire, de la toute grande histoire, aurait pris une tout autre tournure : la revenge de la guerre 14-18, le nazisme et la seconde guerre mondiale ».
En face de la monumentale histoire de Belgique de Pirenne, pour lutter contre le déterminisme historique, le professeur de l’université de Liège, Léon Halkin avait aussi déjà écrit en 1938, en visionnaire, un ouvrage sur la filière « Famille, commune (village), province ». Il insistait sur l’effet aller-retour des faits, tout comme sur le principe des poupées russes. Une bonne connaissance des faits locaux donne un bon éclairage à l’histoire générale.
La pierre d’achoppement, en Belgique, de l’élargissement de l’histoire locale à la grande histoire c’est le destin institutionnel très diversifié de nos régions avant la révolution française, le régime hollandais et la création de la Belgique en1830.
Qu’est-ce qu’un historien ?
Un inspecteur de police du passé, un enquêteur qui traque les indices pour établir une certaine vérité. La collaboration avec les cercles d’histoire locaux est indispensable. Il faut recueillir le passé récent 1950-2000. Les modifications dont nous sommes en 2016 les témoins. Les témoins disparaissent petit à petit. C’est essentiel pour les 50 prochaines
années, pour les historiens du futur.
L’Historien est le notaire du passé. Mais attention la technologique des traces écrite aussi. Il est rappelé que la pointe Bic couramment utilisée maintenant, ne tiendra pas aussi longtemps que l’encre qui tatoue le papier. Par ailleurs la qualité des papiers évolue. Les livres édités juste après la guerre avec de la pâte à papier de mauvaise qualité se dégradent, de même que les journaux de cette époque.
La connivence politique, il faut s’en méfier. A sa sortie de fonction de l’homme politique laisse peu de traces. Les PC et les armoires sont vidés. Ne rien laisser aux générations futures. Donc des minutes, des copies de lettres sont parfois les seuls témoins. Jadis les ministres restaient plusieurs années au pouvoir dans des majorités, ou des coalisations stables. Maintenant avec des majorités de six couleurs politiques, les traces s’estompent malgré le volume initial bien plus grand de sources. Les déclarations fiscales ne sont conservées que dans un rapport aléatoire de 1/100. On passe d’une peinture figurative à une peinture impressionniste.
L’Histoire publique dépend du monde politique. Elle est souvent dissimulée.
Le monde académique lui est souvent trop pressé par la mode. Le recrutement se fait comme le mercado de football. Par exemple dans les année 90, au colloque de l’American Historical Association , les universités américaines s’arrachaient des historiens des Balkans !!!
La mémoire des commémorations est à la mode. Des commandes de la part d’autorité politique avec peu de culture historique !
Que seront les festivités de 2018 pour le centenaire de l’armistice ?
On a oublié que les troupes belges ne sont entrées à Bruxelles que le 22 novembre 1918 et que durant 11 jours ce ne fut pas la joie de la population, qui elle se cachait dans les caves mais le chaos de la débandade l’armée allemande.
Que la population Bruxelloise découvrit des wagons d’alcool sur le site de Tour et taxi. Elle fit donc la fête mais dans l’un des wagons, il y avait des obus. Il explosa et fit 21 morts !
Il y a méconnaissance des collaborations entre nous les historiens. Nous devons faire parler les gens sur l’histoire locale.
L’Histoire locale est une mosaïque à l’exemple de la bataille d’Alexandre le Grand au musée de Naples. Chaque élément de l’ensemble est important. Il donne un éclairage différent mais significatif, suivant qu’on a le nez sur l’œuvre ou que l’on prend du recul.
La connaissance fine du contexte social est essentielle. L’exemple d’une commune au XIXème où deux partis politiques s’affrontent et laissent des traces dans les publications électorales : les Boucs et les Gattes. Il faut être proche des sources y compris de l’histoire orale pour pouvoir interpréter ces textes. On ne peut comprendre le contexte politique de la ville de Gand et des ses quartiers qu’en sachant que l’un d’entre eux a été le principal fournisseur (3/4 des flamands) en volontaires des brigades internationales durant la guerre d’Espagne.
Un défaut de l’amateur. Il doit toutefois évité le risque d’être exclusivement un passionné. Il risque de perdre la vue périphérique à son sujet. C’est le cas exemplaire de Fabrice Delgado durant la bataille de Waterloo. C’est le cas plus récents des diverses péripéties de la bataille des Ardennes en 1944. (un GI, caché derrière le 3ème sapin d’un coup- feu. On connait sa profession de viseur dans une chaîne de montage chez Ford à Détroit et qu’il avait un bouton sur le nez !!!).
L’expertise de l’historien doit couvrir les champs de la démographie, de l’économique, du politique mais aussi de la famille et de la fratrie.
Il faut une connaissance intime du passé. Le meilleur professeur d’histoire, qui puisse relier passé et présent, est le grand-père. Cette affirmation ouvre des pistes bien nombreuses pour exprimer la Vie du passé.
Des détails comme l’horaire des trains et l’enclavement ou le désenclavement de villes comme Hannut et Huy. L’électricité payée à un employé par le porte à porte. Les fanfare à
vélo. Tout le cérémonial autour de l’enterrement et les effets de l’endogamie (le choix du partenaire dans un groupe ciblé).
La mémoire peut être aussi sélective de manière surprenante en fonction des sources écrites. La collaboration durant la guerre 1940-1945 est beaucoup plus documentée que la résistance grâce aux dossiers de l’auditorat militaire de l’après-guerre.
Attention au docufiction : Le docu-fiction égal danger. L’image ne ment pas. Mais elle peut être carrément fausse. Par exemple c’est le cas de la colorisation d’actualités allemandes d’avant-guerre. Goebels a un uniforme bleu (Luftwaffe) et non brun (Brigade des S.A.), nous sommes avant 1933.
L’autre danger ce sont les reconstitutions. Entre autre l’émission Jours de Guerre » où les comédiens ne correspondent pas du tout aux « originaux » et peuvent induire durablement des images erronées du passé. (L’assassinat du Bourgmestre de Charleroi en août 1943 et de son épouse).
Les dérives de l’histoire commerciale. Les auteurs à succès qui engage des nègres » qui n’ont pas le temps ni les compétences pour vérifier les sources. Quelques exemples dans les livres de Max Gallot ou Pierre Miquel touchant notre pays.
Amasser.
La conclusion proposée l’orateur aux cercles locaux : amasser, amasser et ensuite appliquer la critique historique, mais d’abord amasser les informations du passé local, par interview, par collecte de documents fragiles mais locaux, les lettres, les photographies, toutes les traces du passé local.
Prise de notes: P. Olbrechts
Avec le soutien de la Province du Brabant Wallon |